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Le «tout hygiène» à Surate, leçons d’une épidémie de peste

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Surate, Gujarat. L’épidémie de peste qui a frappé Surate en 1994 a radicalement entraîné le développement de la ville. L’Inde a fait de l’hygiène l’une de ses priorités.


Davantage connue pour son commerce de textile et ses industries du diamant (d’où son surnom de « ville du diamant »), Surate a pourtant été victime de la peste. Il s’agit en effet, d’une des villes les plus sales d’Inde, où l’abandon de tout effort en faveur de l’hygiène – ordures et eaux usées – est bien connu.


De ville la plus sale à la plus propre


Mais grâce à de nombreuses réformes et une incroyable volonté, Surate est passée du statut de ville la plus sale à l’une des plus propres du pays en seulement 18 mois. Cet effort est notamment dû à l’implication du conseiller municipal, Suryadevara Ramachandra Rao.


Plus incroyable encore, Surate a presque réussi à maintenir ses normes d’hygiène dans le temps, et ce, malgré une impressionnante expansion de la ville au cours de la dernière décennie.


C’est de toute évidence une véritable leçon pour le reste de l’Inde. Reste à appliquer le « plan de nettoyage » et d’organisation urbaine de SR Rao à l’ensemble du pays, au moins l’adapter à chaque ville car toutes n’ont pas connu une épidémie.


Un drame pour réagir


KD Yadav, professeur de génie civil à l’Institut national technologique de Surate, affirme que « ce n’est pas seulement une question de modèle, c’est une question de comportement de la population locale. Rien de “mieux” que la peste pour qu’une ville prenne conscience de l’importance de l’hygiène. »


En 1994, on enregistra le décès de 54 résidents et l’exode de 300 000 personnes pour échapper à une possible mise en quarantaine. Ceux qui sont restés étaient disposés à appliquer le programme établi par SR Rao. Ils se sont employés à éliminer des tonnes d’ordures et à réparer les égouts qui débordaient de toute part, d’où la propagation de la maladie par les rats et les inondations. La conception de ce système se veut également très instructive pour les citoyens.


Une question d’organisation


Dans le but de responsabiliser la ville, Rao l’a divisée en 6 zones et nommé un commissaire pour chaque zone afin qu’il veille au bon déroulement des opérations.


Rao a ordonné aux fonctionnaires en charge de la gestion des déchets de se rendre chaque jour, en personne, sur le terrain, plutôt que de suivre les opérations via un rapport douteux. Il a également mis en place un système de sanctions appliqué par les fonctionnaires : amendes à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les directives et enregistrement des plaintes des citoyens.


Des mesures très appréciées


Hemant Desai, commissaire adjoint de la santé et de l’hygiène, se souvient qu’« à cette époque, le Bharatiya Janata Party (BJP) avait remporté 98 des 99 sièges au sein de la municipalité, donc il n’y avait pas d’opposition. Les gens savaient que ces mesures étaient décidées pour leur bien, ils ont coopéré ». Grâce à ce rare esprit de consensus, une série de changements du système ont pu être pensés en presque une nuit.


Les mesures prises pour responsabiliser la ville en matière d’hygiène ont tellement bien été accueillies par les habitants que chaque citoyen nettoie même un tronçon de sa rue chaque jour. Des camions-poubelles (modernes) assurent un ramassage quotidien devant chaque habitation et les convoient vers un centre de transfert local avant d’être envoyés à un centre de tri. Avant, des espèces de vélos-chariots (sans coffre pour enfermer les déchets) passaient de temps en temps dans les rues où le tri se faisait sur le bord de la route, histoire d’alimenter le commerce local du recyclage.


Un système de suivi précis et informatisé


Dans les stations de transfert de chaque zone, 240 camions de la ville déchargent entre 800 et 1 200 kg de déchets à trier, et environ 10 tonnes qui iront à la décharge. Comme il s’agit d’une sous-traitance, les entreprises sont rémunérées à la tonne – d’où le système de pesage de chacun des centres.


Un système de subventions a également été mis en place pour les zones les plus riches. Elles offrent à 600 habitations ou sociétés de bénéficier de leur propre système d’assainissement.


L’ensemble du système est informatisé afin d’assurer un suivi précis en temps réel à travers lequel les plaintes des résidents sont immédiatement portées à la connaissance des responsables de la ville, à charge pour eux de missionner des agents en charge de l’hygiène (et habilités à verbaliser), de sanctionner les individus ou entreprises qui déversent leurs ordures dans la rue ou sur le bord des routes.


Il aura fallu chercher les failles juridiques pour pouvoir mettre en place ce système de verbalisation. Le service d’assainissement appelle les amendes « frais administratifs » parce qu’il n’est pas légalement habilité à en émettre. Les agents du service d’assainissement recueillent environ 400 000 dollars par an grâce à ces « frais ».


L’industrie du textile, bête noire de ce « grand nettoyage »


En 2010, Surate est passée de la seconde à la troisième place dans le classement des villes les plus propres d’Inde. Le Conseil de contrôle de la pollution de Gujarat a souligné que l’industrie du textile n’a pas réussi à limiter sa pollution industrielle, du moins, pas aussi bien que les éboueurs sont parvenus au nettoyage des rues.


Même si la situation n’est pas tout à fait parfaite, la ville apparaît vraiment plus « propre ». Hemant Desai souligne que la transformation de Surate a inspiré d’autres villes comme Lucknow et Pune qui étudient à leur tour un système de collecte des ordures.


Comme la population de la ville a doublé au cours de ces dix dernières années, les nouveaux résidents ont eu le droit au moins à un rappel chacun concernant les avantages de l’hygiène.


Reloger la population des taudis


Lorsqu’une terrible inondation a frappé la ville en 2006, le système d’assainissement de Surate a prouvé son efficacité : les agents en charge du nettoyage de la ville ont déblayé plus de 300 000 tonnes d’ordures et de débris en moins d’un mois. Le successeur de Rao, S. Apama, a décidé de tirer profit de la catastrophe. Il a délocalisé des milliers d’habitants qui vivaient dans des taudis à proximité de barrages de fortune en les relogeant dans des logements décents à très faible loyer. Par la même occasion, il a fait reconstruire les barrages. Le tout rendu possible grâce au financement de la JNNURM (Mission nationale pour le renouvellement urbain de Jawaharlal).


Yadav constate avec enthousiasme que « nous avons eu la chance d’avoir des officiers et des agents vraiment partants pour un tel développement ».


C’est peut-être une leçon pour l’Inde, aussi douce et amère soit-elle. Désormais, le gouvernement se penche davantage sur ces mesures d’hygiène, mais rien ne sera possible sans l’implication et le travail de chacun.


 


Global Post/Adaptation Pasqualine Nelh – JOL Press

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