Site icon La Revue Internationale

La démocratie, victime de la crise?

berlu.jpgberlu.jpg

[image:1,l] À Athènes, le nouveau Premier ministre s’appelle Lucas Papademos, un homme intelligent qui ne devrait pas laisser les partis politiques mener la Grèce à la faillite. Nommé vendredi 11 novembre, il a été chargé d’assurer la reprise. Il a remplacé George Papandreou, forcé à démissionner après avoir proposé que les électeurs grecs s’expriment par référendum sur le plan de sauvetage.
En Italie, le Premier ministre Silvio Berlusconi a, lui aussi, démissionné samedi. La semaine dernière, il avait constaté qu’il ne constatait plus d’une majorité parlementaire, au moment même où les coûts des emprunts pour financer la dette italienne grimpaient à des niveaux jamais atteints, et durablement insoutenables. Dimanche 13 novembre, Mario Monti, économiste respecté et ancien commissaire européen, a pris sa place.

[image:2,s]

Les marchés accueillent plutôt favorablement les nouveaux leaders. 

Les marchés ont salué l’arrivée de ces nouveaux chefs de gouvernement. Les indices ont remonté lorsque la Grèce a donné l’impression de sortir de cette crise politique. Et la pression sur les obligations italiennes s’est allégée, dès la fin de la semaine, lorsque le départ de Berlusconi est apparu proche et que le nom de Mario Monti a commencé à circuler pour le remplacer.
Les investisseurs apparaissent rassurés par Papademos et Monti, car ils sont considérés comme des interlocuteurs fiables et compréhensifs. Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel – qui tiennent les rênes du fonds de sauvetage de la zone euro – les soutiennent pour des raisons similaires.

Des technocrates non élus

Evidemment que, sur le plan des principes, leur nomination peut susciter un certain scepticisme : personne n’a voté pour eux. Ce sont des technocrates non élus appelés à gouverner en pleine tempête.
De l’avis général, il s’agit d’une solution provisoire. Et de nouvelles élections se tiendront dans les prochains mois en Grèce et, au plus tard, dans un an et demi en Italie. Cela n’empêche pas certains de crier au loup et d’en appeler à la défense de la démocratie mise en danger par les conséquences d’une crise économique sans précédent.
[image:3,s]« Nous n’avons pas une réelle démocratie en Grèce » dénonce Stratos Georgulas, un sociologue de l’université de Aegean. « Les seules personnes qui pensent que Lucas Papademos soit la meilleure personne pour gouverner le pays sont les banquiers, les capitalistes et les médias. Il n’est pas un homme politique. Il est un banquier. Il n’est pas un d’entre nous. »

Et la souveraineté populaire ?

Les développement en Grèce et en Italie ont réveillé les sempiternelles critiques visant l’Union européenne et selon lesquelles elle ne prendrait pas en considération la volonté populaire, et cela plus encore depuis le déclenchement de la crise de la zone euro. 
Certains observateurs, dont Trevor Evans, professeur d’économie à l’Ecole d’économie et de droit de Berlin, affirment qu’un petit groupe de négociateurs est en train de prendre les rênes de l’Europe. D’après Evans, on assiste à « un virage vers un modèle non démocratique et autoritaire de prise de décision sur les politiques économiques en Europe. La démocratie économique a été suspendue en Grèce, au Portugal et en Irlande. » En songeant aux pays qui ont fait l’objet de plans de renflouement, Evans ajoute : « Leurs dirigeants n’ont aucun pouvoir sur ce qui est en train de se passer. C’est un problème réel pour la légitimité des institutions. »

Le groupe de Frankfurt tient les rênes de l’Europe

Le groupe de négociateurs connu comme « groupe de Frankfurt » inclut Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, le président de la BCE Mario Draghi, la directrice du FMI Christine Lagarde, les leaders de la Commission européenne, les ministres des Finances de l’eurogroupe et le Conseil européen. Pendant la crise de la zone euro, ils ont structurés des plans de sauvetage qui comportent des conditions strictes, comme les mesures d’austérité qui rendent les gouvernements bénéficiaires impopulaires auprès de leurs citoyens. Les dirigeants qui les défient – même au nom de la démocratie – le font à leur risque et péril. George Papandreou peut en témoigner…

