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Quand les Tunisiens votent pour la première fois

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[image:1,l]Les bureaux de vote ont ouvert à 7 heures du matin. Les Tunisiens étaient appelés à élire les 217 membres de l’assemblée constituante chargée de doter le pays d’une nouvelle constitution. Le comité officiel des élections a annoncé lundi 25 octobre un taux de participation de 90 %, largement supérieur à celui attendu. Environ 7 millions des 10,4 millions de Tunisiens sont en âge de voter.

Jour de fierté nationale

Malgré les divisions profondes qui existent entre les multiples ambitions politiques pour l’avenir de la Tunisie – le principal reste le débat entre laïcs et islamistes –, cette élection est devenue le signe d’une fierté régionale et nationale. Ce minuscule pays du Maghreb a été le premier à renverser son dictateur, Zine El Abidine Ben Ali, après une révolte populaire en janvier. Maintenant, il est le premier à organiser une élection démocratique, dans la paix.

« Je suis fier d’être Tunisien », disait fièrement Qais Jelassi, 22 ans. Il y a quelques mois, il participait à la révolte qui a évincé Ben Ali du pouvoir. « Je n’aurais jamais pensé que ces élections puissent être le fruit de notre révolution. »

Une organisation minutieuse

[image:2,s]Ces élections se sont particulièrement bien passées. Environ 50 000 personnes, dont les 5 000 observateurs formés et accrédités, ont été embauchées à cette occasion et déployées dans tous les bureaux de vote du pays.

Des bureaux spéciaux ont été créés pour accueillir les votants non enregistrés mais qui pouvaient quand même s’inscrire le jour même du vote. Un système de hotline a été mis en place pour les votants. Chaque électeur pouvait envoyer son numéro d’identité à une centrale qui lui envoyait en réponse le nom et l’adresse de son bureau de vote.

Jour de vote, jour de fête

L’ambiance était à la fête toute cette journée dans la capitale, Tunis, où les écoles primaires ont été transformées en bureaux de vote. Dans les rues, des drapeaux étaient agités à travers les vitres de voitures klaxons hurlant. À la sortie des bureaux de vote, les électeurs de tous les âges levaient fièrement leur doigt trempé dans l’encre, signe de leur participation.

« Peu importe le résultat, je sens maintenant que j’existe », s’est réjoui Hamid Lofti, 35 ans, à la sortie d’un bureau de vote du centre de Tunis.

Même dans le quartier le plus pauvre de Tunis, Hay al-Tadamon, les électeurs faisaient joyeusement la queue devant leur bureau de vote. Ce serait une affluence record s’il y avait des précédents dans le pays, les bureaux, qui devaient normalement fermer à 19 heures, enregistraient à 18 heures la même activité et la même longueur de file d’attente.

« J’ai voté pour la première fois, et personne ne m’a dit pour qui voter. J’étais le seul à décider », exultait Tounis Bouzazi, 54 ans, une résidente d’Hay al-Tadamon. Elle a voté pour Karama, une liste indépendante, pour écarter le favori, le parti islamiste Ennahda.

Ennahda, le favori islamiste redouté

Ennahda, parti formé à partir d’une organisation qui était interdite sous Ben Ali, est le favori pour cette élection. Son expérience et son organisation ont conquis beaucoup de sympathisants dans toute la Tunisie, particulièrement grâce à son discours populiste dans les campagnes. Les chefs du parti affirment de pas vouloir faire de la Tunisie un pays islamique strict, mais les Tunisiens laïcs restent inquiets des dérives qui pourraient être la conséquence d’un État islamiste, notamment pour le droit des femmes et pour la pratique de l’islam qui est plutôt souple en Tunisie.

L’opposant principal à Ennahda est le Parti démocratique progressiste (PDP), un parti laïc qui n’avait recueilli, la veille des élections, que 15 % des intentions de vote.

La charia comme base de la constitution

[image:5,s]« Si Ennahda gagne, je voudrais qu’ils imposent la charia, lance Mohammed bin Abdullah, un sympathisant du parti. Il y a beaucoup de femmes en Tunisie qui ne connaissent pas le véritable islam. Ennahda ne va pas imposer, mais il va expliquer ce qu’il y a dans le Coran. Et avec un peu de chance, elles adopteront le vrai islam. »

D’autres sont attirés par Ennahda non seulement pour son message religieux, mais aussi pour son passé de groupe d’opposition sérieux. « Ennahda veut préserver nos droits civiques, pense Khalil Elalmi, 22 ans, un étudiant en médecine qui a été arrêté et battu pendant la révolution. Ils veulent préserver nos droits et prendre la loi de l’islam en considération. »

« Leur objectif est d’aider les gens à avoir une vie meilleure. »

Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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