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Lucas Papademos est nommé Premier ministre

[image:1,l]Dimanche 6 novembre vers 22 heures. Georges Papandréou et Antonis Samaras, le chef de Nouvelle Démocratie, l’opposition de droite, sortent de longues négociations à la résidence du président, Carolos Papoulias. Après une semaine de drame politique, les deux adversaires sont tombés d’accord sur un scénario de sortie de crise. Un gouvernement d’unionune grande coalition mais, surtout, le renfort de technocrates – sera chargé d’adopter le plan de sauvetage européen, conclu à Bruxelles le 26 octobre, et d’entamer les réformes nécessaires à sa mise en œuvre, jusqu’à l’organisation d’élections législatives anticipées en février 2012.


[image:2,s]Une condition : le départ de Georges Papandréou. Une question : qui pour lui succéder ?
Dans les derniers jours, Evangelos Venizelos, le ministre des Finances et principal adversaire de Papandréou au sein du Pasok, le parti socialiste grec, semblait incarner la « force tranquille » qui avançait sereinement et discrètement ses pions. En vain, semble-t-il. Trop politique, sans doute.
Et, à l’aube de journées de tractations interminables, un autre homme tenait la corde : Lucas Papademos, 65 ans, ancien gouverneur de la Banque de Grèce, ancien vice-gouverneur de la Banque centrale européenne, figure hautement respectée à travers le pays, et bien au-delà… Mais, fin politique, il a posé ses conditions, exigeant que Nouvelle Démocratie s’engage par écrit à voter le « plan de sauvetage » européen et que l’échéance de son mandat ne coïncide pas forcément avec les prochaines élections anticipées du 19 février 2012. Après d’ultimes tractations, jeudi 10 novembre, après d’ultimes tractations, il se dévoue et accepte le poste de premier ministre. Qui est-il ?


Le « meilleur économiste » de Grèce


Lucas Papademos, engagé à gauche politiquement, jouit d’une grande expérience, universitaire et financière.
C’est au Massachusetts Institute of Technology (MIT), à Boston aux États-Unis, qu’il mène ses études supérieures : une licence de sciences physiques en 1970, un master de génie électrique deux ans plus tard, et, en 1978, un doctorat de sciences économiques.
Dès 1975, il commence à enseigner l’économie à l’Université de Columbia, à New York. Mais sa carrière débute véritablement en 1980 lorsqu’il devient conseiller économique de la Federal Reserve Bank de Boston. En 1984, il rentre en Grèce. Un an plus tard, le gouvernement socialiste le nomme économiste en chef de la Banque de Grèce. Il passera l’essentiel des 25 années suivantes dans l’univers des banques centrales.


« Monsieur euro », gouverneur de la Banque centrale de Grèce


[image:3,s]Désigné gouverneur adjoint de la Banque de Grèce le 1er décembre 1993, il est nommé gouverneur, le 26 octobre 1994.
Son mandat à la tête de l’institution coïncide avec la transition de la Grèce, de la drachme, ancienne monnaie nationale, à l’euro. La Grèce ne fait pas partie des onze premiers pays membres de la zone euro au 1er janvier 1999. Pour avoir convaincu ses partenaires de sa capacité à remplir les critères de convergence indispensables, Athènes rejoint l’eurozone le 1er janvier 2001 et les pièces et billets en euro entrent en circulation le 1er janvier 2002 en même temps que chez les autres « pionniers » de la zone.


À la tête de la banque centrale hellène, il est un farouche défenseur de l’euro et des réformes qu’il implique. Pour lui, l’euro aurait protégé les petites économies, comme celles de la Grèce, de « chocs exogènes », contrecoups des attentats s du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Fin 2001, il estime que l’euro a garanti la transparence des prix et suscité une compétition saine. Son verdict est sans appel : « Les bénéfices, tant macroéconomiques que microéconomiques, de l’introduction de l’euro pour l’Europe et la Grèce sont considérables. » Une déclaration qui laisse sceptique dix ans après…


Une éminence de la BCE


[image:4,s]Après avoir quitté la Banque centrale de Grèce, il passe à l’échelon supérieur et prend, le 31 mai 2002, la direction de Francfort où il est nommé vice-gouverneur de la Banque centrale européenne, six mois avant la fin du mandat de Wim Duisenberg, successeur du Français Christian Noyer. Sur les huit années passées en Allemagne, il travaille étroitement, pendant six ans et demi, avec un autre Français, Jean-Claude Trichet, gouverneur de la BCE.
Lucas Papademos se situe dans la droite ligne de l’orthodoxie rigoriste que fait prévaloir Trichet à la tête de l’institution monétaire européenne. Ainsi, estime-t-il qu’il est de la responsabilité des gouvernements de maîtriser leurs dettes publiques : « Les interventions de la BCE sur le marché obligataire ne devraient pas être perçues ou interprétées comme un chèque en blanc par les gouvernements. Elles ne sauraient être que temporaires et les gouvernements ne devraient pas s’attendre à ce que la BCE facilite en permanence la satisfaction de leurs besoins de financements sans, pour autant, respecter leurs obligations en matière fiscale et économique », prévient-il.
Il est remplacé, le 31 mai 2010, par le Portugais Vitor Constancio, un an et demi avant le terme du mandat de son supérieur, et rentre à Athènes pour conseiller le Premier ministre socialiste Georges Papandréou.


Plus technocrate que politique


Figure particulièrement respectée, son engagement aux côtés de Georges Papandréou n’en fait pas, pour autant, un leader socialiste. Sa nomination à la tête d’un gouvernement d’union et de transition constituerait un gage à la communauté internationale, et notamment aux responsables européens. Nul doute que Mario Draghi, à la tête de la BCE, verrait d’un bon œil la nomination de son ancien collègue… Idem du côté de Manuel Barroso à Bruxelles, Christine Lagarde à Washington… Lucas Papademos est un des « leurs ». Avant d’en être le sauveur ou le fossoyeur, Lucas Papademos serait surtout le « tuteur » de la Grèce. Un peu comme il y en a dans les protectorats…

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