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Fin de course pour Silvio Berlusconi ?

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On imagine que Silvio Berlusconi a souri à l’annonce par la cour d’appel de l’innocence d’Amanda Knox pour le meurtre de sa colocataire, Meredith Kercher. Cet acquittement est, pour le Premier ministre, une véritable arme contre les magistrats italiens qu’il accuse depuis longtemps de vouloir le renverser. « Il y a certains magistrats qui veulent aller à l’encontre la démocratie », disait-il lors d’un discours devant le Parlement en octobre. Récemment, il confiait au Il Foglio que « malgré un harcèlement systématique et obsessionnel, la justice ne pourra pas compromettre la souveraineté du peuple qui m’a élu ».

[image:2,s]Après l’acquittement de Knox, le secrétaire général du parti Le Peuple de la Liberté et ancien ministre de la Justice, Angelino Alfano, y est allé de son commentaire : « En Italie, les magistrats ne paient jamais pour leurs erreurs », disait-il en plaisantant sur le temps qu’ont passé Knox et son ancien petit ami, Raffaele Sollecito, en prison. Alfano « exploite le verdict » pour « attaquer la justice », répliquait Massimo Donadi, un député du parti centriste, Italie des Valeurs. Son but ? Discréditer les magistrats afin de « protéger Berlusconi de ses procès ».

Les détails des affaires judiciaires contre Berlusconi, qui jusqu’ici n’ont jamais abouti, ne sont pas loin d’être rendus public. Il n’a pas été disculpé de tout, mais de nombreux procès contre le Premier ministre ont été entravés à cause des limites de la loi italienne. La lenteur légendaire du système judiciaire italien est aidée par certaines mesures favorables au chef du gouvernement. Le délai de prescription pour certains crimes, notamment ceux qui impliquent le Premier ministre, a été réduit de dix à six ans.

Attaqué de toute part

Une série de scandales impliquant Berlusconi a commencé à éclater au printemps 2009, notamment avec l’affaire Ruby, du nom de cette danseuse marocaine qui animait certaines soirées dans la villa du Premier ministre, alors qu’elle était encore mineure. L’enquête est toujours en cours. Le président du Conseil est mis en cause pour incitation à la prostitution.

De plus, dans une conversation enregistrée, on l’entend demander à Valter Lavitola, journaliste réfugié en Bulgarie après que la police italienne a émis un mandat d’arrêt contre lui, une suggestion pour la nomination d’un responsable à la tête de la Guardia di Finanza, la police financière italienne.

Et puis un journal italien a révélé aussi les insultes qu’avait proférées Berlusconi au sujet d’Angela Merkel, chancelière allemande, dans une autre conversation enregistrée.

L’Italie au bord du gouffre

En temps normal, une telle révélation pourrait créer une rupture entre les deux chefs d’État. Mais, dans le contexte de crise financière actuelle, Berlusconi pourrait néanmoins se retrouver à plaider sa cause devant Angela Merkel afin de sauver ses finances.

[image:4,s]Sur huit des dix années de pouvoir de Berlusconi, l’Italie a accumulé une dette égale à 120 % de son produit intérieur brut. La pire en Europe après la Grèce. Les trois principales agences de notations ont récemment abaissé la cote de crédit en Italie, de quoi rendre l’emprunt plus cher pour le gouvernement et placer l’Italie au bord de la crise.

« Le pays est dans une situation critique », prévenait Emma Marcegaglia, présidente de Confindustria, la principale association commerciale du pays. Elle exhortait le gouvernement à « agir vite » ou à démissionner. Massimo Gramellini, éminent journaliste, écrivait cette semaine que « le sentiment général est que le Premier ministre est “hors de contrôle”, tout comme la situation générale en fait. »

L’activité politique a ralenti jusqu’au point mort

En dépit de la nature urgente de la crise financière, Berlusconi a échoué dans la nomination d’un nouveau gouverneur de la banque centrale. Mario Draghi, le dernier en date, prendra les rênes, de la Banque Centrale Européenne à la fin du mois d’octobre. Une coalition du gouvernement a opposé son veto à la nomination du successeur attendu, Fabrizio Saccomanni. Berlusconi, affaibli, s’est trouvé impuissant pour surmonter cette décision.

[image:3,s]Au lieu de se concentrer sur la crise financière, ses alliés au Parlement se battent pour la défense de leur leader. Ils essaient d’endiguer l’affaire des conversations enregistrées, les fuites embarrassantes dans la presse et afin de rendre le délai de prescription encore plus court. Mais sa majorité est tellement divisée que même ces dossiers-là n’avancent pas. Les affaires du Premier ministre ont déclenché des querelles stériles dans son gouvernement. Ses lieutenants et successeurs potentiels se bousculent pour être sous le feu des projecteurs le jour de sa chute.

Dans une action, décrite comme une tentative désespérée pour protéger Berlusconi, le ministre de la Justice Francesco Nitto Palma a demandé une enquête sur les erreurs qu’auraient pu commettre les magistrats de Naples et Bari qui enquêtent sur Berlusconi.

Pour ses adversaires, Berlusconi est sur le déclin. Il y a quelques jours encore, il plaisantait avec ses députés, imaginant changer le nom de son parti en « Forza Gnocca », quelque chose comme « Allez, minette ».

Vers une cruelle chute ?

En dépit de ses plaisanteries, ses alliés savent désormais qu’il n’est plus rien face à son électorat. De manière significative, son nom a désormais disparu des panneaux d’affichage pour les élections locales dans tout le pays.

Le 11 octobre, le Parlement rejetait une loi budgétaire clé qui a ajouté à la paralysie du pays et conduit les leaders de l’opposition à renouveler leurs appels à la démission de Berlusconi. Le Premier ministre a répondu à cette défiance du Parlement en appelant à un vote de confiance au projet de son gouvernement le 14 octobre.

Selon Alessandro Campi, analyste politique, « Berlusconi ne démissionnera jamais. Il sait qu’il y a tellement de ressentiment contre lui que s’il abandonne, ses entreprises et sa propre liberté seront en danger ». Il a déjà montré qu’il est capable de rassembler une majorité quand il doit sauver son poste.

Malgré tout, même s’il survit au vote de vendredi, la crise italienne imminente restera sans réponses.

 

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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