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Et si la Grèce sortait de l’euro ?

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La crise gréco-européenne vue de l’Olympe

Ce qui est en jeu

Tension–Réaction–Solution : ce triptyque économico-politique est à l’œuvre au cœur de la crise de la dette, crise de l’euro, crise de l’Europe, crise mondiale. Que dit-il ? Si une tension survient – en l’occurrence la défaillance grecque, mais l’on pourrait tout aussi bien y intégrer la crise européenne globale –, une réaction en naît – opinion inquiète, sommets à répétition, dramatisation du G20, aller-retour du président français vers l’Allemagne –, une solution s’élabore. Mais en fonction des deux paramètres précédents, ladite solution est susceptible de prendre l’allure d’une sortie de crise dont personne – ni États ni opinion – ne voulait à l’origine : en l’occurrence, l’Europe ne sera jamais plus la même qu’avant la crise, et les États qui la composent, jaloux de leur autonomie, envisagent désormais comme bénéfique une Europe fédéralisée à gouvernance centralisée.

Une « solution » qui semblait impensable à l’origine

Autrement dit, la « solution », étrangère à l’esprit des fondateurs d’une Europe d’États associés, apparaît comme la seule, l’unique, la bienfaisante. C’est ce que les tenants des complots de toute nature expliquent quand se déroule sous leurs yeux un scénario Tension-Réaction-Solution : à qui profite-t-il ? Aux partisans d’une centralisation toujours plus grande car génératrice de pouvoir et de richesses. Ces adversaires de la perspective d’une centralisation mondiale en marche ont-ils tort ? Sont-ils victimes d’un pessimisme antihumaniste qui les rendrait suspects ? On peut en douter. Car c’est bien exactement ce qui semble se mettre en place à partir du cas grec : la solution – car il en existe – passera à terme par ce que d’aucuns, spéculateurs, traders, politiques, banquiers espèrent : la perte d’indépendance des États européens. Est-ce bien là l’enjeu grec ? Les opposants lucides à cet implacable mouvement crient déjà à l’anéantissement d’un monde de la diversité. Tandis que les « fédéralistes » voient leurs thèses proches du triomphe : Tension-Réaction–Solution.

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Grèce : oxi ou nai* ?

Oxi : non à l’euro et au plan Sarkozy-Merkel, scénario catastrophe

Arc-boutés sur la solution du plan qui devait s’appliquer, forts de l’accord arraché à Papandréou avant sa volte-face, les opposants au référendum alignent des arguments audibles :

Les Grecs courent un immense danger, alors que la zone euro s’en remettra.

• Voter oxi (non), c’est sortir de l’euro, c’est revenir à la drachme, attendre un vote du Parlement, réimprimer la monnaie, changer les distributeurs, les caisses, les logiciels. Faisable (on l’a bien fait dans l’autre sens), mais long : au moins un an. Et entre-temps ?

Plus d’aide européenne : les salaires chutent encore (estimation 30 %, plus personne n’a de quoi vivre hors fortune personnelle), comme les retraites, et les services publics sont laminés.

Les avoirs sont retirés des banques pour filer à l’étranger : faillites à la chaîne.

• Certes, les Grecs ne remboursent plus leurs monceaux de dette, mais personne ne leur prête : c’est l’asphyxie.

La drachme est dévaluée, les importations atteignent des prix inabordables.

Les troubles sociaux sont inévitables.

Pendant ce temps, la zone euro perd un marché de 2 % de son économie… Supportable. Même pas mal ? Si, bien sûr ! La sécession grecque ébranle un euro déjà fragile : l’effet domino menace. Moralité : amis grecs, votez nai (oui), et vous, Papandréou, rentrez dans le rang.

* Oxi signifie « non », nai, « oui ». Et le pire, c’est que les Grecs accompagnent leur oxi d’un mouvement de la tête de haut en bas, et horizontal pour dire « oui » ! Décidément, ils nous cherchent, les Grecs !

Non à l’euro, scénario grec

Incontestablement, la liste des maux des tenants de l’orthodoxie européenne n’a rien d’illusoire : les dominos peuvent tomber en ce sens. Mais ces scénaristes oublient que le plan imposé à la Grèce n’est pas plus souriant aux Grecs.

Depuis 2010, le PIB grec s’effondre de 5 % par an. Les plans de rigueur dûment appliqués risquent – euphémisme – d’aboutir ni plus ni moins au même écroulement de l’économie.

Même allégée de 100 milliards, la dette sera vraisemblablement insoutenable. Il ne suffit pas de déléguer une troïka, nouveaux maîtres financiers, pour la garantir : la population grecque est déjà à la limite de sa future pauvreté.

• Un retour à la drachme ? Restructurée en drachme, pense l’économiste Philippe Murer, professeur à La Sorbonne, la dette restructurée est plus soutenable.

La Banque centrale grecque la rachète.

• Le gouvernement peut alors soulager la rigueur qui, de toute façon, va mettre le pays à genoux, quoi qu’on fasse.

• C’est le seul moyen de relancer l’activité industrielle.

« La Grèce n’a aucune chance de payer sa dette en restant dans l’euro, sauf restructuration majeure, mais les gouvernements européens savent que la sortie de l’euro pourrait être le début de la fin pour l’euro », alerte l’économiste opposé au plan qu’il juge suicidaire. Dans son scénario de l’espoir, le financement par la Banque centrale grecque rend la dette soutenable, donc au final remboursée. La drachme, dévalorisée de l’ordre de 50 à 70 % par rapport à l’euro, rend les biens exportables du pays très attractifs. À commencer par son bien le moins exportable mais vital, le tourisme : se rendre en Grèce et y passer ses vacances devient une merveilleuse affaire ! Du coup, la balance commerciale grecque quitte la zone rouge.

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L’immense incertitude du moment, c’est que la « réalité » se dilue forcément dans le mélange des deux scénarios. En faveur du second, en revanche, une certitude : le scénario 1 ne peut pas à la fois sauver l’euro et les Grecs. C’est sans doute ce qu’a compris Georges Papandréou dans un sursaut de lucidité, à la fois pour son pays et pour son devenir personnel.

La fermeté affichée au G20 est peut-être le plus grand danger que court l’Europe. Mais elle est sans doute le reflet des tenants du triptyque Tension-Réaction-Solution : dans la crainte que la « Solution » ne soit pas la leur.

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