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Les islamistes s’attaquent au Nigéria

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[image:1,l]Modu Bintube, membre éminent du Parlement, a été abattu à son domicile dimanche 16 octobre à Maiduguri, la capitale de l’État de Borno au nord du pays. Plus tôt dans la journée, une caserne de l’armée à Gombe était bombardée, avant une fusillade durant laquelle un sergent de la police et trois militants présumés ont été tués.

La montée en puissance de la menace terroriste

L’attaque la plus meurtrière de Boko Haram a été l’attentat suicide du bâtiment des Nations unies dans la capitale Abuja, en août, signe d’une montée significative de la menace terroriste dans le pays le plus peuplé d’Afrique.

[image:2,s]Le président nigérian Goodluck Jonathan a promis, par la suite, de sévir contre cette violence. Un rapport gouvernemental paru il y a quelques jours incitait le gouvernement à se pencher de près sur ses tensions intérieures qui provoquent un conflit dévastateur dans le plus grand pays exportateur de pétrole.

L’éducation occidentale est un péché

Boko Haram, littéralement « l’éducation occidentale est un péché », a été créé à Maiduguri dans l’État de Borno, au nord, près de la frontière avec le Cameroun, le Niger et le Tchad. Le groupe s’est fait connaître en 2009, après une série de violences qui ont tué plus de 800 personnes, dont le chef du groupe Mohammed Yusuf, tué pendant sa garde à vue. Par la suite, le mouvement a énormément recruté, et l’exemple de Yusuf est devenu un motif de vengeance.

Boka Haram combat aujourd’hui pour faire appliquer la charia dans tout le pays. Ses membres sont accusés de centaines d’attaques dans Borno, qui visent la plupart du temps la police, les églises et les bars.

L’assassinat de Modu Bintube est encore une fois la preuve de la nouvelle ampleur significative de la secte. Pour preuves, en juin, une voiture piégée a explosé près de la préfecture, dans la capitale, attentat auquel a échappé de justesse le chef de la police. L’attaque du quartier général des Nations unies en août a été le premier attentat suicide reconnu au Nigéria avec 23 morts et des dizaines de blessés.

Al-Qaïda mène la danse

Le développement du pouvoir et des moyens d’actions de Boko Haram sont liés à plusieurs facteurs, notamment leurs liens avec les branches d’Al-Qaïda en Afrique comme Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQIM) et les Shebab en Somalie. Certains membres de Boko Haram auraient même été entraînés au Niger et en Somalie selon un officier des renseignements nigérians.

« Il y a évidemment des liens entre AQIM et Boko Haram, et il est clair qu’AQIM veut faire de Boko Haram un groupe plus fort », affirmait Peter Sharwood-Smith, directeur national pour le cabinet de consulting Drum Cussac.

Boko Haram, arme politique

Bien que Boko Haram ait été créé dans le sillage d’affrontements locaux, les autorités suspectent désormais plusieurs politiciens du nord du pays, grands perdants des dernières présidentielles remportées par un sudiste, d’avoir subventionné le groupe afin de déstabiliser le gouvernement de Goodluck Jonathan.

« Les forces principales derrière la nouvelle puissance de Boko Haram sont certainement nigérianes plutôt qu’étrangères », prophétise Peter Sharwood-Smith. Plusieurs milices privées, établies, financées, utilisées par des politiciens et plus tard abandonnées, ont été contraintes de rejoindre Boko Haram, ce qui a contribué à l’augmentation de la violence.

Fracture nord/sud

Goodluck Jonathan a essayé de minimiser les différends religieux et locaux, ce qui a nourri la campagne de Boko Haram et creusé le fossé qui existe entre le nord et le sud du pays. Un comité présidentiel, mis en place pour analyser les dissenssions au nord du pays, a reconnu l’incapacité du gouvernement à résoudre les soulèvements sociaux qui ont engendré une augmentation des violences.

Le gouvernement devrait « prendre des mesures d’autonomisation économique pour les très nombreux jeunes chômeurs du nord », a conseillé Usman Galtimari, président du comité, lors de la remise du rapport.

Il existe un contraste économique flagrant entre le nord à majorité musulmane et le sud, principalement chrétien. L’échec du développement au nord a créé un climat de désespoir et a permis aux extrémistes d’attirer les démunis et marginaux.

Une secte difficile à cibler

La structure très floue de Boko Haram, le nombre indéfini de ses membres et ses moyens de financements inconnus sont autant de raisons qui rendent très difficile le démantèlement de ce groupe par le gouvernement.

Le rapport qu’il a reçu proposait le dialogue avec la secte. Récemment, l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo a tenté d’entamer des pourparlers avec la famille de l’ancien chef de Boko Haram, Yusuf Mohammed : la démarche s’est achevée dans un bain de sang. Le lendemain, le beau-frère de Yusuf était assassiné.

Impasse avant tout sociale

Un renforcement de la sécurité a eu quelques résultats inattendus. Un groupe de militaires a récemment été accusé de méthodes violentes, méthodes qui inciteraient la population à rejoindre la secte. Ces événements poussent certains Nigérians à avoir le sentiment que le gouvernement veut régler le conflit avec l’armée, comme s’il ne s’agissait que d’une affaire de sécurité, alors qu’il s’agit véritablement d’une impasse sociale et politique.

La solution est toujours trouble. Des observateurs disent que Goodluck Jonathan devrait entreprendre des actions décisives de nature à restaurer la confiance du peuple, notamment en prenant des mesures pour la sécurité, en trouvant les coupables de la dernière attaque et en s’attaquant aux déficiences économiques et sociales qui alimentent l’agitation.

« Nous devons absolument remanier notre dispositif de sécurité […] Le gouvernement doit faire un miracle en créant des emplois pour nos jeunes […] Notre pays ne connaîtra pas la paix tant que les privilégiés conservent leur mode de vie sans aider les pauvres ni la société », écrit Dele Modu dans This Day, un des principaux quotidiens du pays.

La sécurité est renforcée

L’attaque du bâtiment des Nations unies pourrait n’être qu’une première étape. Selon Sharwood-Smith, « nous devons nous attendre à plus d’attentats suicides, à présent que ce mode d’opération devient classique pour le groupe, mais il est pour le moment difficile d’imaginer quelle pourrait être leur prochaine cible. »

Pour anticiper ces attaques meurtrières, la sécurité a été renforcée autour de la capitale. Devant chaque hôtel, chaque magasin, des files de voitures font la queue avant d’être fouillées.

Les « Bush bars », endroits de la ville où les gens se retrouvent, en plein air, souvent en grand nombre, sont évités. Des caméras de contrôle ont été installées dans les quartiers centraux pour enregistrer les mouvements ainsi que les opérations de police lorsqu’ils fouillent les voitures de jour comme de nuit.

Beaucoup sont ceux qui se préparent à de nouvelles attaques. Des barrières de ciment ont été installées en face des ambassades et des écoles internationales afin d’empêcher une nouvelle attaque à la voiture piégée.

Mais pour les habitants d’Abuja, la question n’est pas de savoir si Boko Haram frappera encore, c’est de savoir quand la secte attaquera.

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