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Irak : tragédie et ironie de l’annonce du retrait américain

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8 ans, 7 mois et 2 jours de guerre

19 mars 2003 à 10 h 15, heure locale : la guerre en Irak éclate lorsque des bombes américaines explosent sur Bagdad.
Aux États-Unis, on pouvait regarder cet impressionnant déploiement de forces depuis les postes de télévision.
À la Maison-Blanche, le président George W. Bush adoptait son ton le plus grave pour s’adresser au pays : « Mes chers compatriotes, à cette heure, les forces américaines et de la coalition vivent les premières étapes d’une opération militaires destinée à désarmer l’Irak, à libérer le peuple et à défendre le monde d’un grave danger […] Notre pays entre dans ce conflit à contrecœur, mais notre but est sûr. Le peuple américain, nos amis et alliés ne vivront pas à la merci de hors-la-loi qui menacent la paix avec des armes et des assassinats en masse. »

[image:3,s]vendredi 21 octobre 2011, à 12 h 49, le président Barack Obama a finalement mis fin à ce conflit : « Lorsque j’étais candidat à la présidentielle, je m’étais engagé à donner à la guerre en Irak une fin responsable, pour le bien de notre sécurité nationale et afin de renforcer le leadership américain à travers le monde… Aujourd’hui, je peux confirmer que, comme promis, ce qu’il reste de nos troupes en Irak sera rentré à la maison avant la fin de l’année. Après presque neuf ans, la guerre en Irak sera alors terminée. »

Quel pays laissent derrière eux les Américains ?

Les États-Unis laissent derrière eux du sang et un immense trésor. Ils laissent aussi un nœud gordien de d’affrontements géopolitiques complexes et dangereux. Élément tragique : ces tensions étaient toutes connues et ont été signalées en 2002 à l’administration Bush avant qu’elle ne mette en œuvre sa stratégie d’invasion.
L’Irak est un État fragile dont la démocratie est balbutiante. Sa population est très divisée entre deux branches de l’islam, chiites et sunnites, mais aussi une minorité kurde au nord du pays. L’insurrection en Irak n’est pas terminée, les violences continuent. Une multitude de défis économiques et sociaux restent sans solutions. Le plus inquiétant, pour les Américains, est sans doute la montée de l’influence iranienne, son anti-américanisme virulent et son apparente volonté d’obtenir l’arme nucléaire. Le gouvernement du Premier ministre Nuri Kamal al-Maliki semble vraiment être tombé sous l’emprise de l’Iran, résultat prévisible depuis longtemps et comble de l’ironie pour les États-Unis.
Encore plus ironique, il faut se souvenir que l’Irak s’était battu pendant une très longue et très brutale guerre contre l’Iran de septembre 1980 à août 1988, la plus longue guerre conventionnelle du XXe siècle. Saddam Hussein, et son régime principalement sunnite, ont envahi leur voisin de l’est de peur que la révolution iranienne de 1978 ne s’étende au-delà de la frontière irakienne et n’incite la très réprimée majorité chiite à se soulever.

Beaucoup de bruit pour rien

[image:1,s]Le président Bush a lancé la guerre en Irak en soutenant que Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. Beaucoup étaient convaincus que le président avait tort, et les faits l’ont prouvé. Le Groupe d’investigations en Irak, dirigé par les États-Unis dans la recherche d’armes de destruction massive à la suite de l’invasion, a conclu que l’Irak avait mis fin à ses programmes nucléaires, chimiques et biologiques en 1991 à la suite de la première guerre du Golfe. L’autre raison, non officielle et jamais prouvée, pour envahir l’Irak : Saddam Hussein hébergeait des terroristes d’Al-Qaïda.
La guerre en Irak est impressionnante par le nombre de morts américains : 4 500 pendant ces neuf années de guerre et plus de 32 000 blessés. Impressionnante aussi est l’immense souffrance du peuple irakien qui a perdu des dizaines de milliers de personnes pendant ce conflit. Dernier élément impressionnant, le coût de cette guerre chiffré à des centaines de milliards de dollars.

Les enjeux des années à venir

Les États-Unis vont bien sûr laisser une présence diplomatique en Irak, même lorsque les dernières troupes seront parties en décembre. Les critiques de Barack Obama ont sûrement raison lorsqu’elle pointe du doigt le danger de voir l’Iran acquérir une grande influence sur l’Irak dans les mois et les années à venir. Mais il faut vraiment se souvenir de ces sanglantes huit années de guerre dans les années 1980. Les peurs qui ont conduit Saddam Hussein à envahir l’Iran n’ont pas disparu du cœur ni de l’esprit des sunnites d’Irak. Une autre conséquence plus plausible du retrait des troupes américaines est en revanche l’idée d’une guerre civile en Irak.

Il y a beaucoup de choses que les Américains peuvent faire dans ce monde dangereux, mais il y a aussi beaucoup d’autres choses qu’ils ne peuvent pas faire. Ils ont beaucoup donné et beaucoup souffert pour l’Irak. L’histoire a prouvé que les intérêts de la sécurité nationale de ce pays n’étaient pas aussi sérieux que le risque Saddam Hussein, et cette guerre n’aurait pas dû être menée. Les Américains ne peuvent pas tenir l’Irak par une présence physique et il serait absurde de croire que leur engagement là-bas pourrait être indéfini.

L’Amérique peut protéger ses intérêts légitimes et vitaux dans la région de plusieurs autres manières, dont la diplomatie. Barack Obama a pris une sage décision. La participation de l’armée américaine en Irak devait se terminer, il est temps désormais.

Phil Balboni est président-directeur général et co-fondateur de GlobalPost.

 

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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