Site icon La Revue Internationale

Pourquoi les banques centrales jouent-elles avec le feu ?

ben_bernanke_-_breakingbusiness.jpgben_bernanke_-_breakingbusiness.jpg

[image:4,l]Dans ce contexte, des opinions autrefois cantonnées à la marge de la société gagnent désormais du terrain. Les républicains, candidats gonflés à bloc en vue de la prochaine élection présidentielle, comme Ron Paul et Rick Perry, mènent la danse aux côtés du mouvement Occupy Wall Street, pour réformer le système bancaire mondial.

Leur cible principale, c’est la Fed, la banque centrale américaine dont le bricolage incessant dans l’économie américaine, et donc l’économie mondiale, pour maintenir un chômage bas et une faible inflation ferait, selon eux, plus de mal que de bien.

Pourquoi la Fed ?

[image:1,s]Les croyants en l’économie de marché pure ont longtemps été agacés par les activités de la Fed. Dans leur monde parfait, des choses comme les taux d’intérêts devraient résulter d’un équilibre entre, d’une part, le montant de l’épargne que les agents économiques sont prêts à constituer, et d’autre part, combien ils sont prêts à payer pour emprunter. 
Ils affirment que les efforts des banques centrales comme la Fed ou la Banque d’Angleterre pour conserver des taux d’intérêts bas, calculés en fonction de l’argent qu’elles prêtent, sont dangereusement contreproductifs. Ce système, selon eux, encourage les gens à emprunter moins et à économiser plus.

Imaginez donc leur consternation lorsque, même après l’explosion de la bulle immobilière alimentée par la dette, la Fed, sous la direction de son président Ben Bernanke, continue à bricoler avec l’assouplissement quantitatif*, un programme controversé d’achat de titres obligataires qui crée de l’argent pour encourager l’emprunt.

En tête de file : les républicains

La réponse de Rick Perry, le gouverneur du Texas, a été incendiaire. En août, juste après le débat explosif sur l’augmentation du plafond de la dette à 14,3 milliards de dollars, Ben Bernanke se disait partant pour un troisième tour d’assouplissement quantitatif*. C’est là que Rick Perry a craqué.

« Imprimer plus d’argent pour faire de la politique à ce moment précis de l’histoire américaine est presque un acte de trahison. » Il ajoute que la politique de Ben Bernanke lui vaudrait un très mauvais accueil au Texas, pays d’origine de Rick Perry.

Quand il critique la Banque centrale américaine, Rick Perry est loin derrière Ron Paul, républicain et membre du Congrès, qui a fait part de ses idées en 2009 dans un livre intitulé très clairement : End the Fed [Pour en finir avec la Réserve fédérale].

[image:3,s]Le mantra qu’il continue de réciter aujourd’hui, Ron Paul le formule ainsi : « Rien de bon ne peut sortir de la Réserve fédérale. Elle est la plus grande des usines à taxes. Dilue la valeur du dollar en augmentant son tirage constitue un impôt vicieux et sinistre sur le dos des pauvres et des classes moyennes.

Ron Paul s’identifie à un groupe du XIXe siècle, les économistes du marché libre européen, mieux connu sous le nom de l’École autrichienne. À leur tête, Friedrich Hayek et Ludwig von Mises, dont la théorie des cycles économiques s’oppose aux principes économiques qui ont contribué à la création de la Fed en 1913.

L’école autrichienne gagne du terrain

Selon Sam Bowman, directeur de la recherche à l’Institut Adam Smith, un think tank du marché libre basé à Londres, le discours populiste de Ron Paul sur l’effondrement du marché du logement aux États-Unis, associé à un fort plaidoyer des économistes de l’université George Mason à Washington, ont donné une nouvelle crédibilité à l’École autrichienne.
« George Mason a plus ou moins créé un département économique, très intéressant et très respecté, qui aborde cette question désormais reprise par beaucoup d’universitaires », disait-il dans une interview à GlobalPost.

« L’autre facette de ce phénomène est évidemment Ron Paul et son mouvement politique, qui ont monté en puissance puisque la bulle de l’immobilier est plus facile à comprendre que les autres bulles : les gens comprennent le concept du crédit bon marché et de l’investissement trop important. 
« Ce discours a poussé beaucoup de monde à se demander quelle était la cause de ces problèmes. L’argument de Ron Paul n’est pas parfait, mais il s’est affiné pour transmettre la théorie du cycle économique de l’École autrichienne de manière à ce que les gens trouvent ça intéressant. »

Qui se cache derrière la Fed ?

[image:2,s]Bien sûr, critiquer la Fed n’est pas un sport nouveau. Le président Woodrow Wilson lui-même, disait, après avoir signé le décret de création de la Fed à la suite du vent de panique financière du début du XXe siècle, « avoir involontairement ruiné son pays » en ayant mis à la tête de la banque « un petit groupe d’hommes dominants ».

Des remarques comme celles-ci, ainsi que l’affirmation, qui revient souvent, selon laquelle la Fed devait aussi aider au financement de la Première guerre mondiale, ont contribué à alimenter les allégations sauvages selon lesquelles la Fed, et son équivalent dans d’autres pays, sont sous la coupe d’autres marionnettistes plus puissants.

Certains prétendent que la Banque des règlements internationaux, basée en Suisse, un corps indépendant chargé d’assurer la stabilité financière de ses 58 États membres, dirige les banques centrales pour détruire délibérément les économies en vue de remplir les poches d’une élite mondiale.

D’un côté plus extrême, les théoriciens du complot dessinent aussi un réseau élaboré d’intrigues impliquant une litanie de suspects traditionnels : la banque de la riche famille Rothschild, le culte satanique des Illuminati, les comploteurs sionistes, sans parler d’extraterrestres dont la forme originelle s’apparente à celle de lézards.

 

Retour aux réalités de ce bas monde. Bowman insiste sur l’idée que le règne bancaire centralisé vit ses derniers jours, aux États-Unis comme dans le reste du monde. Il affirme que le retour au marché libre et aux principes de l’or étalon sur lesquels l’économie s’est autrefois fondée redevient une option sensible au moment où les recettes classiques continuent à lutter contre les crises. « Quand tout cela arrivera-t-il, je n’en ai aucune idée, mais les banques centrales sont relativement récentes, ce qui signifie qu’elles ne seront sans doute pas éternelles. »

 

* Politique monétaire non conventionnelle que certaines banques centrales utilisent pour augmenter la masse monétaire en augmentant les excédents de réserve du système bancaire.

 

Global Post/Sybille de Larocque – JOL Press

Quitter la version mobile