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Baptême électoral pour le blogueur Mahmoud Salem

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« Rantings of a Sandmonkey »


En 2010, le blogueur égyptien de 30 ans, Mahmoud Salem, mieux connu pour ses réflexions politiques irrévérencieuses sur son blog « Rantings of a Sandmonkey », avertissait ses lecteurs que les élections législatives égyptiennes de 2010 seraient truquées par les autorités : « N’oubliez pas d’aller aux urnes et de voter pour deux personnes sur votre bulletin. Cela pourra invalider votre vote, mais au moins ils ne pourront pas le voler », lance-t-il.
Cet épisode s’est déroulé dans une Egypte bien différente, bien longtemps avant l’insurrection du 25 janvier. Cette fois-ci, Salem et plusieurs centaines de milliers d’égyptiens sont allés jusqu’au bout de leur révolte et ont réussi leur « coup » : Hosni Moubarak est parti, son régime s’est effondré.


Après la révolution, la poursuite de l’engagement


[image:3,s]Neuf mois plus tard, Mahmoud Salem ne critique plus le système, il y participe. Mieux encore, il s’engage et se présente aux élections législatives du 28 novembre dans le district d’Heliopolis au Caire, sous la bannière d’Egyptiens Libres, un nouveau parti politique laïc.
Mahmoud Salem est un de ces nombreux jeunes révolutionnaires qui voit dans les nouvelles structures du pouvoir la meilleure option pour parvenir à l’instauration d’une véritable démocratie en Egypte. Ils espèrent que de nouvelles idées et de nouvelles perspectives viendront animer la scène politique, figée durant les trente ans du régime de Moubarak.


« La révolution m’a fait réaliser que tout est possible »


Ces nouveaux venus, idéalistes et dépourvus d’expérience politique, devraient être écrasés par les politiciens chevronnés, survivants de l’ancien régime. Mais Salem n’a peur de rien. Il se vante d’avoir plusieurs milliers de ses 50 000 abonnés sur Twitter qui voteront pour lui à Heliopolis. Il reconnaît pourtant que cela ne saurait être suffisant et qu’il devra transférer cette popularité sur le web en une campagne politique moderne dans les rues, au contact des électeurs.
« Je n’avais pas l’intention de me présenter », prétend-il. « Mais quand j’ai vu les politiciens qui annonçaient leur candidature, je n’ai trouvé personne à qui donner ma voix. Je me suis donc dit, pourquoi pas moi ? La révolution m’a fait réaliser que tout est possible. »


Liberté de penser sur Internet


L’activisme anonyme d’opposition de Mahmoud Salem a commencé en 2004, lorsqu’il est rentré dans son pays natal, après plusieurs années d’études de commerce et de finances dans une université de Boston. A cette époque, tenir un blog était un des rares espaces de liberté encore autorisés dans un pays complètement contrôlé par les organes de sécurité de Moubarak.
Le pseudonyme « Sandmonkey » donnait à Mahmoud Salem la possibilité d’écrire librement, surtout sur des sujets controversés. Il s’est servi de son blog pour s’attaquer à la politique de Moubarak, la corruption, la répression policière et les entraves à la liberté de la presse.
Pendant le soulèvement, Mahmoud Salem a finalement révélé son identité à ses fans. Après avoir été retenu et frappé par un groupe de partisans de Moubarak en février dernier, Mahmoud Salem a décidé de continuer à assumer son nom en public, voulant ainsi défier les services de sécurité du pays.


Agir par la provocation


[image:1,s]Mahmoud Salem a réussi à s’attirer une large audience tant en Egypte qu’à l’étranger grâce à son franc parler et son langage subversif. Certains de ces articles ont même été considérés comme blasphématoires.
Son pseudonyme, « Sandmonkey » (le singe de sable), un terme péjoratif pour les Arabes, a été choisi pour attirer l’attention et générer de l’audience en Occident. « Je voulais mettre les occidentaux mal à l’aise. L’idée était de présenter une image différente des Egyptiens, un Egyptien éduqué, qui parle anglais, qui veut vivre dans un pays laïc et qui ne croit pas au terrorisme. »
Mahmoud Salem a souvent remis en question l’omniprésence du sentiment anti-israélien dans le pays et contesté la popularité des Frères musulmans, le mouvement islamiste autrefois interdit en Egypte.


A la recherche d’une crédibilité


Mahmoud Salem, le candidat, travaille maintenant activement à élargir son public. Il a troqué son tee-shirt contre un costume complet auquel il a épinglé un drapeau égyptien.
En ce moment, il tient des meetings de campagne dans lesquels il peut, avec éloquence, affirmer ses idées de réforme pour l’Egypte, ainsi que ses plans pour mettre en œuvre une plus grande transparence du gouvernement, l’augmentation des fonds pour les petites entreprises, l’introduction de nouvelles usines de recyclage pour combattre les montagnes de déchets omniprésentes au Caire, etc.


La jeunesse de la scène politique égyptienne


[image:4,s]Ziad Akl, chercheur au centre Al-Ahram d’études politiques et stratégiques, trouve très intéressant cette nouvelle montée des jeunes, révolutionnaires et idéalistes, en politique. Mais il craint aussi que ces nouveaux ne soient distancés par des opposants plus expérimentés et déjà établis. « Les chances pour que quelqu’un d’inconnu sorte du lot, même s’il a un fort audimat sur Twitter, seront faibles si elles ne correspondent pas au paradigme établi des « membres du Parlement » dans la culture égyptienne. Pour les Egyptiens, un parlementaire est quelqu’un qui est capable de traiter les affaires d’état. »
Plusieurs anciens membres du parti de Moubarak, désormais dissout, le Parti National Démocratique (NPD), sont candidats sous les bannières de nouveaux partis politiques. Les vestiges du NPD, renforcés désormais par les Frères musulmans, s’attendent à remporter une bonne majorité lors des élections.
Mahmoud Salem reste cependant optimiste, en s’inspirant des jeunes militants égyptiens qui ont réussi à renverser un régime en seulement 18 jours : « Nous avons une grande chance de gagner. Une des caractéristiques de cette révolution, c’est que nous ne pouvons rien prédire. »


Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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