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Le pétrole : atout ou handicap pour la transition ?

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[image:1,l]La Libye est inondée d’or noir : avec environ 46 milliards de barils de réserves estimées – sans compter les ressources qui demeurent inexplorées – la Libye est le 18e producteur mondial de pétrole et le premier du continent africain.

La reprise de la production, après le ralentissement des derniers mois

Mais depuis le début de la révolution qui a renversé le régime de Mouammar Kadhafi, la production a ralenti.

Maintenant, avec le retour des multinationales, le gouvernement de transition doit trouver un équilibre entre le besoin de faire retourner le pétrole dans les oléoducs et les attentes de la population, qui espère depuis de décennies d’en voir les profits.

Avant la révolution, la production pétrolière libyenne atteignait un taux de 1,6 million de barils par jour (bpj). Depuis le début des affrontements entre les rebelles et les fidèles de Kadhafi, la production avait ralenti puis cessé complètement, en mai.

Les forages ont partiellement repris dans le mois de septembre, lorsque les rebelles ont pris le contrôle de Tripoli. Depuis, la production a augmenté jusqu’à atteindre le taux actuel de 555 000 bpj, selon les estimations de la National Oil Corporation (NOC), la compagnie pétrolière nationale.

Ali Tarhouni, le ministre des Finances et du pétrole libyen, se déclare satisfait de ces résultats « Nous sommes très en avance sur nos propres attentes et les attentes de quiconque ». Ancien professeur d’économie à l’Université de Washington, Tarhouni espère atteindre les 700 000 bpj d’ici la fin de l’année. En juin 2012, la production libyenne devrait retrouver ses niveaux pré-conflit.

Les attentes de la population

L’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans un rapport publié jeudi dernier, affirme que pour atteindre ces résultats il faudra attendre 2013.

Ça pourrait être trop tard pour les Libyens, qui sont impatients de voir les changements de l’ère postrévolutionnaire.

Le peuple s’attend à des améliorations rapides dans les domaines de la santé et de l’éducation et une augmentation de l’emploi. Il s’attend également à ce que les profits de la richesse pétrolière libyenne soient partagés.

D’après Tarhouni, la réalisation de ce rêve constitue le défi le plus important auquel le nouveau gouvernement est confronté.

Mais les progrès dans ce sens vont se faire lentement jusqu’à ce que les Libyens aient élu un nouveau gouvernement permanent. Et pour cela, il faudra atteindre juin 2012.

[image:2,s] Quel futur pour le secteur pétrolier de l’après-Kadhafi ?

Entre-temps, Tarhouni annonce que le conseil transitoire vise à privatiser une grande partie du secteur pétrolier, qui était géré par le gouvernement sous Kadhafi.

« Le secteur privé doit être le moteur du futur développement économique de la Libye », explique-t-il.

Sous l’ancien régime, les politiques publiques strictes avaient étouffé le développement du secteur privé.

Masaoud Mohamed Yousef, qui a travaillé dans la gestion de l’industrie pétrolière avec la NOC depuis 1978 et qui est maintenant à la tête de la Mafaza Oil Technical Services, explique que jusqu’à 2004, les restrictions du gouvernement rendaient impossible d’ouvrir une entreprise privée liée dans le secteur pétrolier, au moins d’être une « personne très chanceuse avec des relations importantes. »

Les restrictions ont été partiellement assouplies en 2004, mais d’après Yousef il fallait beaucoup de travail pour gagner sa vie sous l’ancien système.

Il annonce que, bien que le nouveau gouvernement garde des concessions, la grosse partie de la production sera gérée par le secteur privé. « Ils n’ont pas d’autre choix que de changer le système. Autrement, les jeunes qui ont fait la révolution ne l’accepteront pas » alerte Yousef, en ajoutant que les nouvelles politiques constituent un potentiel important pour l’avenir du secteur privé. « Il faudra du temps, mais nous avons attendu 42 ans, nous savons être patients » ajoute-t-il.

