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Où les Grecs cachent-ils leurs économies?

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La vente des coffres-forts : la seule activité en essor dans l’économie grecque

Dimitris Andreadakis, propriétaire d’un magasin de matériel informatique, est sincère avec les clients qui viennent se renseigner ​​l’achat d’un coffre-fort où conserver leur argent : « Je leur dis sans hésitation : « Ne faites pas ça. C’est dangereux », confie-t-il. Les cambriolages sont actuellement en hausse à travers le pays : « Quelqu’un pourrait vous appuyer un pistolet sur la tête pour vous contraindre à fournier le code ».
Mais, pour beaucoup de Grecs, c’est un risque qui vaut la peine d’être pris : « La plupart des gens continuent de le faire », raconte Andreadakis. Les ventes de coffres-forts dans son magasin ont augmentées de 40% au cours de la dernière année.

De plus en plus de Grecs retirent leur argent des banques pour le transférer en Suisse ou investir dans l’immobilier à Londres

[image:2,s] Leur motivation : la crainte de voir leurs épargnes s’évaporer, dans l’improbable, mais toujours inquiétante, perspective où la Grèce, incapable de faire face à la crise de la dette, soit forcée d’abandonner l’euro et de revenir à la drachme. Si cela devait se produire, une drachme fortement dévaluée pourrait rendre les biens importés, comme la nourriture, le carburant ou les électroménagers hors de prix.

Pour protéger leurs épargnes, un nombre alarmant de Grecs sont en train de retirer leur argent des banques. Au cours de 21 derniers mois, ils ont envoyé leur argent dans des comptes bancaires en Suisse, rempli les coffres-forts de sécurité et installé des coffres-forts chez eux pour garder leurs euros.

En plus d’ouvrir des comptes à l’étrangers, les Grecs les plus fortunés achètent également des biens immobiliers en dehors de la zone euro, notamment à Londres. Le secteur immobilier londonien se révèle être un refuge pour les acheteurs internationaux. Le Financial Times a indiqué que les riches grecs et italiens ont presque doublé leurs investissements dans la ville au cours de la dernière année. Depuis le début de 2011, ils ont déjà dépensé 480 millions d’euros.

L’incertitude sur l’avenir de l’économie stresse la population  

[image:3,s]Au cours des deux derniers mois, les retraits bancaires ont considérablement augmenté, dans un climat dominé par des incertitudes croissantes quant à la capacité de l’ancien gouvernement de George Papandreou à éviter la faillite. A la fin du mois d’octobre, la proposition de Papandreou de tenir un referendum sur le nouveau plan de sauvetage a, à nouveau, donné le crédit à un scénario qui verrait la Grèce quitter la zone euro.

L’idée du referendum a été abandonnée, mais les Grecs ont dû supporter presque une semaine de querelles politiques et d’incertitude avant le remplacement de Papandreou par Lucas Papademus à la tête du gouvernement.

Selon les statistiques de la Banque centrale grecque, depuis le début de 2010 et jusqu’en septembre de cette année, plus de 55 milliards d’euros de dépôts ont été retirés du système bancaire. Cela représente une baisse de 23% des actifs, une baisse qui renforce la pression sur des banques déjà affaiblies. 

Le rythme moyen de retraits s’élèvait à 2,6 milliards d’euros par mois, et s’était stabilisé cet été. Mais dans le seul mois de septembre, plus de 5,6 milliards d’euros ont été retirés. Les fonctionnaires de la Banque centrale prévoient que les chiffres du mois d’octobre, qui seront disponibles la semaine prochaines, seront similaires.

L’exode financier concerne à la fois les ménages et les entreprises, bien que les ménages représentent environ 80% des retraits. « La peur et l’anxiété sont très élevées, sûrement » déclare Petros Doukas, conseiller d’investissements et ancien vice-ministre des Finances.

L’hypothèse d’un retour à la drachme

D’après Doukas, un retour à la drachme représenterait  « un désastre pour l’Europe et pour la Grèce. »  L’Europe a fortement investi dans la reprise grecque, affirme Doukas, en faisant référence aux sauvetages successifs et aux milliards d’euros d’obligations grecques achetées par la Banque centrale européenne. Cependant, Doukas pense que l’Europe n’a pas réussi à résoudre le problème, mais a plutôt forcée la Grèce vers une « dépression économique. »

« La seule activité qui est en plein essor en ce moment est la vente de coffres-forts et de portes blindées », dénonce Doukas, en ajoutant qu’il connaît plein de personnes qui cachent entre 3 000 et 100 000 euros chez eux. »

Pour alléger la pression, le gouvernement a annoncé lundi qu’il allait doubler, jusqu’à un montant de 62 milliards d’euros, les garanties d’État aux banques – un soutien indispensable pour pouvoir collecter des fonds. Le fonds de liquidité spéciale de la Banque centrale grecque est presque à sec, depuis que des organismes de prêt grecs lui ont récemment emprunté 26 milliards d’euros.
Un retour à la drachme profiterait largement aux Grecs fortunés qui possèdent des économies en espèces ou des comptes à l’étranger. Après la dévaluation, ils pourraient convertir leur argent en drachme et faire des investissements dans l’immobilier ou acheter des marchandises produites dans le pays à prix avantageux.

