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G20 : qui dirige ?

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[image:1,l]Qui dirige ici ? C’est la question qui s’impose quand on observe le déroulement du sommet du G20 de Cannes. L’économie mondiale doit faire face à la plus grave crise depuis l’effondrement de Lehman Brothers en septembre 2008 et, il convient de l’admettre, il n’y a pas de réponse évidente à la question qui précède.


Qui dirige ? Les gouvernements ?


Bis repetita…


[image:4,s]En avril 2009, j’ai couvert une réunion similaire du G20 à Londres pour GlobalPost. C’était la première fois que les dirigeants des plus grandes économies au monde se retrouvaient depuis la faillite de Lehman Brothers, six mois plus tôt.


À l’époque, l’accord final pris par les chefs d’État et de gouvernement appelait à la mise à disposition du FMI de ressources supplémentaires pour un montant de 1 100 milliards de dollars afin de stimuler la croissance mondiale.


Aujourd’hui, les responsables essaient de trouver davantage encore pour le seul soutien aux pays de l’eurozone. La semaine dernière, ces pays sont convenus d’un plan de sauvetage taillé pour que la Grèce rembourse sa dette et établissant des protections contre la menace d’un effondrement de l’Italie, à travers le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le FMI est impliqué dans cette stratégie.


L’opacité autour de la contribution du FMI


Comment ? Ni la directrice générale du Fonds, Christine Lagarde, ni aucun dirigeant politique n’ont expliqué de manière adéquate ce que sont les engagements pris par le FMI. Quoi qu’il ait été convenu en principe, le FMI va avoir besoin que ses membres lui donnent davantage d’argent.


Comment ? Selon quels mécanismes ? Quand les gouvernements paieront-ils ?


Autant de G20 que de coups pour rien


Le sentiment que les dirigeants se retrouvent lors de sommets du G20, prennent des engagements, puis ne parviennent pas à les honorer est de plus en plus palpable. Il renforce aussi l’impression selon laquelle présidents, premiers ministres et ministres des Finances ne sont pas véritablement aux manettes.


Le réel pouvoir, du côté des banques


Peut-être que dans une économie globalisée, ce sont les grandes institutions financières mondiales, comme la Barclay’s – de tradition britannique mais dirigée par un Américain, Bob Diamond – dont la parole a le plus de poids. Jeudi, dans une interview à la BBC, il a affirmé qu’une banque européenne majeure pourrait s’écrouler durant cette crise et qu’il conviendrait de se préparer à en gérer les conséquences.
Il a prononcé ces mots alors même que BNP Paribas annonçait une chute de 72 % de ses profits au troisième trimestre. Pour stopper l’hémorragie, BNP a déclaré qu’elle annulait 60 % de la dette grecque en sa possession. La banque a aussi annoncé qu’elle se séparait de ses avoirs dans les dettes italiennes, espagnoles et irlandaises. À la suite de l’annonce, ses actions ont fait un bond de 7 %.
Quel dommage que les gouvernements ne puissent pas agir de manière aussi décisive !


La BCE en prêteur de dernier recours


Le G20 doit répondre à une autre question : si ce n’est pas le FMI, qui donc peut faire office de prêteur de dernier recours ?
C’est la question posée hier par Mario Draghi, le nouveau gouverneur de la Banque centrale européenne. La première décision prise dans ses nouvelles fonctions a été de baisser d’un quart de point les taux d’intérêt.


[image:2,s]Des analystes, comme Nouriel Roubini, plaident depuis un moment pour que la BCE agisse dans ce sens. Comment stimuler la croissance autrement qu’en préservant la possibilité d’emprunter à bas coût ? La Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre ont maintenu les taux d’intérêts à un niveau bas depuis un certain temps pour soutenir la croissance. Il aura fallu tout ce temps pour que la BCE suive le mouvement.
Par un tweet, Roubini a déclaré que Draghi avait pris un bon départ. Mais je me demande ce que cet oiseau de mauvais augure a fait du commentaire du gouverneur de la BCE lors de la conférence de presse qui a suivi. Draghi était interrogé sur le point de savoir si la BCE devait racheter les obligations des pays de l’eurozone si personne d’autre n’en voulait. Sa réponse n’a laissé aucune place au doute : « Non ». Selon lui, les gouvernements ne devraient pas compter sur une aide « extérieure » pour rééquilibrer leurs finances. Ensuite, il a échangé les rôles et demandé aux journalistes s’ils pensaient que la BCE devait être le prêteur de dernier ressort. La question était purement rhétorique. Draghi est un pur orthodoxe dès qu’il s’agit de la charte de la BCE qui interdit à la banque de faire fonctionner la planche à billet pour stimuler la croissance des économies de la zone.