Les compagnies internationales en jeu

Environ 40 compagnies internationales ont des contrats pétroliers en cours, signés avec l’ancien régime. Le nouveau gouvernement a annoncé vouloir honorer les contrats existants, mais qu’il va vérifier les clauses suspectes qui ont pu être stipulées avec l’ancien régime.

Actuellement, la compagnie française Total, l’allemande Wintershall et l’espagnole Repsol ont repris les forages. Le groupe italien ENI, le plus grand investisseur avant la révolution, va redémarrer sa production dans les semaines à venir.

British Petroleum semble destinée à devenir le principal investisseur du secteur, si le contrat négocié avec l’ancien régime, et interrompu pour des raisons de sécurité, est honoré.

Il n’est pas encore clair quant au démarrage de la production de British Petroleum, mais la plupart des investisseurs étrangers visent à reprendre la production en janvier, si la situation sécuritaire dans le pays reste stable.

Les compagnies des pays membres de l’OTAN favorisées dans la course à l’or noir

Ce n’est pas par hasard que les principales compagnies pétrolières sont également membres de l’OTAN, qui a fourni le soutien militaire aux forces rebelles qui ont combattu contre l’armée de Kadhafi.

« Même s’ils ne le disent pas clairement, ils ont sûrement les meilleures chances pour les investissements futurs, explique Youssef. La Russie et la Chine n’ont manifestement pas le même pouvoir de négociation avec le nouveau gouvernement ».

La Russie et la Chine se sont abstenues à la résolution de l’ONU qui autorisait l’intervention de l’OTAN. Ils ont ainsi permis au vote de passer, sans pourtant offrir du soutien à l’opération.

D’après Tarhouni, les négociations pour de nouvelles concessions pétrolières sont susceptibles d’être reportées après les élections.

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Les obstacles pour la reprise : les risques sécuritaires et les litiges de gestion

Les craintes pour la sécurité ont dissuadé de nombreux investisseurs internationaux à revenir en Libye.
Les compagnies de soutien locales sont maintenant prêtes et en attente, selon Maumoud Suwi, directeur du matériel et des magasins pour la société de services pétroliers Etelaf, mais les craintes liées au terrorisme restent élevées.
Selon Suwi, les nombreux missiles à guidage thermique appartenant aux forces de Kadhafi et qui n’ont pas été récupérés constituent une menace considérable pour la reprise de l’industrie pétrolière, une cible potentielle des forces loyalistes.
« Quand les entreprises internationales reviendront, elles le feront toutes ensemble, mais pour l’instant nous restons en attente », ajoute-t-il.
Youssef dénonce que des litiges de gestion et un manque d’organisation au sein de la compagnie pétrolière nationale ont ralenti davantage la production.
Il ajoute que beaucoup de travailleurs ont été réticents à retourner au travail sous les mêmes gestionnaires de l’ancien régime, mais il est convaincu que la transition ne durera pas longtemps, car il s’agit du seul secteur de l’économie libyenne qui est bien développé.

Malgré les pertes, beaucoup d’espoir pour l’avenir du secteur

« Un système très clair et efficace a été mis en place dans l’industrie pétrolière libyenne, explique Youssef. Kadhafi a tout détruit, mais il n’a jamais touché aux compagnies pétrolières car sa puissance provenait du pétrole. »

Les raffineries et les plateformes d’exploitation de pétrole libyennes ont peu souffert pendant le conflit. La perte principale pour les compagnies internationales concerne les véhicules et les propriétés. Des camps et des hébergements ont été détruits. Les véhicules ont été volés à la fois par les troupes rebelles et par celles de Kadhafi.

« Il s’agit de choses qui peuvent facilement être remplacées, rassure Youssef, les composantes principales de la production sont toujours en place. »

D’après Youssef, bien que la baisse de production des huit derniers mois ait constitué une grosse perte financière pour la Libye et pour les travailleurs de l’industrie pétrolière, les avantages vont être supérieurs aux sacrifices.

« Malgré la perte de revenus et l’argent que nous avons dépensé pour faire cette révolution, nous sommes tellement heureux, explique Youssef, maintenant, nous avons l’espoir, non seulement pour notre avenir, mais aussi pour celui de nos enfants et de nos petits enfants. »

GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi

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