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Occupy Wall Street : l’occupation qui fait la différence…

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[image:1,l]L’officier, un sergent résident du quartier du Queens, regarde la scène devant lui avec un certain amusement. « Vous savez, dans vingt ans, la plupart de ces enfants seront républicains. »


La politique de la New York City Police Departement interdit aux officiers de répondre à des questions politiques posées par les journalistes, ou à propos de sujets sensibles. Mais quelque chose ici se « passe ». Peut-être le tambourinage constant des manifestants, l’ennui d’être en service dans un tiède soir d’automne – ou la promesse que ses commentaires resteront anonymes.


Quoi qu’il en soit, le sergent sentait le besoin de donner son avis.


Le policier qui sympathisait avec les manifestants…


« Ce ne sont pas de mauvais garçons, ils sont simplement un peu sales et un peu égarés », il disait, pendant qu’il surveillait avec des dizaines d’autres policiers le campement d’Occupy Wall Street au Zuccotti Park.


« Vous savez, j’ai repéré des vrais trublions là-dedans. Des gars qui se défoncent, qui veulent juste casser des bouteilles et provoquer la police », il disait. « J’espère qu’ils ne vont pas instiguer quelque chose, parce que comme vous pouvez imaginer, certaines personnes n’attendent qu’une excuse pour les dégager. Parce que la plupart d’entre eux sont de gentils enfants, et ils ont raison sur certaines choses. Sur plusieurs. Mais ça ne m’étonne pas que les gens fassent attention. »


Les journalistes aiment les moments comme ça. L’homme qui mord le chien. Un sergent de la police new-yorkaise, un dur, qui sympathise avec les « hippies » – vous connaissez le scénario.


[image:2,s]Mais le sergent a raison : les gens, même ceux qui d’habitude auraient réduit le mouvement au Zuccotti Park à un mouvement de gauche, cette fois, ils y voient quelque chose de différent.


 


59 % des Américains sont d’accord avec les manifestants


La récrimination principale, dans le chœur désordonné d’une foule de questions, est bien celle-ci : les banques de Wall Street ont presque détruit l’économie américaine et puis rançonné les contribuables. Mais elle n’est ni une cause partisane ni une cause qui divise.


Elle est, dans l’esprit d’une majorité d’Américains, simplement vraie.


Une nouvelle enquête du National Journal a révélé qu’environ 59 % des adultes sont d’accord avec les manifestants. Seulement 31 % sont en désaccord.


Matt Taibbi, sur Rolling Stones, écrit : « Il s’agit d’une récrimination majeure et implicite de la protestation d’OWS et ça doit toucher la corde sensible des Tea Parties, dont beaucoup traitaient les mêmes questions quand ils ont fait irruption sur la scène il y a quelques années. Cet événement est plus grand qu’une, deux ou quelques personnes. Ça ne fait pas partie de la même vieille histoire. »


C’est peut-être pour ça que, contrairement à d’innombrables autres mouvements depuis l’époque d’or de la désobéissance civile américaine des années 1960, Occupy Wall Street semble tenir debout.


De quoi expliquer pourquoi beaucoup de New-Yorkais continuent à offrir de la nourriture et des bâches aux manifestants, et pourquoi d’autres sit-in et manifestations ont germé dans le monde entier, de Los Angeles jusqu’à Athènes. De quoi expliquer aussi pourquoi des gens comme Robert Halper, un ancien vice-président de la New York Mercantile Exchange, là, en bas de la rue, sacrifie une partie de son temps à les aider.


Et surtout, voilà qui explique pourquoi la police de New York a été tenue à distance, en dépit d’un maire qui a débuté sa carrière dans une banque d’investissement, Salomon Brothers, alors que les lois de la ville sur le rassemblement public, la sécurité et l’assainissement pourraient facilement être utilisées pour forcer les manifestants à se disperser.


Un mouvement qui s’inspire des manifestations de désobéissance civile du passé


Pensez aux mouvements importants dans les États-Unis depuis 1980 qui se sont largement appuyés sur des manifestations de masse.


À l’époque de Reagan, les grandes manifestations organisées par le mouvement antinucléaire demandaient un « gel nucléaire » des arsenaux américains et soviétiques, et un arrêt des usines nucléaires aux États-Unis.


Il s’agissait de mouvements qui ne représentaient qu’une partie de la population américaine et qui, par conséquent, ne sont pas allés très loin. Finalement, c’est un événement extérieur – l’effondrement de l’URSS – qui a dompté la course au nucléaire. Dans le même temps, les coûts d’exploitation élevés et les difficultés à trouver des communautés disposées à accueillir des implantations nucléaires ont coupé l’herbe sous le pied des industries.


En revanche, les manifestations de masse contre les missiles balistiques américains Pershing en Europe, organisées par les mouvements écologistes allemands, britanniques et des ressortissants d’autres pays, ont obligé les gouvernements de l’Otan à les démanteler. Ce qui a fait la différence : leur présence sur le territoire européen était opposée par une majorité de la population.


À partir de la seconde moitié des années 1980 et pendant les années 1990, les questions sociales ont dominé les manifestations populaires. Les manifestants pro-choix et anti-avortement sont descendus dans les rues de Washington, déterminés à représenter leurs points de vue respectifs. Les manifestations en faveur des droits des homosexuels et sur le HIV/AIDS ont engendré des rassemblements financés par les chrétiens. Aucune des deux parties n’a parlé au pays, autant qu’elles parlaient dans le pays.


Même les manifestations pacifistes qui ont accompagné l’invasion de l’Irak ne ressemblaient qu’une minorité d’Américains. Plus de 50 % de la population était persuadée que Saddam Hussein avait quelque chose à voir avec le 11-Septembre.


Les membres du mouvement Occupy se réclament des grandes campagnes de désobéissance civile du passé. Des citations de Gandhi et Martin Luther King abondent dans le parc.


Un printemps américain ?


[image:3,s] À la table des médias du mouvement, la chose qui ressemble plus à un organe de direction, on se réfère constamment au « printemps américain », une extension des soulèvements tunisien et égyptien qui visent à renverser les autocraties corrompues.


La similitude principale entre le printemps arabe et ce qui est en train de se passer au Zuccotti Park est vraiment très simple : dans les deux cas, une majorité de citoyens attendaient avec impatience que quelqu’un, n’importe qui, se lève et dise : « L’empereur est nu ! »


Côté Wall Street, ni le président Obama ni la direction du Parti Républicain, qui après tout, sont les auteurs du programme de sauvetage des banques connu sous le nom de TARP, n’ont montré clairement leur volonté de poursuivre les responsables… pas plus qu’ils n’ont montré leur volonté d’aider les plus touchés par la crise.


Les Tea Party, eux, ont certainement abordé la question, mais leur allergie violente aux impôts, inscrite dans leur ADN, a obscurci leur message anti-Wall Street.


Après tout, Wall Street et les Tea Party veulent la même chose : des impôts moins élevés.


Il existe un vide à remplir. Disons-le mieux : à occuper.


 


GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi – JOL Press

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