Site icon La Revue Internationale

Crise de la zone euro : la France attirée dans la spirale de la dette

bourseparis.jpgbourseparis.jpg

[image:1,l]


Dans la crise de la dette souveraine en Europe, les pouvoirs jouent un autre tour dans le jeu des notations. Cette fois, l’action se déroule en France. La notation AAA du pays – un pilier essentiel pour le sauvetage financier de l’Europe – est fortement remise en question.


Dans le jeu de notations, c’est à la France de jouer


C’est un mauvais moment pour la France de jouer au jeu des notations. Les banques françaises sont fortement exposées aux dettes grecque et italienne. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy essaye de faire passer une deuxième tranche de réformes du marché du travail, afin d’augmenter l’âge des retraites.


Entre-temps, les rendements des obligations françaises sont en hausse, tandis que les marchés semblent préparer le pays à une attaque soutenue.


Les dirigeants politiques français ne tombent pas des nuages. « Le gouvernement français est au courant depuis un certain temps que la France est le pays le plus faible parmi tous les pays qui ont une notation AAA dans la zone euro », déclare Thomas Klau, directeur de la succursale de Paris du Conseil européen des relations étrangères. « Maintenant, les marchés ne traitent plus la France comme un pays digne de son AAA » ajoute-t-il.


Standard & Poor’s annonce et puis dément : « On va déclasser la France »


[image:2,s]Les Français ne semblent pas gênés, d’après l’analyste politique Agnès Poirier. « S’il y a quelque chose qui devient agaçant c’est que nos notations sont dictées par des agences incompétentes. »


Le dernier combat du jeu des notations a commencé il y a une semaine, avec la maladresse d’une agence, la Standard & Poor’s. La S&P a envoyé un message à certains de ses abonnés pour annoncer qu’elle allait déclasser la France. L’agence a déclaré après qu’il s’agissait d’une erreur et aucun reclassement n’a été fait. S&P s’est excusée pour l’erreur, mais c’était trop tard. La solvabilité de la France était déjà sur la sellette.


Le Conseil de Lisbonne tire la sonnette d’alarme : « La France est le pays AAA le plus faible de la zone euro »


Mardi dernier, le Conseil de Lisbonne, un think thank basé à Bruxelles, a publié une étude comparative sur la santé économique des pays de la zone euro. Ses conclusions sont assez surprenantes, compte tenu de la crise qui engloutit actuellement l’euro.


Plusieurs pays de la zone euro, selon les données de l’étude, ont déjà pris de mesures importantes pour améliorer leur compétitivité et gagner l’approbation de ceux qui investissent dans les obligations d’État. Même la Grèce a été applaudie pour ses efforts d’ajustement budgétaire et pour avoir baissé les coûts de la main-d’œuvre.


Cependant, la France a reçu une claque. « Les sonnettes d’alarmes devraient être tirées pour la France » indique le rapport. « Parmi les six pays de la zone euro qui ont une notation AAA, la France réalise de loin le plus bas classement… »


L’augmentation du spread met en alerte le gouvernement


L’erreur de S&P, combinée à l’analyse sévère du Conseil de Lisbonne, est un des facteurs à la base de la hausse irrégulière de cette semaine des rendements des obligations de la deuxième économie de la zone euro.


La façon dont les marchés regardent à la dette souveraine française consiste à comparer les intérêts payés par la France à ceux payés par l’Allemagne. Dans la journée de jeudi, cette différence, ou spread, entre les obligations des deux pays, a rejoint son maximum historique depuis l’adoption de la monnaie unique. Si la France perd sa notation AAA, cet écartement va augmenter. Les coûts d’emprunt pour la France pourraient donc être poussés vers la hausse.


La réaction politique au drame des notes a été typiquement française. Les hommes politiques et les observateurs ont dénigré les agences pendant des mois. Maintenant, les politiciens tentent de freiner et de réguler les agences de notation.


