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Entretien avec Alessandro Grandesso, journaliste italien

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Dans quelle situation se trouve l’Italie alors que la Chambre des députés s’apprête à se prononcer sur la confiance au gouvernement de Silvio Berlusconi ?

Alessandro Grandesso : Aujourd’hui, la situation est très délicate, tant d’un point de vue économique que politique. Berlusconi et son gouvernement ont démontré leur incapacité à faire face à la crise de la dette, et la perspective d’un scénario « à la grecque » n’est plus à exclure.

Berlusconi dans une situation précaire

Quelle est la part de responsabilité personnelle de Silvio Berlusconi dans cette situation ?

[image:2,s]Alessandro Grandesso : Il y a trois ans et demi, il a obtenu une majorité sans précédent et disposait ainsi de tous les leviers pour faire face aux difficultés. Il n’en a rien fait. Ce mandat a été phagocyté par une succession de scandales, certains graveleux, et une tendance au pouvoir personnalisé. Le charisme légendaire du président du Conseil n’est plus suffisant pour séduire les Italiens et répondre à leurs attentes. La situation, notamment économique, est bien trop inquiétante.
Même dans son camp, ses supporters commencent à se rendre compte que la vie politique de Berlusconi, à 75 ans, touche à sa fin.

Est-ce que ce sentiment pourrait être suffisant pour que certains de ses soutiens lui retirent leur confiance, qu’ils le lâchent ?

Alessandro Grandesso : Ses partisans réalisent qu’il ne contrôle plus l’opinion publique, que son pouvoir de séduction n’opère plus comme il y a quelques années. Toujours très attachés à lui, ils ne lui reprochent rien en particulier. C’est juste un phénomène normal, une stratégie de protection habituelle lorsque le chef semble perdre la main et qu’il n’est pas décidé à passer la main.
Même les scandales, en tant que tels, ne jouent pas un rôle déterminant. Si c’était le cas, sa majorité se serait disloquée depuis longtemps. Les Italiens ont, sur ce plan, les idées larges et les hommes politiques le savent.
Ce qui joue véritablement, c’est la perception du rapport au pouvoir qu’entretiennent Silvio Berlusconi et ses proches, un rapport non pas tant de personnalisation mais d’appropriation. Il y a la crise et les scandales et ils donnent l’impression que la première des priorités est de protéger le chef des conséquences judiciaires des scandales, des « affaires ».

Une improbable alternative

Qu’adviendrait-il si Berlusconi perdait sa majorité et était contraint de démissionner ?

[image:3,s]Alessandro Grandesso : Difficile d’imaginer Berlusconi quitter le pouvoir ou accepter d’être remplacé par un des autres leaders de sa coalition. Il ne partira pas sans se battre et a dit que, s’il y était contraint, il ferait en sorte qu’il y ait des élections anticipées.
Il le dit, mais il n’en a pas envie. Personne n’a envie d’élections avant 2013. Berlusconi sait qu’il perdrait ces élections, ou qu’en tout cas, lui, à titre personnel, ne retrouverait pas la tête du gouvernement après le scrutin.
À gauche, le parti démocrate et son leader Pierluigi Bersani ne sont pas davantage pressés d’en découdre. S’ils progressent dans les sondages, c’est encore de manière insuffisante et il leur faudrait former une nouvelle coalition avec les centristes et la gauche radicale. Le risque d’aboutir à une situation ingouvernable comme ce fut le cas en 2008 serait grand.

Donc, Berlusconi devrait disposer d’un répit supplémentaire ?

Alessandro Grandesso : Probablement. En dehors d’élections anticipées, il y aurait deux scénarios possibles, mais qui nécessiteraient l’accord du parti démocrate. Une grande coalition à l’allemande, réunissant temporairement la droite et la gauche. Peu probable. Et une vieille tradition italienne, le gouvernement technique dirigé par un haut fonctionnaire et chargé d’expédier les affaires courantes ou de mener un programme de réformes bien précis, et consensuelles.

Le double jeu de la Ligue du Nord

L’attitude de la Ligue du Nord et de son leader Umberto Bossi est, une fois de plus, déterminante ?

[image:4,s]Alessandro Grandesso : C’est la Ligue du Nord qui, à Rome, maintient Berlusconi au pouvoir. Sans la Ligue du Nord, plus de majorité. C’est un jeu dangereux. Ce mouvement pâtit de l’impopularité du président du Conseil.
Ces derniers temps, ses leaders, autour d’Umberto Bossi, sont apparus de plus en plus décalés de leur base. Les militants de la Ligue sont majoritairement issus des couches populaires. Une base très proche de ce qu’était historiquement la base du Parti communiste. Ils reprochent aux cadres de s’être « romanisés », d’avoir pris goût aux intrigues de couloir et à la douce vie de la capitale…
Et d’avoir quelque peu oublié les fondamentaux de leur programme, une fiscalité indépendante pour les régions et une déconcentration administrative.
Pas étonnant dans ces circonstances si, lors d’un récent discours, Umberto Bossi a ressorti sa promesse d’autonomie de la Padanie, du nord de l’Italie. Depuis le milieu des années 1990, il ressort régulièrement ce thème, le fonds de commerce de ce mouvement populiste.

L’après pour Berlusconi

Revenons à Berlusconi… Qu’adviendra-t-il de lui ?

[image:5,s]Alessandro Grandesso : Il a 75 ans. Tous les procès, toutes les enquêtes en cours portent sur des affaires prescrites. Des dispositions ont été prises aussi pour éviter la publication par la presse de révélations sur ces histoires. C’était l’objectif des manœuvres conduites par son gouvernement.
Silvio Berlusconi n’ira pas en prison. Il reprendra ses activités d’homme d’affaires et profitera du bon temps. Politiquement, il continuera à exercer une influence considérable sur le centre droit, à travers notamment celui qu’il verrait bien lui succéder son ancien ministre de la Justice, le fidèle Angelino Alfano.

 

 

Alessandro Grandesso travaille pour Radio Monte Carlo Italia, il est basé à Paris.

 

Propos recueillis par Franck Guillory pour JOL Press

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