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La droite remporte la majorité absolue aux élections législatives

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[image:1,l]Dimanche 20 novembre, 36 millions d’électeurs espagnols ont été appelés à élire 350 députés et 208 sénateurs, parmi plusieurs milliers de candidats représentant une vingtaine de partis nationaux ou régionaux. Le scrutin a eu lieu avec quatre mois d’avance sur le terme légal de la législature en cours, mars 2012. Fin juillet, quelques signes d’amélioration sur le front économique et une légère remontée de son parti, le Parti socialiste ouvrier espagnol, ont convaincu José Luis Rodriguez Zapatero de l’opportunité d’anticiper ces élections. L’accalmie a été de courte durée…

L’Espagne cherche un successeur au socialiste José Luis Zapatero

[image:2,s]Zapatero est un précoce. Député à 26 ans, il quitte volontairement le pouvoir à 51 ans. Président du gouvernement depuis la victoire de son parti aux élections générales de mars 2004, il a annoncé en début d’année son intention de ne pas solliciter un troisième mandat.
« La crise a entraîné une perte de confiance totale dans Zapatero » depuis le premier plan d’austérité en mai 2010, « alors qu’il était arrivé au pouvoir avec un capital de confiance très élevé », remarque le politologue Josep Ramoneda. « Cela a été une chute sans limite, il n’a plus jamais récupéré. »
Depuis, il apparait comme un dirigeant faible : sa cote de popularité n’a cessé de chuter et les socialistes ont essuyé un cuisant revers lors des élections régionales de mai.

Lundi matin, mais plus probablement dès dimanche soir, l’Espagne aura à sa tête un nouveau premier ministre, un socialiste ou un conservateur.

Un duel entre socialistes et conservateurs

[image:3,s]Côté gauche, chez les socialistes. Alfredo Perez Rubalcaba, ministre de l’intérieur depuis 2006 et numéro deux du gouvernement depuis 2010, a été désigné, le 18 juin, candidat officiel du PSOE. A 60 ans, cet universitaire, ancien haut-fonctionnaire, est un des derniers rescapés de l’époque de Felipe Gonzalez, qui dirigea le pays de 1982 à 1996. C’est celui-ci qui l’a nommé la première fois ministre – de l’éducation nationale – en 1992.

Côté droit. Mariano Rajoy, après deux défaites cinglantes en 2004 et 2008, mène pour la troisième fois le Parti populaire à la bataille. Ce grand brun à la barbe grise et aux lunettes rectangulaires, peu connu à l’étranger,  a su rassembler autour de lui. Discret mais téméraire, il a été élu député régional à 26 ans, avant de grimper les échelons jusqu’à devenir l’un des hommes de confiance de José Maria Aznar, chef du gouvernement de 1996 à 2004, qui l’adoubera pour lui succéder.
Plusieurs fois ministre, Rajoy se forge une image de médiateur hors pair et de bouclier inébranlable face au déluge de critiques sur la gestion désastreuse de la marée noire du Prestige en 2002 et l’entrée de l’Espagne dans la guerre en Irak, en 2003. Gommant peu à peu son image de conservateur pur et dur, il se présente comme un dirigeant «prévisible, patriote, indépendant, modéré», par contraste avec «l’inconstance» et la «frivolité» supposées de Zapatero.

La victoire écrasante du Parti populaire de Mariano Rajoy

Sous le slogan « Rejoins le changement », Mariano Rajoy n’a cessé de dénoncer l’incapacité du gouvernement à juguler le chômage tandis que son adversaire se posait en défenseur des services publics comme la santé et l’éducation, frappés par des coupes budgétaires dans plusieurs régions gouvernées par la droite.

La stratégie de Rajoy a fonctionné. Lundi 14 novembre, il est sorti grand vainqueur du débat face à Rubalcaba, confortant ainsi sa position de grand favori pour le scrutin de dimanche prochain. A la question « qui selon vous a gagné le débat? », 46% des réponses vont à Mariano Rajoy contre 41% à Alfredo Perez Rubalcaba, selon un sondage express réalisé par le quotidien de centre-gauche El Pais dans les minutes qui ont suivi la fin du débat.
Dans un autre sondage publié par El Mundo, Rajoy est déclaré vainqueur par 51,4% contre 44,2%. Selon le quotidien de centre-droit, le candidat socialiste s’est d’ailleurs comporté comme s’il était « acquis que Rajoy va remporter les élections ».
« Le chef du PP dépasse un candidat socialiste qui s’est limité à l’observer comme s’il s’agissait du débat d’investiture », écrit de son côté le journal de droite ABC. Rubalcaba, selon ABC, a « donné l’image d’un candidat nerveux qui se comporte comme s’il était acquis que Rajoy sera président ».

Depuis plusieurs semaines, les sondages donnent une large majorité au Parti populaire. Les électeurs s’apprêtent à sanctionner violemment les socialistes. Selon une vaste enquête, publiée vendredi 11 novembre, par le Centre d’Enquêtes sociologiques, un organisme public indépendant, les socialistes s’acheminent vers une défaite historique, avec 29,91% des intentions de vote contre 46,60% au PP.

L’économie en tête des préoccupations des électeurs

[image:6,s]Comment faire campagne lorsque l’Europe s’effondre sous vos pieds, que 21,52 % de la population active est au chômage, et que chaque jour qui passe apporte des nouvelles économiques toujours plus inquiétantes ?
C’est bien sur l’économie  que les socialistes seront défaits. Les réformes introduites par le gouvernement Zapatero n’ont pas permis de résoudre les difficultés. Selon la Banque d’Espagne, l’économie espagnole a affiché une croissance de zéro pour cent au troisième trimestre, rendant impossible de remplir les objectifs de réduction des déficits.
Le Ministre du travail a déclaré, jeudi 10 novembre,  que le nombre de demandeurs de prestations de chômage avait augmenté de plus de 134.000 le mois dernier, portant à 4.360.926 le nombre total de prestataires. Quelques 4.978.300 personnes n’ont pas d’emploi en Espagne, mais certaines d’entre elles ont épuisé les prestations de chômage auxquelles elles avaient le droit.

