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La plus grande mine d’or au monde menacée

[image:2,l]Alors que le mouvement Occupy Wall Street se répand à effet domino, le ressentiment envers la cupidité des entreprises a provoqué la mort de quatre Indonésiens et à la fermeture temporaire de la mine de Grasberg. Propriété américaine, Grabsberg est une des plus grandes mines d’or et de cuivre au monde, dans la province isolée de Papouasie occidentale.


Les travailleurs de cette mine géante, propriété de l’entreprise américaine Freeport-McMoran, sont en lutte depuis un mois.


Bien que l’entreprise affirme qu’elle a réussi à embaucher des travailleurs extérieurs pour éviter tout ralentissement significatif de la production, lundi dernier la production de la mine a été interrompue pour des raisons de sécurité. Cependant, les marchés n’ont pas encore réagi à la fermeture.


 


Grasberg : la plus grande production d’or et les salaires les plus faibles du monde


Les travailleurs de la mine de Freeport Grasberg – qui contribue pour plus de 90 % à la production totale d’or de l’entreprise – reçoivent entre 1,50 et 3 € de l’heure, le salaire le plus faible parmi tous les salariés de Freeport-McMoran dans le monde.


John Rumkoren, un travailleur papou de Freeport qui a cherché le chiffre d’affaires de l’entreprise sur Internet, se demande « Si Freeport a des profits si élevés et des coûts de productions si faibles, pourquoi notre salaire n’est pas le même que celui des travailleurs américains ou africains ? »


 


Des affrontements violents


Près de 80 % des 12 000 travailleurs sont en grève depuis le 15 septembre dernier et ils disent vouloir continuer jusqu’à ce que leurs revendications salariales soient respectées. Lorsque les négociations entre les dirigeants de l’entreprise et les salariés ont échoué à parvenir à un accord, la situation s’est rapidement détériorée.


Lors d’un affrontement violent entre les manifestants et la police lundi dernier, un employé de Freeport a été tué et  six autres ont été blessés.


Vendredi dernier, trois autres personnes ont trouvé la mort au cours d’une embuscade, qui, selon la police, a été l’œuvre de séparatistes papous.


D’après les travailleurs papous et les tribus qui vivent autour des mines, les tensions qui ont fermenté pendant des décennies ont atteint leur point de non retour. Les grèves actuelles sont les plus longues de l’histoire, avec les travailleurs qui accusent la compagnie américaine de ne pas partager ses profits et de ne pas intégrer des Papous dans son conseil de gestion. Dans les villages environnants, les anciens des tribus ont publiquement ridiculisé Freeport pour avoir omis de respecter ses promesses de redistribution à la société papoue.


 


Pour une redistribution plus équitable des profits


« Nous voulons que Freeport contribue à nos vies et au développement de notre société à travers l’éducation et le développement des ressources humaines, et non pas à travers l’argent et les militaires, » dit Rumroken, qui a travaillé à Grasberg dans la dernière décennie.


Freeport-McMoran possède plus de 90 % de PT Freeport Indonesia, la principale filiale d’exploitation en Indonésie. Le gouvernement indonésien détient le reste.


Le gouvernement local de Papouasie se bat pour une cession de quotas de la compagnie à des entreprises locales, ce qui est requis par la loi après une période de temps donnée. Mais le montant des actions à céder est encore source de litige et la mine reste contrôlée par Freeport.


D’après le rapport de viabilité de 2010 de Freeport Mc-Moran, la compagnie donne plus de 1 % de ses profits (189 millions de dollars) aux communautés locales intéressées par  ses opérations dans le monde. En Papouasie, cela comprenait la formation au VIH et des dons à un certain nombre de programmes communautaires.


Malgré les efforts, pour beaucoup de Papous la multinationale est devenue un synonyme de violations des droits des hommes, d’inégalité et de pauvreté continue, une situation qu’ils ne sont plus prêts à accepter.


 


L’armée indonésienne soupçonnée de recevoir de l’argent de Freeport pour protéger ses intérêts


« Freeport est installée en Papouasie depuis 44 ans, mais ils n’ont pas contribué du tout à la société papoue. Les contributions de la part de Freeport ne vont qu’à la police et aux militaires, qui nous tuent, » dit Rumroken, un membre de l’Union des Travailleurs de Freeport.


