Site icon La Revue Internationale

Tensions bicentenaires à la frontière

1112747_orig.jpg1112747_orig.jpg

[image:1,l]Toronto, Canada. Le gouvernement canadien va dépenser 28 millions de dollars pour rappeler aux Canadiens que leur identité nationale a été forgée à l’occasion d’un conflit presque totalement oublié.

Souvenir d’une guerre oubliée

[image:2,s] « Sans la guerre de 1812, le Canada, tel que nous le connaissons, n’existerait pas », a déclaré, mardi 11 octobre, James Moore, le ministre canadien du Patrimoine, lors de l’annonce d’un programme de célébrations devant s’étaler sur pas moins de trois ans. « Trop peu de nos compatriotes connaissent l’importance de la guerre de 1812. C’est la bataille pour le Canada », a expliqué Moore aux journalistes.
L’historien américain Alan Taylor a comparé cet épisode à la lutte de David contre Goliath, avec le Canada en David repoussant le Goliath américain. Cette guerre a instillé une suspicion durable sur les intentions américaines à l’égard de la souveraineté canadienne.
Il est prévu que ces commémorations à forte connotation patriotique débutent l’an prochain à l’occasion du 200e anniversaire du déclenchement du conflit. Au programme : des films reconstituant les batailles, des concerts et la construction d’un monument permanent en mémoire des victimes à Ottawa.
Mais certains considèrent cet élan annoncé de patriotisme canadien avec scepticisme.

Une commémoration opportune

[image:3,s]L’annonce de ces commémorations coïncide avec celle d’un accord prochain entre le Canada et les États-Unis sur la sécurité et le commerce le long du 49e parallèle, la frontière entre les deux pays.
Cela a concentré les inquiétudes qui avaient vu le jour durant l’année écoulée, alors que les deux pays négociaient cet accord dans le plus grand secret.
Wayne Easter, le porte-parole du Parti libéral, parti d’opposition, chargé des questions de commerce international, a accusé le gouvernement, la semaine dernière, de ne pas dire toute la vérité aux Canadiens : « Les Canadiens doivent savoir dans quelle mesure leurs vies privées seront affectées par ces mesures de sécurité, et si elles auront un impact sur la souveraineté canadienne », a-t-il demandé lors d’une séance à la Chambre des communes.

L’intérêt national des États-Unis d’abord

L’objectif premier des États-Unis dans ces discussions est de renforcer la sécurité le long de cette frontière que nombre de responsables politiques américains, depuis le 11-Septembre, considèrent comme bien trop poreuse. Les Canadiens voient dans la plupart de ces remarques un signe de paranoïa et un manque flagrant d’information.
L’exemple le plus troublant remonte à 2009, quand la secrétaire à la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, et le sénateur républicain John McCain, ancien candidat à la présidentielle, ont tous les deux prétendus que les pirates de l’air du 11-Septembre étaient entrés aux États-Unis via le Canada.

Une frontière à sécuriser

[image:4,s]Les Canadiens ont déjà renforcé les contrôles à la frontière : désormais, à la place des permis de conduire, il faut présenter un passeport pour entrer aux États-Unis, les contrôles des personnes et des marchandises ont augmenté et les communautés transfrontalières, comme Derby Line dans le Vermont et Stanstead au Québec, ont vu leur interaction, vieille de plusieurs générations, réduite par le renforcement des dispositifs de sécurité.

Le donnant-donnant du gouvernement canadien

La priorité du gouvernement canadien est de réduire les entraves au commerce le long de l’essentiel des plus de 6 000 kilomètres que fait la frontière. Il est estimé que, chaque jour, plus de 1,6 milliard de dollars de marchandises circulent dans ce périmètre, un trafic essentiel à l’économie canadienne.
En échange de flux commerciaux plus souples, les critiques craignent que le premier ministre, Stephen Harper, n’autorise les États-Unis à imposer au Canada ses standards de sécurité, et ne leur donne accès aux informations privées des voyageurs canadiens.

Au nord comme au sud

[image:5,s]Le scénario cauchemardesque voit les États-Unis obtenir un certain contrôle sur les politiques d’immigration et d’asile canadiennes en les autorisant à dire qui peut ou ne peut pas entrer au Canada.
Les récentes actions américaines n’ont pas contribué à réduire les inquiétudes. Certains hommes politiques canadiens ont réagi avec colère au début du mois à l’annonce de la publication d’un rapport de l’agence de protection des frontières des États-Unis, suggérant la mise en place de « grillages et autres barrières » le long de la frontière canadienne pour contrôler « les points noirs où le passage des clandestins est difficilement maîtrisable », comme au sud, face au Mexique.

La tentation protectionniste de Washington

Plus troublant encore est le plan en faveur de la création d’emplois du président Barack Obama qui contient une disposition protectionniste, « Achetez américain », qui empêcherait les entreprises canadiennes de répondre aux appel d’offres pour des contrats de réalisation d’infrastructures d’un montant total de 100 milliards de dollars.
[image :6,s]Bob Rae, le chef du Parti libéral, a demandé avec insistance que le gouvernement quitte la table des négociations en vue d’un accord sur les frontières tant qu’Obama n’aura pas abandonné cette disposition. « Tout ce que je dis, c’est que c’est folie pure de signer un accord alors que quotidiennement l’autre partie nous prodigue de mauvais coups », a-t-il déclaré.

Défendre la souveraineté du Canada… comme en 1812

Harper a insisté à plusieurs reprises sur la souveraineté du Canada qui n’est pas à vendre. Pourtant, alors qu’il se prépare à une annonce conjointe avec Barack Obama à propos de l’accord sur les frontières, les craintes sont réelles de voir l’engouement soudain pour la très patriotique guerre de 1812 n’être, en réalité, qu’une diversion. Au moment où les États-Unis sont sur le point d’obtenir à la table de négociation ce qu’ils n’ont su obtenir par les armes.

Quitter la version mobile