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Mario Draghi, un «Super Mario»?

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Ce ne sera pas facile, même dans les meilleurs moments. Au programme, à court terme : sauver la Grèce, maintenir inflation et déflation en dehors de la fragile zone euro, superviser la solvabilité des banques de détail de la zone euro et les marchés financiers. Pour ce qui est des huit ans qu’il lui restera jusqu’à la fin de ses fonctions, il devra probablement tenter de maintenir cette stabilité en gérant soit l’union fiscale des 17 pays de la zone euro, et ses implicites liens politiques, soit l’éclatement de l’euro et sa potentielle destruction de l’économie mondiale. Vaste programme !

« C’est le moment le plus critique de l’économie mondiale depuis 70 ans en termes d’inconstance financière et politique », affirmait Adrian Pabst, un spécialiste en économie politique européenne à l’université de Kent. « Il va avoir besoin d’une grande force de résolution des problèmes, d’une grande sagesse et d’un peu de chance. »

Le candidat parfait

Alors que nous vivons dans un monde plutôt pessimiste, ceux qui le connaissent ont plutôt confiance en cet Italien de 63 ans. Pour de bonnes raisons. Si vous deviez dessiner le parfait directeur de la Banque centrale, ce serait lui. Sur son CV, tout est bon.<!–jolstore–>

– Il a étudié dans une très bonne université de son pays natal : ok
– Il a passé quelques années, à Cambridge et dans le Massachussets : ok et ok. (Il a un doctorat du MIT et a passé quelque temps à Harvard.)
– Il a travaillé pour Goldman Sachs : ok
– Il a passé un peu de temps à la Banque mondiale : ok. (Il était directeur exécutif pendant les années 1980.)
– Il est au conseil d’administration de l’élite des institutions mondiales : ok deux fois. (Il est administrateur de l’Institute for Advanced Study à Princeton et régisseur honoraire de l’Institut Brookings.)
– Il quitte une position très respectable actuellement : ok. Il est à la tête de la Banque centrale italienne. Il n’y a pas plus qualifié pour ce travail, mais ce n’est pas pour cette raison qu’il a eu ce poste. Selon la tradition européenne, un Allemand aurait dû occuper la fonction, parce que le tour allemand était venu.

Une entorse au programme européen

Depuis que la Banque centrale européenne a été mise en place dans les années 1990, le poste a été occupé par un Hollandais et par un Français. Le chef de la Bundesbank allemande, Axel Weber, devait reprendre le flambeau, mais il s’est désisté plus tôt cette année. Draghi est alors devenu le « premier choix ».

Les Allemands ne sont pas ravis par la nouvelle. Adrian Pabst, allemand, disait dans The Guardian que le journal le plus vendu en Allemagne, Bild, notait récemment qu’« inflation et Italiens » vont ensemble, comme « la sauce tomate et les spaghettis. »

Un homme de confiance

Silvia Francecon, du Conseil de l’Europe pour les relations extérieures à Rome, comprend cette image. « Les Italiens n’ont pas une bonne réputation de nos jours. Mais quand les Italiens sont bons, très bons, ce sont alors des superstars. Draghi en est une. »

Selon elle, les Allemands, les Français, comme les autres, ne doivent pas avoir peur d’un Italien à la tête de leur Banque centrale. « Il sera objectif. Il ne sera pas un Italien en charge de la Banque centrale, il sera européen. Il travaillera pour sauver l’Europe, ce qui veut dire qu’il travaillera pour sauver l’Italie. Si l’Italie tombe, l’Europe tombe. »

Un homme respectable

Draghi est un homme scrupuleux. Il est connu pour garder sa vie privée dans la sphère privée. Il n’y a pas traces de soirées « bunga-bunga » dans son passé. Selon Francecon, on connaît peu de chose de lui. « Il souscrit à l’orthodoxie sur les mesures d’austérité et de réformes structurelles. »

Pour ses loisirs, « Draghi aime partir à la montagne pour faire de l’escalade ». Cette passion lui a appris le contrôle, la patience, le calme. « Il est calme et opérationnel dans les situations difficiles. »

Il est admiré pour être un client difficile. Silvia Francecon pense qu’il est l’une des rares personnalités publiques à dire la vérité à ses compatriotes. « Il a dit aux Italiens : nous ne pouvons pas compter sur les autres pour nous sauver. Nous devons le faire nous-mêmes. »

Un homme d’expérience

Draghi fut un des principaux architectes des règles bancaires dites de Bale III. Ces règles, conclues il y a un an, doivent inciter les banques à renforcer leurs fonds propres. Elles mettent aussi en place des règlements pour la gestion des risques.

Aucun banquier n’est heureux quand on lui parle de gestion des risques. En septembre, Jamie Dimon, à la tête de JP Morgan, disait au Financial Times, « Je suis vraiment à deux doigts de penser que les États-Unis ne devraient plus appliquer Bale III. Je n’aurais jamais accepté des règles flagrantes d’anti-américanisme. »

Selon Pabst, « Draghi, en tant que créateur de Bale III, peut dire aux banquiers, “Regardez, je sais comment ça marche, et c’est dans votre propre intérêt de fonctionner comme ça. Si vous prenez de trop gros risques, personne ne viendra vous sauver et vous sortirez du marché”. »

L’élément politique

La crise de la dette européenne est un phénomène mondial, exacerbé par la partie politique qui essaie de le résoudre de manière incertaine. Draghi, en charge de la BCE, y ajoutera de la stabilité.

Les politiciens européens, qui doivent faire face à leur électorat, le presseront de suivre les politiques monétaires, ce qui sera pour eux un élément de popularité. Draghi, lui, n’a pas ce souci. Sa chance, c’est qu’il sera toujours à la tête de la BCE malgré les élections.

Ce sera probablement sa dernière maison, celle qu’il aura passé sa vie à préparer. Adrian Pabst est certain que Draghi est conscient que ces huit prochaines années font le faire entrer dans la postérité. « Je ne pense pas qu’il veuille que l’histoire se souvienne de lui comme celui qui a fait plonger la zone euro. »

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