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Plan d’austérité, grève générale : quel avenir en Grèce ?

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C’est la question à laquelle le Premier ministre grec, Georges Papandréou, a tenté de répondre récemment pour rassurer les dirigeants européens et ses compatriotes sur l’avenir de son pays. S’il reconnaît que reconstruire l’économie est une tâche monumentale, il se veut optimiste, convaincu que la crise amènera de nombreux changements positifs durables. « Nous devons nous donner les moyens d’une croissance et d’investissements durables, car la Grèce offre un très fort potentiel. Mais ce potentiel n’a pas été cultivé auparavant », a-t-il déclaré jeudi 13 octobre à la sortie d’une réunion à Bruxelles avec le président du Conseil européen, Herman van Rompuy.

Les réformes qu’il fallait

[image:1,s] « C’est pour cette raison que nous allons de l’avant, avec des réformes majeures, des changements radicaux que nous appliquons à toute l’économie grecque et à l’administration publique pour garantir nos compétitivité, productivité, croissance, transparence et justice sociale. »
Le gouvernement de Papandréou a trouvé une dette publique de 400 milliards de dollars à son arrivée au pouvoir il y a deux ans. Seule solution : augmenter les taxes, réduire radicalement les dépenses, consolider les structures publiques et tenter d’attirer des investisseurs en facilitant les démarches administratives. Le Premier ministre a souligné aussi que la Grèce allait exploiter les atouts dont elle dispose. C’est-à-dire trouver de nouveaux marchés pour le tourisme, en augmentation cette année. Le gouvernement place aussi tous ses espoirs dans le Projet Helios, 27 milliards de dollars pour exporter de l’énergie solaire.
Mais le Premier ministre, socialiste en contradiction avec ses fondamentaux idéologiques lorsqu’il est contraint d’imposer un programme de réduction de la dette sous la pression des dirigeants étrangers, pourra-t-il seulement renverser la situation ? La crise léguera-t-elle les bons outils à la Grèce pour se transformer en un pays plus souple, plus fort et plus moderne ?

Le système grec courait à la faillite

En dépit des nombreuses manifestations des opposants à la politique du gouvernement, beaucoup sont d’accord pour dire que la Grèce connaissait un vrai besoin de réformes. Le système économique du pays était « fondamentalement imparfait et ne pouvait pas survivre plus longtemps », estime Vagelis Agapitos, économiste indépendant à Athènes. Les gouvernements successifs dépensaient trop, distribuaient des emplois à leurs sympathisants, et ne récoltaient presque pas d’impôts, ce qui a laissé la Grèce au dépourvu quand la crise fut venue.
« Le gouvernement était le premier client des entreprises privées, ajoute Vagelis Agapitos. Beaucoup de sociétés sont devenues trop dépendantes des pouvoirs publics. Leur modèle n’était plus de créer des produits vraiment compétitifs à des prix vraiment compétitifs. » Un rapport de l’Eurostat, l’outil statistique de l’Union européenne, paru en 2010, donnait des notes plutôt élevées aux gouvernements du continent et aux structures commerciales pour leur force d’innovation et de développement. Les exceptions : « Les entreprises innovantes grecques et portugaises semblent devoir investir massivement en équipement et logiciels. »
Avec la bureaucratie grecque, il est plus simple d’installer une entreprise en Guyane ou en Éthiopie, selon une enquête de la Banque mondiale parue cette année. La Grèce se place au 109e rang sur 183 en termes d’accessibilité à la création d’entreprises. Elle espère voir son niveau augmenter, dixit le rapport 2011 qui sera publié dans quelques jours.