Le défi insoutenable de Papandreou

[image:4,s]Papandreou, las de négocier l’adoption de mesures d’austérité avec sa majorité réduite, avait demandé un référendum quelques jours après la fin des négociations à Bruxelles d’un plan de sauvetage de 130 milliards d’euros comprenant notamment la réduction de 50% de la dette grecque détenue par les créanciers privés.
En réponse, Merkel et Sarkozy ont convoquée une réunion d’urgence avec le premier ministre grec. Un vote négatif au référendum aurait menée la Grèce à la faillite et aurait probablement remis en cause l’existence même de l’euro. A la veille de la rencontre, Papandreou avait expliqué que son message signifiait que les décisions doivent être prises « de façon à assurer que la démocratie l’emporte les desiderata du marché. » Il avait ajouté que les agences de notation « ne peuvent pas avoir plus de pouvoir que les parlements. » Mais quand ils l’ont averti que la Grèce pouvait être exclue de la zone euro, et que d’ici à la consultation elle ne recevrait aucun des versements prévus, Papandreou a abandonnée l’idée du referendum. Ayant perdu tout capital politique, il a annoncé sa démission.
Papademos, un économiste formé au MIT, est ancien vice-président de la Banque centrale européenne. Il a été aussi un ancien gouverneur de la Banque de Grèce et a supervisé le passage de la Grèce à la monnaie unique. Maintenant, son travail consiste à s’assurer que le gouvernement approuve – et mette en oeuvre – le plan de sauvetage.

Les derniers jours de Berlusconi

[image:5,s]Même Berlusconi a dû répondre devant ses partenaires européens de son incapacité à mettre en œuvre les réformes absolument nécessaires, et pour avoir ainsi laissé la troisième économie de l’UE face au risque d’être incapable de refinancer sa dette en raison de coûts d’emprunt trop élevés. Le milliardaire italien s’est emporté, lors d’une déclaration du 24 octobre: «Personne dans l’Union ne peut se auto-désigner administrateur et parler au nom des gouvernements élus et des peuples d’Europe. Personne n’est en mesure de donner des leçons à ses partenaires.  » Deux semaines plus tard, il était sur le chemin de départ. Son successeur, Mario Monti, ancien commissaire européen, a désormais pour mission de regagner la confiance du marché et de superviser les réformes.

De la démocratie représentative

Même s’ils n’ont pas été directement élus par le peuple, au suffrage universel direct, Mario Monti et Lucas Papademos ne peuvent pas du seul fait de la manière dont ils ont accédé au pouvoir être qualifiés d’imposteur, de pantins ou d’apprentis dictateurs. Forcément, à une époque où toutes les opinions se valent, où chacun considère comme une liberté fondamentale le droit de s’exprimer, de faire entendre sa voix – au risque même de n’avoir rien à dire -, la démocratie n’est plus acceptable que si elle est directe. Comment peut-on nommer un premier ministre en Grèce sans solliciter l’avis de Madame « Papa-je ne sais quoi » au fin fond du Péloponnèse ou un président du conseil en Italie sans l’avis de « Monsieur Dupont-avec un i » quelque part en Calabre ou Ligurie ? Et bien pour une raison simple, ce monsieur et cette dames, ainsi que leurs compatriotes, ont élus des représentants, députés, sénateurs, députés européens… et que c’est à travers leurs représentants, dans le cadre prévu par les institutions, que le jeu démocratique s’exerce. Ni Mario Monti, Ni Lucas Papadémos, ni aucun autre dirigeant européen n’a, pour l’instant, sollicité de pouvoirs extraordinaires pour faire face à une situation pourtant extraordinaire, pas une élection repoussée, pas une assemblée dont les pouvoirs ont été court-circuités. Au contraire… comme en Allemagne où Angela Merkel ne peut prendre aucune décision sur l’euro sans consulter le Bundestag !
Le temps de juger de l’action conduite par els dirigeants euopéens actuellement en place viendra… et c’est sans doute à ce moment-là qu’il y aura le plus à craindre pour la démocratie. Même s’il convient d’avoir la foi dans la sagesse populaire…

En conclusion : le cri d’alarme d’Angela Merkel

[image:6,s]Angela Merkel, lors d’un récent discours devant le Parlement allemand, a déclaré notre époque dangereuse. Selon la chancelière, si elle n’est pas maitrisée, la crise pourrait provoquer une récession mondiale et entrainer l’effondrement de l’UE : « Si l’euro échoue, l’Europe échoue. » Et l’Europe, c’est la paix…

Global Post / Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press

 

 

 

Quitter la version mobile