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À la une du New York Times

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Les épreuves de la Presse sur grand écran


Le nouveau film d’Andrew Rossi sort le 23 novembre (sélectionné au Festival de Sundance et à celui de Deauville). Très centré sur le New York Times, le film aborde tous les thèmes qui traversent la presse aujourd’hui : son affaiblissement financier, la concurrence des médias numériques, les principes du journalisme éthique, WikiLeaks, l’impact de certaines révélations, etc.


Ce film, traité comme un reportage, nous entraîne en profondeur au sein du Times et de ce qui préfigure les médias de demain.


Il nous bouscule, ne nous épargne rien et pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses. Il ne cache rien des difficultés du métier de la presse, de ses ratés et aussi de ses heures de gloire.


Qui nous informera si la Presse ne survit pas ?


Au-delà des bons sentiments (la presse indispensable à la démocratie) sur lesquels tout un chacun s’accorde, on reste pour le moins perplexes : comment la presse papier va-t-elle survivre ?


Ses contenus sont repris par des agrégateurs, qui diffusent gratuitement ses contenus et donnent l’impression d’une gratuité « de droit » de l’information alors que ses coûts de production restent élevés : certes les utilisateurs génèrent une partie des contenus sans être payés mais les bureaux de Bagdad ou de Kaboul sont terriblement coûteux et, par nature, non-rentables pour ceux qui les entretiennent. Si les journaux disparaissent, qui les remplacera ? Serons-nous informés exclusivement par les différents ministères de la Défense ?


Rien du film ne permet de comprendre comment les médias classiques vont s’adapter à une réalité faite de citoyens porteurs de smartphones et autres écrans numériques.


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Les lecteurs du Times sont allés plus vite que leur journal


J’ai moi-même visité à deux reprises le New York Times qui est passé par tous les essais numériques : rédactions séparées, fusionnées, contenus payants, gratuits, semi-payants, etc.


Le film conforte l’impression que j’en ai retirée : une maison aussi prestigieuse, au passé aussi glorieux, a le plus grand mal, comme la plupart de celles que je connais, à se réorienter et à projeter ses formidables capacités sur les supports… que pratiquent ses propres lecteurs.


Ceux-ci, simples citoyens, vont en réalité plus vite que les « institutions » des médias et de la communication, ils vivent déjà dans un monde qui n’est plus celui des grands networks ou des grandes agences.


Les grandes plumes, esprits brillants s’il en est, sont en train de s’isoler de leurs concitoyens, ils leur parlent avec des outils dont ceux-ci s’éloignent inexorablement.


Ils ne comprennent même pas toujours ceux d’entre eux qui œuvrent sur le Web : un « journaliste » d’un grand quotidien français a qualifié, du haut de son incompréhension, de « forçats » ceux qui font l’information sur le Web.


Il s’en est même fait un titre de gloire dans la profession. Et pourtant le monde bouge…


Le magnifique siège du Times


Un exemple à mon sens révélateur : le siège du New York Times réalisé par Renzo Piano, magnifique, imposant, 52 étages et 227 m de « grandeur » en plein cœur de New York fut inauguré en juin 2007, au moment même des premières difficultés majeures du secteur.


Il manqua de peu de précipiter le New York Times dans la faillite et dut être, dès l’année suivante, revendu et repris en lease-back


Un modèle irréprochable : le Huffington Post


Alors aucun modèle de rechange et déclin inéluctable, même pour le plus beau des journaux américains ?


Une allusion, quasi involontaire, dans le film nous met sur la piste d’une voie : le Huffington Post est classé dans la même catégorie de médias « sérieux » que le New York Times. Le « Huffpost » avait pourtant tout d’abord été considéré avec une certaine condescendance par de nombreux professionnels, selon eux les contenus étaient de « trop mauvaise qualité pour durer ». Sauf qu’il n’a cessé de gagner en qualité et… en audience.


Avec 60 journalistes employés et 25 millions de visiteurs uniques mensuels le Huffington Post est devenu une réalité journalistique respectable et, désormais, respectée par le monde du journalisme : les prestigieux contributeurs qu’il a enrôlés (notamment au sein de l’Administration Clinton) ou l’entrée de Arianna Huffington au Conseil d’Administration de El Pais décidée en mai 2011 le montrent. Concrètement les événements de Tunisie et d’Égypte y ont, par exemple, été mieux couverts que par bien des médias classiques, fini le temps où ils ne faisaient que « repackager » le travail des autres.


On peut même ajouter : une réalité qui compte, puisque sa valorisation de 315 millions $ équivaut à près de 3 fois ce qu’a coûté le rachat du Monde, et que la France devrait bientôt connaître lors du lancement prochain d’une édition française.


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Huffington se marie avec AOL pour encore plus d’impact


Son rapprochement avec AOL vient de créer un groupe d’un type nouveau, qui peut préfigurer une forme d’avenir des groupes de presse.


Écoutons ce qu’a dit début février 2011 Arianna Huffington en annonçant la vente du site qu’elle avait créé à AOL : « En combinant le Huffington Post avec le réseau des sites d’AOL, en profitant du développement de la vidéo, de l’information locale et de la dimension internationale, nous savons que nous allons créer une entreprise qui peut avoir un impact énorme pour atteindre une audience mondiale sur toutes les plateformes imaginables ».
En quelques mots, elle synthétise cette idée très simple et, probablement, très forte : la combinaison de contenus, de technologie, de « tuyaux » et de plateformes détient une puissance colossale.


Nous y reviendrons : n’est-ce pas tout simplement une forme d’inspiration et de construction des médias de demain ?

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