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Le crépuscule des dieux… de la finance

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[image:1,l]Un cours magistral

L’exposé du 5 février 2009 réalisé à l’université de Paris Dauphine par mon ami Gérard Bekerman, directeur du M2 Professionnel de Techniques financières et bancaires et du magistère Banque Finance de l’université de Paris II Panthéon-Assas, par ailleurs également président de l’Afer, revêt en ce mois d’octobre 2011 un caractère particulier compte tenu de la nouvelle période d’incertitudes économiques et financières qui se profile devant nous.

Que disait-il en substance dans cet exposé :

– Tout d’abord, il rappelait l’origine « du mal qui accable depuis plus d’un an les marchés financiers dans le monde » (cf. la crise de 2008).

– Puis, il faisait une analyse de l’évolution de la situation et les enseignements qui pourraient en être tirés en rappelant que « toute crise a pour vocation de détruire, de remettre parfois même en question, un ordre. Mais une crise a aussi une autre vocation, celle de créer des opportunités, des ouvertures, des solutions desquelles peut sortir un nouvel ordre, parfois meilleur que le précédent. »

Les dramatiques conséquences de la crise

J’ai toujours admiré l’optimisme sans faille de mon ami Gérard et sa foi inébranlable en l’espèce humaine.

Force est de constater que malheureusement, les faits sont têtus et que les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets !

Après un bref rappel de la définition des subprimes, nous avions droit aux différentes analyses sur le traitement notamment par la FED de ce qui a constitué le plus grand séisme qu’a connu la sphère financière mondiale depuis 1929.

Nous ne nous attarderons pas sur ces éléments déjà largement commentés dans les médias, mais je souhaiterais rappeler que si la crise s’était limitée au phénomène des subprimes, elle n’aurait jamais connu les dramatiques conséquences qui s’en sont suivies sur les places financières mondiales (graphique ci-dessous).

 

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Que peut-on constater si ce n’est une destruction massive de valeurs et, au-delà, l’émergence d’une crise de confiance sans précédent dans nos sociétés développées dont nous subissons aujourd’hui les effets dévastateurs ?

Un chiffre plus que tout autre illustre cette dérive qui nous est présentée lors de cet exposé, d’après les statistiques de la Banque des règlements internationaux, la doyenne des institutions financières officielles, les encours notionnels dérivés de gré à gré représentent, avec 683 000 milliards de dollars, plus de 15 fois le total de bilans des banques commerciales dans le monde et 45 fois le PIB américain.

Une expansion hors de contrôle

Sans avoir d’informations récentes, je pense sans me tromper que nous avons dû connaître depuis 2009 un accroissement très sensible de ce chiffre.

Sans rentrer dans les détails de la signification de cette terminologie de « notionnels ou notional out standing », nous pouvons aisément comprendre que ces encours de dérivés semblent connaître une expansion sans limite et totalement hors de contrôle.

Le résultat de cette situation s’est traduit par une chute considérable de la capitalisation boursière en dollar américain des principales banques comme le montre le tableau ci-dessous.

 

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Au-delà des conséquences pour les actionnaires de ces banques, l’obligation de l’intervention des États dans ce secteur a engendré une frustration des populations face à l’impunité dont la finance a semblé jouir en cette période marquée par le retour du chômage.

Un rendez-vous avec l’histoire

L’ensemble de nos responsables politiques ont aujourd’hui un rendez-vous avec l’histoire.

Comment mieux qualifier la situation à laquelle ils sont confrontés avec cette nouvelle crise qui semble se dessiner sur l’ensemble des places financières mondiales ?

Nous assistons au « crépuscule des dieux… de la finance », car, une fois de plus, la finance, qui n’a pas su tirer les leçons de la crise de 2008, se trouve confrontée à un risque systémique qui, si des mesures ne sont pas prises rapidement, nous conduira à une crise beaucoup plus importante que 2008.

Car soyons clairs, la crise des dettes souveraines est avant tout une crise bancaire : les banques sont dans leurs grandes majorités incapables d’absorber les pertes qui seraient issues d’un provisionnement massif de ces créances.

Certes, les bilans des banques sont solides, mais ce qui est anticipé par les marchés est la convergence d’une récession massive et du provisionnement des créances douteuses, ce qui explique les violentes corrections dont font l’objet les valeurs bancaires depuis quelques semaines.

« Il faut agir ! »

La récente découverte au sein de la prestigieuse banque UBS d’une nouvelle fraude à la Kerviel est la preuve que la finance n’a pas su tirer les leçons de la crise de 2008, obligeant ainsi les politiques à prendre des décisions drastiques conduisant par anticipation à la séparation des métiers et au renforcement des fonds propres par l’entrée au capital des États.

La banque universelle à la française tant prônée par le patron de la BNP voit vaciller aujourd’hui les fondements mêmes de sa légitimité.

Les politiques se trouvent donc, plus tôt qu’ils ne le pensaient, face à un rendez-vous avec l’histoire, car nul ne pourra leur pardonner aujourd’hui de ne pas prendre les mesures qui auraient dû être prises à la suite de la crise de 2008.

Séparer les métiers et entrer au capital des banques, pour une meilleure régulation, devient aujourd’hui un impératif qui seul pourra éviter un cataclysme financier dont l’ensemble des États européens, compte tenu de leurs niveaux d’endettement, ne pourraient se relever.

Messieurs les politiques, il ne faut plus tergiverser, il faut agir ! Des décisions que vous serez amenés à prendre dépendra le futur de nos enfants et de nos petits-enfants.

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