La proposition française : limiter le pouvoir des agences de notation


Michel Barnier, commissaire européen chargé de la surveillance des marchés financiers et des agences de notations, a essayé pendant des mois de faire passer des nouvelles lois visant à interdire les notations du crédit des dettes souveraines dans les « circonstances exceptionnelles » comme la crise actuelle. Hier, son idée a été rejetée par ses collègues commissaires à Bruxelles.
L’économiste allemand Holger Schmieding, auteur de l’étude du Conseil de Lisbonne, affirme qu’il est inutile de tirer sur le messager. Schmieding explique : « Les agences de notation ont un mandat très restreint. Elles se limitent simplement à donner leur avis sur les événements qui peuvent survenir concernant la dette d’un pays. »
Schmieding reconnaît que les rapports de notations ont souvent des conséquences qui vont au-delà de leur nature. « Ce qui amplifie leur impact est que certains financiers peuvent seulement acheter des obligations qui ont une certaine cote ou doivent vendre des obligations qui sont déclassées. Donc une agence qui a une fonction originairement consultative devient de facto un arbitre des marchés. »


D’après Schmieding, les réformes devraient chercher des moyens pour limiter cette amplification des retombées des notations.


Monétiser la dette souveraine ? Il n’y a que la BCE qui peut le faire


[image:3,s]C’est plus facile à dire qu’à faire dans un moment où la peur et la cupidité sont dominantes sur le marché des obligations des pays de la zone euro. Les obligations sont vendues par les investisseurs pour peur, tandis qu’elles attirent la cupidité des spéculateurs.
Cependant, la question de savoir pourquoi la France pourrait perdre sa notation AAA semble étrange pour un profane. Dans un moment de ralentissement mondial, la performance économique française n’est pas si mauvaise. Elle est légèrement supérieure à celle de la Grande Bretagne, par exemple, mais l’intérêt que la France doit payer sur ses obligations à 10 ans est d’un tiers plus élevé.


La différence est que la Grande-Bretagne peut « monétiser » sa dette. Autrement dit, la Banque d’Angleterre peut acheter les obligations émises par le gouvernement britannique, qui dispose ainsi de liquidité. La France ne peut pas faire de même car elle fait partie de la zone euro.


Seulement la Banque centrale européenne à Francfort a la force de frappe financière nécessaire pour acheter des obligations françaises dans la quantité nécessaire à maintenir les taux d’intérêt bas. Mais la BCE n’a pas l’intention d’acheter la dette française pour le moment. Elle est trop occupée à acheter des obligations italiennes et espagnoles.


Le débat franco-allemand : quel rôle futur pour la BCE ?


[image:4,s]Cette situation produit des tensions entre la France et l’Allemagne. Il ne s’agit pas d’un genre de tension qui pourrait conduire à la reconstruction de la ligne Maginot, mais d’un débat de plus en plus ouvert sur le rôle de la BCE.
À l’issue d’une réunion qui a eu lieu jeudi dernier à Paris, la porte-parole du gouvernement Valérie Pécresse a déclaré aux journalistes : « Le rôle de la BCE est de garantir la stabilité de l’euro, mais aussi la stabilité financière de l’Europe. Nous lui faisons confiance pour qu’elle prenne les mesures. »
La France souhaite qu’on accorde au Fonds européen de stabilité financière le statut d’une banque. Ensuite, la BCE pourrait prêter de l’argent qui pourrait être utilisé pour acheter la dette souveraine. Le gouvernement allemand est contre ce régime particulier.


Maintenir la notation AAA : une question de fierté nationale


C’est autour de la résolution de ce litige entre France et Allemagne sur le rôle de la BCE qui se jouera, en grande partie, le sort de la zone euro. Mais en attendant, la lutte du gouvernement français pour maintenir sa notation AAA est un moyen utile pour maintenir le pays sur la voie des réformes du marché du travail et du régime des retraites.


L’économiste Holger Schmieding souligne : « Pour la France c’est une question de fierté nationale de ne pas perdre sa notation AAA, lorsque l’Allemagne la maintient. La France pourrait être disposée à prendre les mesures nécessaires pour éviter ça. »


Que la France garde ou non son statut AAA, les marchés semblent déterminés à rendre plus chers les coûts d’emprunt pour le pays. Dans une vente aux enchères d’obligations à 5 ans, dans la journée de jeudi, le rendement a bondi de 49 points par rapport à une vente similaire qui a eu lieu le mois dernier. Les taux d’intérêts sur les obligations à 10 ans ont également progressé dans la même journée.


Global Post/Adaptation Melania Perciballi


 

Quitter la version mobile