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La Loya Jirga, une arme pour Hamid Karzaï ?

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La Loya Jirga a une autorité très limitée


[image:3,s]La Loya Jirga est une institution traditionnelle afghane inscrite dans la Constitution comme étant « la manifestation suprême du peuple afghan ».
Elle peut être appelée dans des cas très précis : pour prendre des décisions sur des questions liées à l’indépendance, la souveraineté nationale, l’intégrité territoriale, les intérêts supérieurs du pays, pour modifier la Constitution ou pour destituer le président.
Hamid Karzaï a annoncé qu’il voulait rassembler la Jirga afin d’obtenir des avis sur deux questions importantes : la construction de la paix et l’avenir du partenariat stratégique américain en Afghanistan.


Cependant, la Loya Jirga est censée avoir une autorité très limitée dans ces deux sphères.


Décider des relations entre Afghanistan et États-Unis


[image:6,s]En fait, l’ambassade américaine a déjà indiqué à la Loya Jirga qu’elle n’avait aucune autorité sur l’accord de partenariat stratégique qui est en cours de négociation à Kaboul ces jours-ci. « La Loya Jirga n’est pas un organe de décision », déclarait l’ambassadeur américain adjoint en Afghanistan, James Cunningham lors d’une conférence de presse à Kaboul, le 1er novembre.
Les pourparlers de partenariat stratégique sont censés apporter un éclairage sur l’avenir des relations entre États-Unis et Afghanistan après le retrait annoncé des forces américaines, qui s’achèvera en 2014. Beaucoup d’Afghans, et la plupart des voisins du pays, sont farouchement opposés à une présence militaire américaine continue. Et les États-Unis ont quelques difficultés à apaiser leurs craintes. «  Nos objectifs sont clairs […] il n’y a aucune menace qui pourrait inquiéter les voisins de l’Afghanistan » déclarait James Cunningham à la presse.
Mais les négociations se sont confrontées aux questions du contrôle des prisons et des raids de nuit. Hamid Karzaï veut l’arrêt des missions de captures et de meurtres, qui enflamment l’opinion publique et fournissent des relations publiques gratuites à l’insurrection. De leur côté, les États-Unis insistent pour affirmer qu’ils sont l’un des outils les plus efficaces dans l’arsenal de contre-insurrection.
Hamid Karzaï veut également que les prisons, comme Bagram soient remises sous contrôle afghan. Sur cette question les Américains sont méfiants, compte tenu des allégations récurrentes sur l’usage de la torture.
Les discussions concernant ce partenariat stratégique continuent. Quelles que soit les conclusions de la Loya Jirga, il est peu probable qu’elle ait une influence significative sur le processus.


Les Talibans et le Parlement sont farouchement opposés à cette assemblée


[image:2,s]Les Talibans, quant à eux, ont menacé de s’attaquer à tous ceux qui y participeraient.
Samedi 12 novembre, ils ont publié ce qu’ils prétendent être le dispositif de sécurité de la Loya sur leur site web , ils déclaraient être en train de s’en servir pour améliorer leur plan d’attaque.
Le gouvernement afghan a d’abord annoncé que le document était un faux avant d’admettre qu’il était peut-être vrai, mais qu’il n’était, dans tous les cas, plus à jour. Les mesures de sécurité ont été améliorées. Les délégués ont des cartes d’identité avec photos hologramme, et de nombreux points de contrôle ont été installés dans toute la ville. Le souvenir d’un rassemblement similaire pendant l’été 2010 est encore brûlant. La Loya Jirga avait été attaquée avec des roquettes et un homme en burqa s’était introduit dans la tente portant un RPG dans ses bras, camouflé comme s’il s’agissait d’un bébé.
Malgré ces mesures, des Talibans ont tiré deux roquettes sur Kaboul jeudi 17 novembre, dont l’une a explosé tout près du site ou est réunie la Loya Jirga.


