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Le mariage précoce prive les jeunes Népalais d’éducation

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L’histoire de Shyam et Sanani, mariés à 16 et 14 ans


Quand Shyam Balami était un adolescent, ses parents vieillissants ont décidé qu’ils avaient besoin d’une aide supplémentaire à la maison. Ils lui ont annoncé que le temps était arrivé pour lui de se marier. Ils se sont renseignés autour d’eux et ils ont choisi une fille d’un village voisin dans la vallée népalaise de Katmandu.


Sanani avait deux ans de moins que Shyam. Elle venait d’une grande famille où il n’y avait pas assez d’argent pour que tous les enfants aillent à l’école. Les parents de Sanani l’ont enlevée de l’école à l’âge de 12 ans pour la destiner au travail dans les champs et à la garde de ses petits frères. Elle espérait un jour pouvoir retourner à l’école. Mais ça n’est jamais arrivé.


Quand Shyam avait 16 ans et Sanani 14, leurs parents ont décidé de les marier, en brisant les rêves d’éducation de la jeune fille et en déclenchant une spirale de pauvreté sans fin.


[image:2,s] « J’étais vraiment intéressée par l’éducation, mais juste après mon mariage, comment pouvais-je laisser de côté tout le travail et le ménage ? » se demandait Sanasi, assise dans la maison de ses beaux-parents, une maison en boue avec un toit en tôle ondulée et les chèvres attachées. Elle se trouve dans le village de Kaga, à la périphérie de la capitale Katmandu.


Les conséquences du mariage précoce : l’abandon de l’école et les risques pour la santé


Le mariage des enfants est extrêmement commun au Népal, qui a une population de 30 millions de personnes. L’UNICEF a révélé que 51 % des Népalais se marient alors qu’ils ne sont que des enfants.


Le Rapport sur la Démographie et la Santé affirme que parmi les femmes népalaises entre 20 et 49 ans, 60 % étaient déjà mariées à l’âge de 18 ans.


Cette pratique a un impact profond sur les opportunités d’éducation pour la jeunesse du pays. Une fois que les filles comme Sanani se marient, elles abandonnent l’école pour s’occuper de la maison de leurs beaux-parents et commencent à mettre au monde des enfants. Elles ont peu de possibilité de reprendre les études, car il y a peu d’écoles dédiées à cet effet au Népal, selon Khem Karki, directeur exécutif de SOLID Népal, une organisation qui travaille sur la santé sexuelle et reproductive.


Peu de temps après son mariage, la belle famille de Sanani lui a mis la pression pour qu’elle fasse un enfant.


« Tout de suite après le mariage, il faut avoir des enfants, prône Suntali, la belle-mère de Sanani en arrêtant de meuler le piment dans son mortier, les enfants sont des dons du Seigneur. »


Suntali ajoute qu’il était important que sa belle-fille montre sa fertilité.


La jeune mère passe ses journées en s’occupant de ses deux enfants, en cuisinant et en faisant le ménage pour la famille et en travaillant dans les champs.


« Il n’y a aucune chance de mettre de côté de l’argent » raconte-t-elle pendant que sa fille de deux ans qu’elle tient sur ses genoux commence à tousser.


[image:3,s]Le mari de Sanani, Shyam était parti travailler en Malaisie mais il s’est blessé et il a été renvoyé à Katmandu. Il passe ses journées en boitant autour d’un hôpital et en demandant à sa famille ce qu’il va se passer.


D’après Karki, le mariage des enfants et la grossesse précoce affectent la santé générale des femmes, leur productivité, les opportunités de travail et les perspectives de s’échapper de la pauvreté. « Le mariage précoce entrave toute la vie d’une femme ».


La sensibilisation des communautés locales est le premier objectif à atteindre


Les groupes locaux pour la défense des droits des enfants, les donateurs internationaux et le gouvernement népalais travaillent ensemble pour retarder le mariage parmi les jeunes du pays. Des groupes de la société civile comme SOLID Népal s’efforcent de faire prendre conscience aux communautés rurales des dangers du mariage précoce.


Certains progrès ont été réalisés. Selon les statistiques du gouvernement, la proportion des femmes qui étaient mariées avant 15 ans a reculé en passant de 25 % parmi les femmes entre 45 et 49 ans à 6 % chez les jeunes femmes.


Mais le problème persiste. « Il faudrait amener plus de filles à l’école et prévenir le taux d’abandon », explique Anand Tamang, directeur exécutif du Centre de Recherches sur la Santé environnementale et les Activités de la Population de Katmandu. L’éducation met les filles dans la possibilité de négocier avec leurs parents et de refuser de se marier tôt.


[image:4,s] Créer des opportunités d’emploi solides pour les femmes pourrait aussi aider les familles à prendre les bonnes décisions. Selon Tamang, « le gouvernement d’un pays pauvre de ressources comme le Népal doit créer plus d’emplois pour les femmes, même dans les zones rurales. »


« Cette pratique est résistante aux changements parce que le mariage est une question sociale et il y a plusieurs acteurs concernés », révèle Karki. À son avis, pour qu’il y ait un véritable progrès dans l’augmentation de l’âge du mariage au Népal, il faut une coordination entre les différents secteurs tels que la santé, l’éducation, la pauvreté et la culture. Personne, même pas le gouvernement, n’est prêt à coordonner une tâche tellement complexe. « Le gouvernement n’est pas prêt d’aborder ce problème dans sa totalité ».


La lutte contre le mariage précoce : une tâche difficile pour le gouvernement


De plus, le conflit armé décennal mené par les insurgés maoïstes a détruit les structures du gouvernement local et a mis fin aux élections locales. Dépourvue de gouvernements locaux forts, la nation repose sur le gouvernement central. Mais le gouvernement central a été affecté par l’instabilité politique et, par conséquent, il a des pouvoirs limités pour promouvoir le développement, selon le témoignage des avocats de la santé, des journalistes locaux et des universitaires.


« Même si le gouvernement voulait le faire, il ne le peut pas » affirme le professeur Sharad Onta du Département de Médecine commune et santé de la famille à l’Institut de Médecine de la Tribhuvan University à Katmandou. Selon lui, « le gouvernement est trop occupé par d’autres questions. »


Onta souligne que le champ d’action du gouvernement népalais, comme dans tous les pays, a des limites, et donc son rôle serait celui d’assurer un cadre général et faciliter la société civile, ce qui pour l’instant est fait avec des résultats limités.


Le gouvernement du Népal a adopté des dispositions législatives concernant le mariage précoce et affirme vouloir promouvoir l’éducation et la sensibilisation sur cette pratique. Selon la loi, une femme ou un homme doit avoir 20 ans pour se marier au Népal, mais cette loi n’est pas appliquée.


Mishra, un fonctionnaire du Ministère de la Santé et de la Population déclare au GlobalPost que « le niveau d’éducation est en train de s’élever et l’âge de mariage est en train d’augmenter. »


Le message se répand. « Je connais les désavantages de se marier trop jeune. Je ne veux pas que ma fille connaisse les mêmes conséquences » dévoile Sanani, avant de patauger dans un champ boueux pour ramasser le riz.[image:5,s]


GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi

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