Envisager l’abandon de l’euro par la Grèce


Ce qui nous ramène au G20. Comment les membres du G20 peuvent-ils contribuer à la croissance mondiale quand la principale zone commerciale au monde, l’Union européenne à 27, glisse, plus ou moins doucement, vers la récession parce que les 17 pays utilisant l’euro plongent dans le chaos – 17 ou 16, d’ici peu, si la Grèce fait faux bond ?
Draghi prétend que cette issue est impossible parce que le traité à l’origine de la création de l’Union monétaire ne prévoit pas de dispositifs pour la quitter.
Voici une approche bien terre à terre de la réalité. Facile pour Draghi qui n’a pas à répondre de ses actes devant les électeurs et est assuré d’un mandat de huit ans. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel doivent prendre en compte leur électorat – dès le printemps suivant, pour ce qui est du président français. Hier, ils ont évoqué la possibilité d’autoriser la Grèce de quitter l’euro.
Perspective encore bien improbable, mais plus autant qu’il y a 96 heures.


Ce qui paraît le plus probable, c’est que dans les douze prochains mois l’Union européenne va profondément changer, tant pour des raisons de logique que de politique.


David Cameron face à un dilemme


[image:3,s]La politique d’abord. Si le FMI est appelé à la rescousse pour aider à préserver la solvabilité de la zone euro, quels effets sur le Premier ministre britannique David Cameron ? Il a promis à ses troupes du Parti conservateur que pas un penny britannique ne contribuerait au sauvetage de la zone euro. Mais il figure parmi les dirigeants qui essaient de convaincre les États de contribuer davantage au financement du FMI. Le Financial Times a publié une déclaration de Cameron au G20 : « Lorsque le monde est en crise, il est normal d’essayer de renforcer le FMI, une organisation fondée par le Royaume-Uni et dans laquelle nous jouons un rôle moteur. »
Une telle attitude crée de l’agitation au sein de son parti. Ses partisans ne se laissent pas tromper par les mots doux du Premier ministre. Les versements britanniques supplémentaires au FMI vont aller à la Grèce et à l’Italie, n’essayez pas de nous mener en bateau, c’est la meilleure façon de résumer la manière dont réagissent les conservateurs. La déclaration faite vendredi par Silvio Berlusconi, selon laquelle il acceptera le contrôle par le FMI de la mise en œuvre de son plan de réforme du système de retraite ne changera rien au sentiment anti-européen de la base conservatrice.


Vers une UE à deux vitesses


Il s’agit d’un dilemme politique pour Cameron et d’autres dirigeants de l’Union européenne dont les pays ne sont pas membres de la zone euro. Ce qui nous amène à un raisonnement logique : clairement, les 17 pays de l’eurozone sont davantage liés les uns aux autres que les 10 autres. Il est peut-être temps de reconnaître cet état de fait par un nouveau traité qui crée une Europe à deux vitesses. Un cœur à 17 (ou 16 sans la Grèce) et, autour, 10 autres pays, et peut-être plus, unis dans un bloc commercial. Ce qui fait sens. Raison pour laquelle, évidemment, ça ne se produira sans doute jamais !


À Cannes, l’essentiel des participants ont gardé les yeux rivés sur la Grèce, dans l’attente d’un vote de confiance au Parlement. Les spéculations allaient bon train sur l’avenir politique de Georges Papandréou. Les dirigeants des plus grandes économies au monde comme pris en otage par un drame politique dans un pays minuscule à l’échelle de leurs propres pays…


Est-ce que ça veut dire qu’à la question posée – Qui dirige ? – la réponse est : la Grèce ?


[image:5,s]Michael Goldfarb est le correspondant à Londres de GlobalPost, le partenaire américain de JOL Press


 

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