Les associations des droits des hommes sont alarmées par le fait que la police ait ouvert le feu lors du rassemblement de lundi. Rumroken dit que les travailleurs ont été intimidés par la sécurité de Freeport pendant les grèves. « Il y a un gars de la sécurité américain qui nous a intimidés en coupant les pneus de nos voitures pour que les travailleurs ne puissent pas se rendre à Timika et restent à la mine faire leur travail ».


À cause des restrictions d’accès aux journalistes dans cette région politiquement sensible – la Papouasie a longtemps été marquée par une bataille pour l’indépendance – il est difficile de vérifier ces affirmations. Néanmoins, les câbles de Wikileaks de l’an dernier révélaient que Freeport paye des millions à l’armée indonésienne pour qu’elle protège ses activités autour de la mine de Grasberg.


 


Le pouvoir de Freeport en Indonésie, héritage de la dictature de Suharto


[image:1,s]« Freeport fait ce qu’elle veut depuis 1995. Personne ne les surveille et les militaires ne s’en occupent pas du tout, » affirme Denise Leith, auteure de La politique du pouvoir : Freeport dans l’Indonésie de Suharto. 


Leith affirme que Freeport s’est insérée dans une société de chasseurs-cueilleurs dans un contexte où la plupart des Papous n’avaient jamais vu ni l’électricité ni de voitures, et encore moins un hélicoptère.


« Mais le gouvernement indonésien ne s’intéresse pas du tout aux Papous de l’Ouest et veut seulement l’argent de Freeport. Freeport écrit elle-même ses contrats. Le gouvernement était juste content de ramener Freeport ici », dit Leith.


L’accord de Grasberg a été le premier gros contrat international en Indonésie et a été signé par l’ancien dictateur du pays, le général Suharto, en 1976. Aujourd’hui, Freeport reste le plus grand contribuable pour le gouvernement indonésien, contribuant pour plus d’un milliard de dollars dans les six premiers mois de 2011.


Avec la croissance de l’économie indonésienne qui repose sur le boom des matières premières et de vastes ressources naturelles, des sociétés telles que Freeport ont cumulé des profits record. Mais la partie de ces profits qui est distribuée en bas de l’échelle semble être très réduite, surtout dans la région pauvre et sous-développée de Papouasie.


 


L’agitation ouvrière risque de réveiller les conflits sociopolitiques de la région


Les analystes disent que l’agitation ouvrière ne fait qu’alimenter les problèmes sociopolitiques de longue date et pourrait finalement conduire à la fermeture de la mine.


« Beaucoup disent que la Papouasie est une terre très riche avec des gens pauvres. Les Papous ne se sentent pas les patrons de leur propre terre. Si le gouvernement et Freeport ne font pas attention, on pourrait se retrouver dans la même situation que celle de la mine de Boganville en Papouasie-Nouvelle Guinée » alerte Nusa Bakti, un analyste politique de l’Institut de Sciences Indonésien.


Exploitée par Rio Tinto, une multinationale britannico-australienne, la mine de cuivre de Boganville en Papouasie Nouvelle-Guinée a été contrainte de fermer en 1989 après les troubles sociaux qui avaient conduit à un soulèvement armé contre la compagnie et le gouvernement.


 


L’écart de richesse crée des mécontentements dans toute l’Indonésie


Mais Grasberg n’est pas le seul endroit où les Indonésiens démunis expriment leur mécontentement. Todd Elliot, consultant en risques basé à Jakarta déclare que l’inégalité croissante est en train de produire d’autres conflits pour le contrôle des ressources dans tout le pays. « Nous le voyons partout, à Sulawesi, à Kalimantan. L’écart de richesse est énorme et il est en train de s’élargir. D’autres opérations minières qui avaient promis d’employer un certain nombre de personnes et de construire des infrastructures, mais qui ne l’ont pas fait, ont étés attaquées par les locaux. » 


Les manifestants en Papouasie ont bloqué la route de la mine avec des machines lourdes, et un pipeline utilisé pour canaliser l’or et le cuivre vers un port a été coupé à plusieurs endroits, ce qui a conduit à la fermeture de la mine.


Rumroken, qui travaille avec les militants pour mettre à jour les informations sur les victimes de Freeport sur sa page Facebook, dit que lui et ses compagnons sont déterminés. « Nous fermerons Freeport jusqu’à ce que James Moffett vienne, » dit-il, en se référant au président de Freeport-McMoran.


« Si nous ne fermons pas Freeport nous allons tous être ruinés par la police et les militaires … C’est notre droit et notre responsabilité de le faire. »


Global Post/Adaptation Melania Perciballi – JOL Press

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