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Gilad Shalit libre après 1 939 jours de détention

« Gilad Shalit a mis à l’épreuve une philosophie, une des plus importantes de l’histoire d’Israël : sauver une âme, c’est sauver l’âme de tout un peuple », a rappelé le président israélien Shimon Pérès. Sauver l’âme du caporal franco-israélien, enlevé en juin 2006 à la lisière de la bande de Gaza, était devenu une cause nationale en Israël.
En échange, l’État hébreu a consenti la libération de 1 027 prisonniers palestiniens. Du jamais vu : en 1983, Tel-Aviv avait échangé 4 500 prisonniers arabes contre 6 Israéliens et, en 1985, trois soldats capturés au Liban en 1982 contre 1 150 combattants palestiniens. 79 % des Israéliens soutiennent la décision du gouvernement.

Un enlèvement ordinaire

Le 25 juin 2006, Gilad Shalit est pris en otage en lisière de la bande de Gaza. Son char est attaqué par un commando de trois groupes armés palestiniens, dont la branche militaire du Hamas. Âgé de 19 ans, il effectue son service militaire obligatoire de trois ans dans une unité de blindés, comme tous les jeunes Israéliens, garçons et filles. Né le 28 août 1986 à Nahariya, dans le nord d’Israël, il possède la double nationalité israélienne et française. Ses proches le décrivent comme sportif, bon joueur de basket et fan de cyclisme. Après des études de sciences, il décide d’aider ses parents dans la gestion de leur maison d’hôtes à Mizpe Hila, un village de Haute Galilée où il a grandi.
En échange d’informations sur le jeune caporal, les ravisseurs exigent la libération des femmes et des mineurs détenus en Israël. Le Premier ministre Ehoud Olmert refuse toute négociation, toute libération de Palestiniens. Il donne 48 heures aux ravisseurs avant de donner l’assaut sur Gaza. Dans la nuit du 27 au 28 juin, il lance l’opération « Pluie d’été », l’invasion de Gaza. Des centaines de Palestiniens sont arrêtés, une soixantaine sont tués, Gilad Shalit reste introuvable.

Des négociations au point mort, de rares preuves de vie

Pendant deux ans, les négociations restent au point mort, et seules quelques rares preuves de vie du soldat ont été fournies par le Hamas. Une première lettre a été remise en septembre 2006 à ses parents. Il avoue que son état de santé « se dégrade de jour en jour, en particulier au plan moral ». En juin 2007, un enregistrement radio est diffusé. L’année suivante, une seconde lettre du jeune homme parvient à ses parents.
En octobre 2009, Israël libère 19 prisonniers palestiniens en échange d’une vidéo de Gilad Shalit enregistrée le 14 septembre de la même année. C’est la dernière preuve de vie du caporal, promu depuis au grade de sergent. Tout au long de sa détention, le Hamas n’a autorisé aucune visite de la Croix-Rouge internationale.

Sauver le soldat Shalit, cause nationale

Depuis son enlèvement, la famille de Gilad Shalit n’a cessé de mener campagne auprès des médias et des autorités pour exiger sa libération. Une campagne aux ramifications internationales : à Paris, à Rome, son portrait est affiché sur des bâtiments officiels. Devenu un symbole populaire élevé au rang de cause nationale, le militaire aux allures d’adolescent fait régulièrement la une de la presse israélienne. En 2010, au terme d’une marche de solidarité de douze jours à travers tout le pays, les parents de l’otage ont dressé une tente devant la résidence officielle du premier ministre Benjamin Netanyahou, à Jérusalem pour que les autorités n’oublient pas leur fils.

L’échec de tractations secrètes

Le sort du soldat est longtemps resté incertain à cause de l’échec de nombreuses tractations secrètes et indirectes, menées via des intermédiaires tels que l’ancien président égyptien Hosni Moubarak et les services secrets allemands. Sa libération avait paru proche en 2009 avec un projet d’échange contre un millier de prisonniers palestiniens. Les pourparlers avaient achoppé sur l’identité des détenus concernés et le lieu de leur libération : le gouvernement israélien se refusait à relâcher en Cisjordanie des Palestiniens impliqués dans des attentats.

Le meilleur accord possible dans un contexte agité, la dernière chance peut-être

Cette fois-ci, le Hamas avait placé la barre à 1 400 prisonniers pour la libération de Gilad Shalit. Côté israélien, Nétanyahou devait faire face, notamment, à l’opposition des familles des victimes d’attentats qui ont tenté, jusqu’à la dernière minute, de faire interdire par la justice l’échange d’un citoyen israélien contre plus d’un Palestinien. Pourtant, il était dans l’intérêt des deux parties, le Hamas et le gouvernement israélien, de conclure un accord sans attendre.
« Je pense que nous avons conclu le meilleur accord possible alors que la tempête agite le Proche-Orient. J’ignore si nous aurions pu en obtenir un meilleur ou en obtenir un tout court dans un avenir proche », a déclaré le Premier ministre israélien mardi 11 octobre à l’annonce de l’accord.

L’effet « printemps arabe »

La situation en Égypte, le pays qui a joué un rôle crucial de médiateur entre les deux acteurs, aurait incité Tel-Aviv à donner un coup d’accélérateur au dossier. La perspective des législatives du 28 novembre prochain, l’éventualité d’une plus forte représentativité des Frères musulmans et la montée du sentiment anti-israélien auraient pu compromettre le rôle du Caire dans ces négociations.
Du côté du Hamas, l’effervescence du « printemps arabe » a changé la donne. Avec le lancement de la révolte populaire contre le régime de Bachar al-Assad, son principal protecteur, au mois de mars, ses bases en Syrie dont désormais menacées et le mouvement a été contraint de prendre ses distances avec Damas.

Le Hamas reprend la main face à Abbas

De plus, la libération d’un millier de détenus est perçue comme un moyen de reprendre la main face au Fatah dans les territoires. Après son coup d’éclat de la demande de reconnaissance d’un État de Palestine devant la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, le 23 septembre, la cote de popularité de Mahmoud Abbas a grimpé. Cet échange est le moyen pour le Hamas de se repositionner face à son adversaire sur la scène palestinienne.
La perspective de rééquilibrer le rapport de forces entre les parties palestiniennes sert aussi l’intérêt du gouvernement israélien en difficulté sur la scène diplomatique.

Des raisons de politique interne pour Nétanyahou

Cet accord d’échange permet aussi à Benjamin Nétanyahou de redorer son image alors qu’une crise sociale majeure agite Israël. L’opposition des faucons nationalistes, autour du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman, offre au Premier ministre de se recentrer. En outre, depuis de nombreux mois, l’armée et les services secrets israéliens assuraient être en mesure de continuer à surveiller les militants palestiniens libérés.

C’est bien un concours de circonstances qui a rendu possible la libération de Gilad Shalit. Cette libération est effective depuis ce matin, 18 octobre, aux alentours de 7 heures, lorsque la branche armée du Hamas a remis l’otage aux autorités égyptiennes. Plus tôt, le transfert des prisonniers palestiniens vers des prisons de Cisjordanie avait commencé. C’est une journée sous très haute tension en Israël et dans les Territoires. À Gaza, les hommes des milices al-Aqssar, masques noirs, turbans verts et kalachnikovs en main, ont pris position le long des routes. Déjà, le Hamas a annoncé qu’il tenterait à nouveau d’enlever des soldats israéliens, tant qu’il y aura des prisonniers palestiniens en Israël. Tsahal est en état d’alerte sur tout le territoire national.

 

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