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Jon Huntsman, favori de Barack Obama ?

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Et si c’était tout simplement la faute de Barack Obama et de son flair politique ? Certains ont parfois raillé la faible expérience politique du président en exercice. À défaut d’une longue pratique, il a démontré, à maintes reprises, qu’il avait l’instinct de tueur des grands fauves politiques. Peut-être l’a-t-il démontré dans sa « gestion » de Jon Huntsman…


Durant la campagne présidentielle de 2008, Jon Huntsman est le co-président du comité de soutien au candidat républicain John McCain. Dès 2009, le jeune gouverneur de l’Utah apparaît comme « présidentiable » en puissance. Nombreux sont ceux, à Washington en tout cas, à prédire qu’il sera un adversaire redoutable dans la quête d’un second mandat par Barack Obama. Pas d’état d’âme. Le locataire de la Maison-Blanche propose à son aspirant successeur une mission de premier plan qui ne se refuse pas : le poste d’ambassadeur des États-Unis en Chine. Si Huntsman refuse, il sera accusé d’avoir renoncé à servir son pays. S’il accepte… il aura servi l’administration sortante lors des prochaines élections, et, compte tenu de la radicalisation indéniable de la base républicaine, voilà qui pourrait rester un péché mortel. Il s’envole donc pour Beijing.


[image:2,s]Un homme de foi et d’engagement


Jon Huntsman n’a pas l’habitude de se défiler. Cet aîné d’une fratrie de neuf enfants a été élevé dans la foi mormone. Comme Mitt Romney, son cousin au 3e degré, il est membre de l’Église « de Jésus-Christ des saints des derniers jours ». Son père est un homme d’affaires milliardaire et philanthrope, fondateur d’une entreprise d’emballage à l’origine de l’invention de la boîte en carton du Big Mac de Mc Donald’s.
Comme son cousin Mitt, il a rencontré au lycée celle qui deviendra sa femme, Mary Kaye Cooper. Ensemble, ils élèveront sept enfants, cinq nés de leur union, et deux autres adoptées, une en Chine et l’autre en Inde. Son diplôme de l’université de l’Utah en poche, il part pendant deux ans à Taïwan comme missionnaire mormon. Il reviendra de ce périple « mandarinophone ».


Un talent précoce au service des administrations républicaines


À son retour d’Asie, en 1988, Jon Huntsman entre au service de Ronald Reagan comme conseiller technique à la Maison-Blanche. Lors de la convention républicaine de cette même année, il a, à moins de 30 ans, l’insigne honneur de représenter son État. Le président George H. Bush en fait son secrétaire adjoint au Commerce et au Développement pour l’Asie du sud-est et le Pacifique. Il n’a toujours pas 30 ans. Sa connaissance de l’Asie constitue un atout rare parmi les hauts fonctionnaires américains, et sa nomination est validée à l’unanimité par le Sénat. L’Asie encore, lorsque, de 1992 à 1993, il est envoyé comme ambassadeur des États-Unis à Singapour. Il devient alors le plus jeune des ambassadeurs américains des cent dernières.


L’expérience du privé


De 1993 à 2001, Jon Huntsman quitte les affaires publiques pour les affaires familiales. Dans les pas de son père, il dirige la Huntsman Family Holdings, et s’investit aussi dans la Huntsman Corporation et la Huntsman Cancer Foundation. Il est membre de nombreux conseils administration dans son État de l’Utah, tels Utah Opera ou Envision Utah.


Au service de Bush Jr


Après l’élection de George W. Bush, le Washington Post annonce la probable nomination de Jon Hunstman en Chine. Fausse rumeur. En mars, après avoir refusé le poste d’ambassadeur en Indonésie, il devient l’un des deux représentants du président pour le commerce. Il reste dans ces fonctions à peine un an et retourne en Utah.


Gouverneur de « l’État le mieux dirigé des États-Unis »


[image:3,s]C’est en Utah qu’il entame un nouveau volet de sa carrière politique. Élu en 2004 gouverneur avec 57 % des voix, il est réélu en 2008 avec 78 % des votes. Durant ses mandats, Huntsman réduit les impôts de plus de 400 millions de dollars tout en continuant à maintenir un excédent budgétaire. L’Utah est qualifié d’État le mieux dirigé des États-Unis.


