Site icon La Revue Internationale

Les forces de sécurité de Rio prennent le contrôle des favelas

beltrame.pngbeltrame.png

[image:1,l]

Objectif : pacifier les favelas

L’opération de dimanche matin – baptisée « Choc pour la paix» par les autorités – s’inscrit dans un vaste projet de «pacification» destiné à reprendre le contrôle des bidonvilles de Rio – les célèbres favelas – aux gangsters sanguinaires, et cela avant la Coupe du monde de 2014 et les Jeux Olympiques d’été de 2016.
Plus de 20 favelas ont été «pacifiées» jusqu’ici, envahies et occupées par la police avec plus ou moins de succès. Mais Rocinha – contrôlée jusqu’à des temps récents par une armée d’au moins 200 hommes armés – était de loin le plus grand défi.

Première incursion sans victimes à Rocinha, le plus grand bidonville de Rio

Les incursions précédentes de la police à Rocinha ont entraîné des batailles d’une rare violence. Mais dimanche dernier, selon les autorités, pas un seul coup de feu n’a été tiré.
Face à une démonstration de force inédite du gouvernement, ces trafiquants qui n’avaient jamais fui auparavant, se seraient enfuis dans les forêts tropicales qui bordent le bidonville. C’est le signe qu’ils ont enfin eu peur de la police de Rio.
«Dieu merci, pas un seul coup, juste le bruit des hélicoptères », twitte un dirigeant de la communauté, William de Oliveira.
Peu après 4 heures du matin, heure locale, des véhicules blindés, avec un grand nombre d’agents de forces spéciales à bord,ont commencé à pénétrer dans la favela, qui compte plus de 100 000 habitants selon la plupart des estimations. Une bannière blanche, accrochée à l’une des entrées de la zone, arbore l’inscription : «Paix et justice sociale».

Les forces de securité expriment leur satisfaction

[image:2,s]Au début, les véhicules de la police progressaient lentement sur les pentes raides de la favela. Les trafiquants de drogue en fuite avaient bloqué les rues avec des barrages improvisés fabriqués à partir de motocyclettes et de blocs de béton. Ils avaient aussi versé de l’huile sur la route principale qui traverse le bidonville pour ralentir l’avancée des assaillants. 
Vers 7 heures, heure locale, les autorités policières affirmaient avoir pris le contrôle total de Rocinha et de deux autres bidonvilles voisins, contrôlés par le même cartel de la drogue, les amis des amis de la faction ADA.
Pendant que les policiers, vêtus de noir, hissaient les drapeaux brésiliens sur les favelas, le secrétaire à la Sécurité de Rio, José Mariano Beltrame, revendiquait le succès de l’opération, qui a libéré des dizaines de milliers d’habitants d’un « empire du mal parallèle » : «Ce que nous avons commencé aujourd’hui n’aura pas une date de fin, » a-t-il promis.

Les narcos abandonnent leurs maisons luxueuses avant l’arrivée de la police

Pendant que des milliers de forces de sécurité balayaient les petites rues de Rocinha  à la recherche de suspects ou de tuyaux, ils sont tombés sur les traces d’une pègre qui avait hâtivement tout abandonné.
Dans un immeuble de trois étages – jusqu’à la semaine dernière la maison de Fish, un trafiquant de drogue de la bande – ils ont trouvé un bar généreusement fourni avec de la vodka finlandaise et des whisky Johnnie Walker Blue and Black Label.
Les policiers épuisés, qui avaient parcouru des kilomètres à travers le bidonville pour trouver la maison, se sont avachis sur les canapés, avec leurs fusils d’assaut posés sur leurs genoux. D’autres se servaient du jus de fruits dans la cuisine. À côté de l’évier, une tasse noire et blanche rendait hommage à l’ancien occupant de la maison «Mari super! »
D’autres officiers de police visitaient l’étage supérieur de l’immeuble, qui avait été équipé d’une piscine sur le toit et d’un gymnase, une garderie pour enfants et un aquarium pour les poissons.
Trois brosses à dents et une bouteille de parfum Paco Rabanne avaient été laissées dans la salle de bain impeccablement carrelée. En total contraste avec la relative opulence de la maison de Fish, plusieurs des voisins du trafiquant vivaient dans des fragiles cabanes en bois, tenues par des bouts de ferraille.

Des cachettes d’armes et des drogues trouvées dans les bidonvilles

[image:3,s]Ailleurs dans Rocinha, les agents ont trouvé des armes et toutes sortes de drogues laissées par les gangsters, dont le boss, Antônio Francisco Bonfim Lopes, mieux connu sous le surnom de Nem, avait été arrêté mercredi dernier lorsqu’il tentait de fuir de la favela caché dans le coffre d’une voiture.
A Vidigal, un bidonville voisin, les agents ont mis à jour un cimetière clandestin ou ont été enterrées les victimes des trafiquants, brulées à mort dans la forêt environnante. A Laboriaux, l’un des quartiers les plus élevés de Rocinha, sur la crête du bidonville, les forces spéciales ont trouvé des cachettes de marijuana et d’armes, y compris des fusils d’assaut et des munitions antiaériennes

Prochaine étape : vaincre la peur et la méfiance des habitants  

« Saisir les armes et la drogue est très important. Mais restituer la dignité et libérer une population sous le joug des carabines est également un grand défi, » annonçait Beltrame, le secrétaire de sécurité.
Martha Rocha, à la tête de la police civile de Rio, a lancé un appel aux résidents de passer les renseignements aux autorités, bien que beaucoup d’entre eux continuent à avoir peur, après des décennies vécues dans le silence pour crainte des représailles de la part des gangs de la drogue, exposés par une absence totale de protection de la part de l’Etat dans les favelas.
Il faudra du temps pour les convaincre que, désormais, ils peuvent parler en sûreté. Mais certains apprécient déjà les progrès faits.
« Marcher dans les rues et ne pas voir de fusils représente une victoire », raconte Luis Ricardo, serveur de 25 ans qui vit dans la favela, à un site web d’actualité locale. « D’une manière ou d’une autre, nous étions toujours soumis à la volonté des trafiquants. »

GlobalPost / Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press

> Retour au dossier : Le Brésil prépare les JO de Rio 2016

Quitter la version mobile