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Ellen Johnson Sirleaf : après le Nobel, la réélection ?

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Debout sur une scène de fortune, accrochée entre deux camions dans un stade de Monrovia, la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf entonne une chanson entraînante, « Ellen’s got the Mansion Key »Ellen a les clés de la grande maison – à ses partisans qui l’acclament. Elle apparaît confiante à l’approche du scrutin du 11 octobre, qui l’opposera notamment à l’ancien chef de guerre Prince Johnson et à la star internationale de football George Weah.

L’expérience de 40 ans de carrière

Elle jouit elle aussi d’une renommée considérable, après 40 ans de carrière : avant de devenir, en 2005, la première femme chef d’État élue au suffrage universel et désormais prix Nobel de la paix, cette Libérienne, formée aux États-Unis, dotée d’une double culture, a été ministre junior au début des années 1970, puis économiste en poste au siège de la Banque mondiale à Washington et dans différentes institutions à travers l’Afrique, avant de regagner son pays et d’être prise dans les tourments de deux guerres civiles.

Élue confortablement en 2005 avec 59 % face à George Weah, Sirleaf ne fait toutefois pas l’unanimité dans son pays et ces élections pourraient bien être le défi de sa vie.

Le défi de la reconstruction

L’un des principaux projets de son mandat présidentiel était de réduire la pauvreté. Malgré ses efforts, une majorité de la population continue à vivre en dessous du seuil de pauvreté mondiale. C’est encore le prix à payer dans un pays détruit par 14 longues années de guerre qui ont tué 250 000 personnes.

Lors d’une rencontre avec d’anciens combattants en septembre, Johnson Sirleaf se voulait rassurante « Cela nous a pris du temps afin d’ouvrir notre économie au monde, afin d’attirer les investisseurs étrangers… Maintenant notre économie est en route. Partout dans ce pays, des entreprises se sont installées. Maintenant qu’elles commencent à fonctionner, elles vont pouvoir créer de l’emploi. »

Depuis son élection, son gouvernement a attiré presque 19 milliards de dollars en investissements étrangers. La présidente a aussi profité de sa renommée mondiale et de son expérience d’économiste pour convaincre le FMI et la Banque mondiale d’alléger de 4,6 milliards de dollars la dette du pays. Des réussites qui ne convainquent pas totalement les Libériens qui voudraient voir plus d’avancées concrètes dans leur vie quotidienne.

Le symbole des droits de la femme en Afrique

Johnson Sirleaf est devenu le symbole de la liberté des femmes quand elle est devenue la première présidente africaine. De nombreuses réalisations telles que des programmes d’alphabétisation pour adultes, tribunaux spéciaux pour les viols, programmes d’éducation primaire, obligatoire et gratuite sont à l’origine de ce symbole.

Mary Siah Varney est vendeuse dans le centre de Monrovia, un de ces supermarchés rénovés grâce à un fonds privé qu’Ellen Johnson Sirleaf a créé. « Le gouvernement nous a véritablement traînés à l’école. Ma Ellen nous a ouvert les yeux »

Varney votera une nouvelle fois pour Johnson Sirleaf. « Elle a fait de nombreuses choses pour nous. Elle nous a donné des droits en tant que femme, je prie pour qu’elle soit réélue. »

Une réputation controversée

Malgré son rayonnement international, l’image de la présidente et Nobel de la paix n’est pas sans zones d’ombre. Winston Tumbna, neveu de l’ancien président William VS Tubman et candidat à la présidentielle, voit en Johnson Sirleaf une femme dont les mains sont souillées par le passé du Libéria. Elle a d’ailleurs admis avoir accordé des fonds au Front national patriotique du Libéria, la machine de guerre de l’ancien dictateur Charles Taylor, qu’elle a ensuite abandonné. « Dans la mesure où elle a admis ce qu’elle a fait, elle devrait comprendre que quelqu’un qui a agi ainsi ne peut pas unir le pays. Elle devrait alors se retirer. Notre parti, quant à lui, rassemble des personnes qui n’ont jamais pris part à la guerre. »

Du côté de ses opposants, Prince Y. Johnson a tourné le dos à son passé de leader des rebelles du Front national patriotique du Libéria. D’homme de guerre, il s’est transformé en homme de loi. Sénateur pour le comté de Nimba, il semble être bien placé pour empêcher la présidente de briguer un second mandat. Il dit d’elle « qu’elle ne mérite pas d’être réélue ». « Personne ne lui donnera une seconde chance parce qu’elle ne tient pas sa parole. Personne ne la croira une deuxième fois… Tout le monde sait qu’elle a retourné sa veste… Donc, elle doit partir. Si elle ne le fait pas, elle comprendra vite qu’il y a un complot démocratique qui ne la soutiendra pas. »

Malgré ces attaques, le prix Nobel de la paix 2011, animé d’un nouveau souffle, veut croire en l’esprit démocratique insufflé au pays depuis quelques années. Et malgré la tension qui règne au Libéria à l’approche des élections, Johnson Sirleaf n’a qu’une prière : « Nous voulons juste que chacun regarde qui nous sommes, et que chacun vote en paix avec sa conscience et avec Dieu. C’est tout ce que nous demandons… de laisser à tous la chance d’exercer son libre arbitre et de le faire dans la paix et la tranquillité. »

 

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