Les Talibans montrent peu d’intérêt aux négociations de paix. L’assassinat de Burhanudin Rabbani, le chef du Haut Conseil de Paix en septembre dernier, dont le rôle était de permettre une ouverture vers les Talibans, a démontré que la réconciliation n’est pas une de leurs priorités.
Le Parlement, lui aussi, ne voit pas la Loya Jirga d’un très bon œil. Ils estiment que les questions de souveraineté nationale, de guerre et de paix, sont de leur ressort. Pour eux, ce n’est qu’une tentative d’Hamid Karzaï de nuire encore un peu à l’autorité du Parlement. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs décidé de le boycotter. « L’objectif de la Loya Jirga traditionnelle est d’affaiblir le rôle de la Wolesi Jirga (Chambre basse du Parlement) et d’autres entités juridiques », déclarait Asadullah Sadaati, un membre du Parlement. « Les parlementaires ont décidé de ne pas assister à la Jirga et ceux qui s’opposent aux décisions légales du Parlement s’opposeront à la loi », ajoutait-il.


Restaurer l’image d’Hamid Karzaï


[image:5,s]D’autres délégués comme les chefs des conseils provinciaux et de districts seront présents. L’Afghanistan ne possède pas encore tous ses conseils de district. Ce qui sera l’occasion pour Hamid Karzaï de nommer près de 400 délégués en toute discrétion. Les anciens des tribus et des représentants de la société civile ont également été largement invités, donnant à  Hamid Karzaï un contrôle sur 2 030 membres de la Loya Jirga.


« Les membres de cette Loya Jirga ne peuvent pas représenter le peuple afghan parce que la majorité des participants sont choisis par le président Karzaï » déclarait Faizullah Jalal, professeur de sciences politiques à l’Université de Kaboul. Selon Faizullah Jalal, Hamid Karzaï veut utiliser la Loya Jirga pour renforcer son image devant la communauté internationale en prévision de la conférence de Bonn 2 prévue en Allemagne début décembre. « Le président veut mettre une pression politique sur l’Occident et montrer sa puissance à ses partisans internationaux. »D’autres craignent encore que le président essaye de changer la Constitution avec la Loya Jirga afin de modifier une disposition qui limite la présidence à deux mandats. Le mandat d’Hamid Karzaï prend fin en 2014, il a toujours dit qu’il quitterait ses fonctions lorsqu’il expirerait. Mais nombreux sont ceux qui croient qu’il va essayer de rester au pouvoir aussi longtemps que possible.


La tentation autocratique d’Hamid Karzaï


[image:4,s]Récemment Hamid Karzaï s’est fait mal voir par la communauté internationale, en faisant des déclarations qui ont heurté Washington. Lors d’une entrevue avec la télévision pakistanaise GEO, il déclarait que l’Afghanistan se rangerait aux côtés du Pakistan dans le cas d’un conflit avec les États-Unis. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Janan Mosazai et la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, ont tenté de rattraper la situation, en déclarant que les remarques du président afghan avaient été prises hors de leur contexte et donc mal comprises.
Il y a quelques mois, lors d’un dîner à Kaboul, de hauts fonctionnaires et des législateurs n’avaient pas beaucoup de choses à faire, à part se moquer du président. Ils plaisantaient au sujet de sa vanité et de sa paranoïa croissante, et des efforts qu’ils doivent faire pour apaiser ses sentiments. « Il m’a demandé qui, selon moi, pourrait être président après lui » a déclaré un homme de son administration. « Mais je savais quoi dire : « Oh, Monsieur le Président, personne ne pourrait prendre votre place. » Il se pourrait que ce soit ce qu’Hamid Karzaï veut entendre. Et, en effet, ce qu’il peut essayer d’obtenir à la Loya Jirga.


Abdul Qayum Suroush et Asar Hakimi ont participé à ce reportage depuis Kaboul.


Global Post / Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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