À l’approche de la campagne de 2008, il goûte à nouveau à la politique à l’échelle nationale en s’engageant aux côtés de John McCain. C’est lui qui est chargé de prononcer le discours pour la nomination de Sarah Palin comme candidate à la vice-présidence. L’enfant prodigue des républicains est de retour…


[image:4,s] L’appel d’Obama


Il était écrit qu’il prendrait le chemin de Beijing… Peut-être que sa petite fille adoptive, d’origine chinoise, n’y est-elle pas complètement étrangère. Non seulement il retourne en Asie, mais il franchit aussi le Rubicon en acceptant de travailler pour un président démocrate. Barack Obama lui propose le poste d’Ambassadeur des États-Unis en Chine. Il accepte et, une fois encore, le Sénat le confirme unanimement en août 2009. Des fonctions particulièrement stratégiques, alors que s’affirme, chaque jour davantage, la puissance chinoise face aux États-Unis, qui l’oblige à travailler étroitement avec le président, mais aussi avec sa secrétaire d’État, Hillary Clinton.
En février 2011, il frôle l’incident diplomatique quand une vidéo postée sur Internet le montre à une manifestation d’opposants. Le « printemps arabe » bat son plein, et les autorités chinoises sont sur les gardes. Le 30 avril, il quitte Beijing, il a rendez-vous à New York pour d’autres aventures…


Candidat aux primaires dans les pas de Reagan


[image:5,s]Le 21 juin 2011 à New York, Jon Huntsman annonce sa candidature aux primaires républicaines. Le lieu de sa déclaration est symbolique. Derrière lui, on aperçoit la Statue de la Liberté. L’image évoque un souvenir à tous les républicains, celui d’un âge d’or, l’annonce de sa candidature par Ronald Reagan en vue des élections de 1980. Le symbole est fort, et Jon Huntsman compte dessus. Il doit faire oublier qu’il a servi l’administration démocrate et le président qu’il compte priver d’un second mandat.


Ses positions « centristes » l’éloignent de l’électorat ultraconservateur et de celui du Tea party. Ses détracteurs lui reprochent d’être trop lié à Barack Obama. Non seulement il a fait partie de son équipe mais, en plus, il a apporté son soutien au plan de relance de l’économie voté par les démocrates. Il ne rappelle jamais trop qu’il a aussi servi il y a près de 25 ans Ronald Reagan lui-même.


Un candidat trop modéré pour un parti qui se radicalise ?


Jon Huntsman est certainement un candidat aux positions plus modérées que d’autres. Il a donné son soutien à la cause du mariage homosexuel, s’est prononcé contre l’avortement mais l’accepte en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la mère, et, plus original encore pour un républicain, il est convaincu du réchauffement climatique et de la nécessité de moins polluer.
Sa connaissance de la Chine fait de lui le candidat le mieux placé pour amener cette puissance économique majeure à abandonner certaines pratiques commerciales qui nuisent à l’essor de l’économie.
Mais ces atouts ne suffisent pas, semble-t-il, à l’installer dans les sondages. En raison de sa carrière de diplomate, son engagement dans la bataille politique s’est fait tardivement, il accuse un retard par rapport à ses concurrents dans la composition de son équipe et surtout dans le financement de sa campagne.


[image:6,s]Un galop d’essai ?


Malgré son talent, malgré son expérience, Jon Huntsman ne remportera probablement pas l’investiture républicaine. Sans doute, pourtant, serait-il un candidat redoutable pour Barack Obama. Si les primaires se jouent à droite toute, la Maison-Blanche se gagne au centre, comme la plupart des élections. Peut-être pourrons-nous regretter que les États-Unis n’aient pas l’occasion de se choisir, dans les circonstances actuelles, un président aussi fin connaisseur des mystères de l’Asie et de l’âme chinoise. Peut-être…
Mais le temps joue pour Jon Huntsman. Il n’a que 51 ans et bien d’autres occasions se présenteront à lui. Les quatre années à venir pourraient être déterminantes, quoi qu’il advienne. Qu’un républicain l’emporte sur une ligne a priori plus radicale, il comptera forcément sur Jon Huntsman, surtout s’il devait s’agir de son cousin Mitt Romney. Dans ce cas, tous les scénarios sont possibles, de la vice-présidence au secrétariat d’État. Que Barack Obama remporte un second et dernier mandat et Jon Huntsman aura pleinement le temps de se préparer pour livrer la bataille présidentielle suivante.
En 2016, les deux partis compteront de nouveaux candidats. Hormis le vice-président Joe Biden, peu de candidats démocrates auront autant d’expérience que Jon Huntsman. Bien sûr, il lui faudra une fois encore passer le cap des primaires. Il aura eu le temps de faire oublier qu’il s’est acoquiné avec son « pote » Barack et, qui sait, les électeurs républicains auront peut-être tiré les leçons d’une campagne perdue trop à droite. Peut-être aussi les Américains se seront-ils aussi faits à l’idée de voir un mormon présider aux destinées du pays. Jon Huntsman ne sera peut-être jamais président, mais, en tout cas, il en a déjà tous les airs…


 


(Avec Franck Guillory à Paris)

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