Un nouveau coup de pression sur les marchés

L’Espagne vivait, mardi 15 novembre, une deuxième journée de tension sur les marchés. Signe que la méfiance de ces derniers montait, la prime de risque, différence entre le taux des obligations à 10 ans de l’Allemagne et de l’Espagne, a atteint un nouveau sommet depuis la création de la zone euro, à 452,3 points de base, effaçant le record de la veille. Le taux à 10 ans espagnol est resté lui à un niveau dangereux, à 6,3%.
Dans ce climat de tension, le pays a lancé une nouvelle émission obligataire, un rendez-vous très attendu puisqu’il allait permettre de voir si vraiment les marchés ont donné un vote de confiance au pays ou s’il continue d’être dans la première ligne de feu.  
La conclusion ne pouvait être plus claire: le Trésor a émis pour 3,158 milliards d’euros de bons à 12 et 18 mois, mais a dû concéder des taux supérieurs à 5%, un record depuis 2000, selon les médias espagnols.
L’Espagne continue à être dans la ligne de feu et affrontera, jeudi 17 novembre, un nouveau test, espérant emprunter 3 à 4 milliards d’euros d’obligations à dix ans.
De son côté, la Bourse restait elle dans le rouge.

Certains prétendront que les marchés ont choisi leur camp… Rien n’est moins sûr. Le message d’austérité s’adresse de la même manière à l’ensemble de la classe politique, de gauche comme de droite. En Espagne comme dans le reste de la zone euro.

Un message clair au nouveau président du gouvernement

Ce message clair s’adresse « au gouvernement qui sortira vainqueur des élections de dimanche et qui sera forcé d’adopter des mesures pour réduire le déficit public », estiment les analystes de la maison de courtage Link Securities. Le leader du Parti populaire, Mariano Rajoy, l’a pris pour lui et a décidé d’y répondre…

Mardi 15 novembre, dans un entretien au journal El Mundo, il a affirmé que sa « priorité est de donner un message de confiance aux marchés ». Son plan d’action est prêt : « Peu après (l’investiture), je présenterai un premier plan de mesures économiques », a-t-il dit.
[image:4,s]Le gouvernement n’aura de toute façon que peu de temps pour agir car la pression des marchés ne diminuera pas. « L’une des premières lois » que prévoit Mariano Rajoy, selon ses déclarations, fixera une limite chiffrée du déficit structurel à 0,4% à partir de 2020, en prolongement de la réforme constitutionnelle de la « règle d’or » budgétaire adoptée en septembre par le Parlement espagnol.
Le leader conservateur veut aussi se réunir avec les 17 régions du pays, dont la mauvaise situation financière est une source récurrente d’inquiétudes pour les marchés, pour leur « parler de plafond de dépense et d’endettement ». Une réponse qui se veut claire à un message clair : l’Espagne prend au sérieux la question du déficit public.
Et Mariano Rajoy entend convaincre qu’il est l’homme de la situation.
Le journal El Economista révélait, mardi, que le leader de droite se serait déjà rendu à deux reprises en Allemagne pour rencontrer la chancelière Angela Merkel et lui expliquer son programme, qui inclurait une réduction de la dépense publique de 30 milliards d’euros.
Mais il aurait aussi, selon la même source, commencé à négocier les conditions d’une aide financière de l’Union européenne à l’Espagne, qui pourrait avoir besoin de jusqu’à 100 milliards d’euros, afin de refinancer sa dette publique et recapitaliser son secteur bancaire.

Les « Indignés » peinent à mobiliser

[image:5,s]Sifflets, tambours et slogans rythmés repris en chœur… environ un millier d’ « Indignés » ont tenté dimanche 13 novembre, à Madrid, non loin de la Puerta del Sol – où leur mouvement est « né » – de faire entendre leur voix. En vain. Lors de la campagne des municipales de mai, ils avaient réussi à mobiliser plusieurs dizaines de milliers de manifestants. Là, rien, enfin, rien de comparable.
« Le problème de ces mouvements, c’est qu’ils se condamnent d’une certaine façon tout seuls en refusant de chercher une forme d’articulation politique », souligne Josep Ramoneda, politologue et éditorialiste. « Quand ils trouvent un sujet et lui donnent une certaine visibilité, cela a bien fonctionné. Mais quand ils se limitent à formuler des critiques, le mouvement finit par perdre du poids », analyse-t-il.
Et pourtant, le contexte de crise, les incertitudes quant aux effets à attendre d’une alternance, le ras-le-bol devant les difficultés de la vie quotidienne… tout cela devrait favoriser les mouvements minoritaires, a fortiori protestataires. L’Espagne, encore marquée par le souvenir de la dictature franquiste et les excès du terrorisme indépendantiste, basque en particulier, a, hormis quelques tentations irrédentistes,  une vie politique très paisible, mesurée, peu favorable aux aventures extrémistes.
Le score de ces formations « secondaires », le niveau du vote blanc et de l’abstention, au-delà même de la victoire attendue du Parti populaire et de Mariano Rajoy, seront des facteurs très instructifs pour mieux comprendre l’état de l’opinion espagnol – et tenter d’en tirer des leçons applicables au reste de l’Europe.

Car, une chose est sûre, si sa victoire est désormais acquise, Mariano Rajoy doit s’interroger sur la meilleure façon de la célébrer. Maitre-mot, là aussi, rigueur et austérité

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