Les Grecs ne veulent pas de changement

[image:2,s]Le temps nous dira si ce pays s’en sortira plus fort. L’Indonésie et la Russie, parmi d’autres, qui ont souffert de crises financières, ont rebondi. Mais ces pays avaient la chance de pouvoir dévaluer leur monnaie afin de propulser leurs exportations grâce à des prix plus bas. Dans le cas de la Grèce, il existe le frein de l’euro.
Les espoirs d’un avenir plus radieux sont encore permis. Pour Agapitos, « l’obstacle est que tout le monde ne réalise pas que le vieux modèle n’est plus d’actualité ». Les puissants syndicats grecs, tout comme les partis d’opposition, ont résisté aux changements. Des violences sporadiques ont éclaté pendant les manifestations. Les ordures se répandent dans toutes les rues d’Athènes parce que les collecteurs d’ordures sont en grève. Une deuxième grève nationale est prévue le 19 octobre pendant que les travailleurs menacent de bloquer l’impression et l’envoi des factures d’électricité.
« Je pense que c’est difficile d’être optimiste. Nous sommes tombés très bas », disait récemment Simon Tilford, responsable économiste au Centre pour la réforme européenne. « La Grèce pourrait bien connaître dix horribles années. Les réformes structurelles doivent s’accompagner d’investissement », ajoutait-il.

Investir en Grèce

« L’investissement dans l’économie grecque s’est effondré. L’autre préoccupation est qu’il est difficile de maintenir un support politique. Le gouvernement est dans une situation difficile. Sauf si vous pouvez dégager un gain de ces réformes structurelles, elles sont difficiles à mettre en œuvre. »
Les difficultés que traverse la Grèce sont sous-jacentes depuis plusieurs années. Noyée par le crédit bon marché quand elle a abandonné la drachme pour l’euro, la Grèce s’est engagée ensuite dans une coûteuse course aux armements avec sa rivale la Turquie. Les dépenses militaires grecques en 2009 ont représenté 4 % de son PIB, de loin les plus élevées dans l’UE selon les statistiques de la Banque mondiale.
Au même moment, le pays versait de généreuses pensions de retraite, et son système de collecte d’impôts tombait en ruine avec une explosion de la corruption interne et une tricherie massive de toute la population.
Les mesures draconiennes d’austérité ont fait enrager les Grecs, et les réformes structurelles n’ont pas pleinement satisfait la communauté internationale.

Le secours du FMI, de la BCE et de la Commission

La troïka des prêteurs de la Grèce, le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne, attendent avant de verser au Trésor grec les 150 milliards de dollars négociés en mai 2010. Sans un acompte de 11 milliards, la Grèce aurait fait faillite dans les prochaines semaines.

[image:3,s] « Il n’y a pas encore de preuves de l’amélioration des investissements, en partie parce que l’élan des réformes n’est pas encore assez important pour transformer le climat des investissements », disent les trois structures dans le communiqué. Malgré tout, les exportations rebondissent. Le faible coût de la main-d’œuvre « devrait tendre vers une croissance plus équilibrée et plus durable à moyen terme ». Elles ont prévenu le gouvernement que son plan pour lever 50 milliards de dollars d’ici à la fin 2014 s’était mis en marche trop lentement. L’objectif cette année sera manqué.

Plusieurs années avant de revoir le jour

Papandréou pense que le sommet du 23 octobre devrait « décider d’une solution complète et durable pour résoudre la crise de la zone euro ». La décision sera « cruciale » pour la Grèce et pour le monde. « Nous avons besoin de retrouver la confiance et le calme dans nos marchés. » Même si les réformes sont vite mises en application, « reconstruire notre économie sur des bases solides et durables devrait prendre dix ou vingt ans », estime Dimitris Malliaropulos, chercheur en économie chez Eurobank EFG à Athènes.
« Et pendant ce temps, malheureusement, la Grèce aura perdu tout son capital humain puisque les jeunes les mieux qualifiés seront partis à l’étranger », admet Thanos Papapetrou, 28 ans, qui pense à partir. Il est programmateur informatique et travaille actuellement sur un projet de l’Union européenne qui consiste à numériser les documents et archives de tous les musées. Son bureau est situé sur le campus de l’université d’Athènes. Depuis quelque temps, il ne peut plus y accéder parce que les étudiants occupent tout le bâtiment en protestation contre une nouvelle loi censée moderniser l’enseignement. « Je ne suis pas autorisé à entrer », dit-il, et ses collègues et lui en sont réduits à aller travailler dans une bibliothèque. « C’est frustrant… Je voudrais bien être optimiste, mais je ne peux pas. »

 

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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