Il n’est pas beaucoup plus de 16 heures au centre de développement de logiciel Nokia à Tampere, en Finlande, usine dans laquelle travaillent plusieurs milliers d’ingénieurs, mais déjà le parking est désert. C’est ainsi depuis que Stephen Elop, le premier directeur général de Nokia à ne pas être finlandais, sortit son « Burning Platform », une note parue en février de cette année. C’est depuis cette note que les ingénieurs accusent leur PDG, Stephen Elop, de vouloir détruire la société de manière à ce que Microsoft la rachète à bas prix.
[image:1,l]Dans cette note, Stephen Elop compare Nokia à un homme perché sur le bord d’une plate-forme pétrolière en feu, se demandant s’il doit sauter dans « l’eau glaciale et sombre de l’océan Atlantique ». pour être plus clair : la société est en lambeaux.
Cette note programme notamment la fin du système d’exploitation de téléphones mobiles que les programmateurs de Tampere ont mis leur vie à construire, le Mee-Go. « Nous avons de multiples points de chaleur caniculaire qui alimentent le feu ardent qui nous entoure », ajoutait Stephen Elop au sujet de l’iPhone d’Apple et de l’Android de Google. « Pendant que nos concurrents se jetaient sur les marchés […] Nokia perdait de l’avance. Nous avons manqué les grandes tendances et nous avons perdu du temps. »
La fin de Nokia ?
[image:2,s]L’objectif de Stephen Elop était d’inspirer un grand changement. Ce qui n’a pas fonctionné. « Regardez le parking, à cette heure, il y a six mois, il était plein », se lamente un « vétéran », chez Nokia depuis 15 ans. « C’est très difficile de travailler. Les gens font les heures minimales qui leur sont imposées par leur contrat. Mais rien de plus. » « Quand la société se porte bien, il règne un esprit d’émulation autour des travailleurs. Maintenant, cet esprit est parti. »
Depuis que l’iPhone a été lancé, les jours heureux de Nokia ont peu à peu disparu, ils ont emporté avec eux sa part de marché.
Quelques jours après cette déclaration, Stephen Elop révélait son plan. Il allait parier l’avenir de la compagnie sur le Windows Phone en signant un partenariat avec Microsoft. Les employés de cette usine ont alors sérieusement commencé à se demander pour quelle équipe jouait vraiment le directeur général.
Qui est vraiment Stephen Elop ?
« C’est très suspect selon moi », ajoute un programmeur mécontent. « S’il veut le bien de la société, pourquoi essaie-t-il de la détruire et de faire baisser le prix de l’action ? » Le passé de Stephen Elop en ajoute au mystère. Avant de prendre les rênes de Nokia, ce Canadien a passé deux ans et demi chez Microsoft Office. La dernière fois qu’il a été directeur général d’une entreprise, Macromedia, il l’a revendue trois mois après. « Parfois, il est difficile de savoir ce qu’il pense vraiment », explique David Weinehall, un programmeur qui a préféré quitter l’entreprise en avril plutôt que de travailler avec Windows.
« Lancer cette annonce officielle, et de cette manière, a été une très grosse erreur, selon notre premier interlocuteur. Regardez les résultats des deuxième et troisième trimestres. C’est après cette annonce que la vente des téléphones a baissé de manière significative. »
Tampere, mère de Nokia
[image:4,s]Tampere est en colère. C’est l’université de technologie de la ville, en face du campus de Nokia, qui a fait tellement pour la recherche sur le traitement du signal que Nokia a ensuite utilisé pour développer son réseau GSM et qui devînt plus tard la norme mondiale. C’est ici aussi que la société a travaillé son premier téléphone mobile, le Nokia 1011 et le Nokia 1100, les deux téléphones les plus vendus au monde. Tomi T. Ahonen, un ancien directeur chez Nokia, déclarait en août que cette note était « la déclaration la plus préjudiciable qu’un PDG puisse faire, et la preuve d’une réelle incompétence en management ».
« Je pense que Microsoft va attendre que la valeur de Nokia baisse encore un peu pour l’acheter », suspecte un employé. En août, quand Google a annoncé qu’il achetait Motorola, le cours des actions de Nokia a bondi de 10 %. Le Wall Street Journal expliquait alors qu’avec Nokia, sous peu le plus gros consommateur pour ses logiciels mobiles, Microsoft ne pouvait pas laisser tomber la société aux mains de la concurrence.
Ce ne sont que des rumeurs
Doug Dawson, porte-parole de Nokia, s’st voulu rassurant devant son interlocuteur de GlobalPost, en expliquant que tous les doutes sur la loyauté de Stephen Elop ou les spéculations à propos des intentions de Microsoft étaient « complètement infondées. » La société fait valoir qu’elle se devait d’être transparente sur l’abandon de son système d’exploitation, et ajoute qu’elle continuera à soutenir le système Symbian pour les smartphones jusqu’en 2016. « Nous avions absolument besoin d’un changement dans la stratégie de direction, et il était essentiel de communiquer autour de ce changement », ajoute James Etheridge, autre porte-parole de Nokia. La solution alternative aurait été, selon lui, de garder « quelques surprises pour plus tard », et il comprend la réaction des employés de Nokia.
Les programmeurs de Nokia ont été très attristés de voir le nouveau smartphone MeeGo-powered N9, qu’ils tiennent pour le premier modèle de téléphone de la société à pouvoir concurrencer l’iPhone, s’effondrer. Et quand Nokia a lancé ce téléphone ce mois-ci, les consommateurs savaient déjà qu’il s’agissait du baroud d’honneur de Nokia. Stephen Elop a d’ailleurs déjà annoncé qu’il ne s’aventurerait pas sur des marchés clés comme les États-Unis, le Royaume-Uni, le Japon ou la Suède pour qu’il ne concurrence pas le Windows Phone.
Nokia en chute libre
[image:3,l]Au deuxième trimestre 2011, Nokia a perdu 500 millions d’euros. La vente de smartphones a baissé de près de 35 % et celle des téléphones en général de 20 %. À juste titre, les investisseurs s’attendent à une autre mauvaise nouvelle lorsque Nokia aura publié les chiffres du troisième trimestre, jeudi 20 octobre.
Doug Dawson a affirmé que dans cette course aux résultats, le moral des employés était bon. « La majorité des employés sont motivés et ont une énergie nouvelle. Il y a un nouvel esprit de défi chez Nokia. » En fait, Nokia aura quand même du mal à retrouver la confiance des ingénieurs. Embrasser la cause de Windows est particulièrement impopulaire en Finlande, pays natal de Linux, le système d’exploitation open source rebelle destiné à détrôner le géant Windows.
Mee-Go, le système d’exploitation que Stephen Elop abandonne, était d’ailleurs un projet phare de Linux.
La Finlande contre Microsoft
Selon Linus Thorvald, le fondateur finlandais de Linux, « La haine de Microsoft est une maladie » parmi les programmeurs open source, mais à Tampere, c’est une véritable épidémie. »
Nokia a révélé ce mois-ci qu’il prévoyait désormais de développer un nouveau système d’exploitation basé sur Linux, Meltemi, mais le développement sera basé en Allemagne et non en Finlande.
Kari Kankaala, à la tête du département de développement économique de Tampere, travaille dur pour que Microsoft investisse davantage, et il recherche de nouveaux investisseurs à partir du moment où Nokia s’en va. Mais il sait que pour beaucoup de programmeurs de Tampere, le géant américain ne sera pas le bienvenu. « C’est idéologique », ajoute-t-il.
Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press