Vers un deuxième plan de sauvetage

[image:4,s] Mais les dirigeants grecs et européens promettent que cette hypothèse ne se réalisera jamais.
Lundi dernier, Papademos a fait son premier voyage officiel à Bruxelles, où il s’est entretenu avec les commissaires européens au sujet des fonds de sauvetage. Il a affirmé que rester dans la zone euro demeure une priorité pour son pays : « C’est la seule voie vers l’avenir, la seule option pour ce gouvernement et pour le peuple grec », a déclaré Papademos, ancien gouverneur de la Banque centrale grecque.
La Grèce s’est maintenue à flot grâce au versement d’un prêt de 112 millions d’euros annoncé en mai 2010. Sans le prochain versement, d’une valeur de 8 millions d’euros, le pays ferait faillite en un mois.
Herman Van Rompuy, président de l’Union, a déclaré lundi que l’eurogroupe « devrait être en mesure de se mettre d’accord sur un nouveau prêt dès sa prochaine réunion », prévue le 29 novembre prochain.
Un deuxième plan de sauvetage, négocié à la fin du mois d’octobre, prévoit un versement additionnel de 135 millions d’euros, ainsi que l’annulation de 50% de la dette grecque détenue par des investisseurs privés.

 

La contrepartie à accepter : l’austérité!

 

[image:5,s]Cependant, avant de libérer les fonds, les créanciers européens veulent avoir l’assurance écrite que les principaux partis politiques grecs aideront à mettre en œuvre le prochain plan de sauvetage. Cette demande risque de donner lieu à une autre tragédie grecque.

Antonis Samaras, leader du parti conservateur Nouvelle Démocratie refuse de signer. Il a longtemps affirmé son soutien aux réformes, mais veut renégocier des mesures plus favorables aux entreprises.
Mercredi, la Banque centrale grecque a carrément déclaré dans un communiqué que l’avenir de la Grèce dans la zone euro serait en danger si les dirigeants n’accélèrent pas les réformes pour reconstruire la crédibilité du pays aux yeux des prêteurs internationaux.
Dans le communiqué, on peut lire : « La Grèce traverse sa crise la plus grave depuis l’après-guerre. L’enjeu est de savoir si le pays va rester dans la zone euro ou pas. »
Le choix est entre travailler avec des partenaires internationaux, pour reconstruire l’économie grecque, ou alors s’engager dans «un retour en arrière qui remettrait en cause les progrès qui ont été faits dans les dernières décennies, conduirait le pays hors de la zone euro et ramènerait l’économie, le niveau de vie et la société grecque aux niveaux d’il y a plusieurs décennies. »
Les plans de sauvetages sont profondément impopulaires chez les Grecs, parce qu’elles sont accordées à condition que le gouvernement mette en œuvre des mesures d’austérité. Les Grecs ont violemment protesté contre l’augmentation des impôts, la baisse des salaires et les menaces de licenciements dans le secteur public.

L’incertitude constante – qu’elle concerne le référendum de Papandreou ou le refus de Samaras de signer l’engagement pour l’austérité ou encore la grève des travailleurs du secteur privé prévue pour le 1er décembre – rend les Grecs nerveux.

Le gouvernement renforce la lutte contre l’évasion fiscale

La perspective d’un retour à la drachme n’est pas la seule motivation qui pousse les Grecs fortunés à déplacer leur argent. Le gouvernement est devenu plus agressif dans la chasse aux fraudeurs fiscaux, en recoupant les activités bancaires avec les salaires.
Les fonctionnaires grecs sont en négociation avec leurs homologues suisses sur une proposition d’impôt qui devrait intéresser les Grecs titulaires de comptes suisses qui contiennent des revenus non déclarés, à l’instar des récents accords signés par la Suisse avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne.

En 2009, la firme suisse Helvea avait estimé les actifs grecs en Suisse à environ 20 millions d’euros, avec seulement 1% déclaré. Les « chiens de garde » contre les paradis fiscaux soupçonnent que le total est bien plus élevé que cela. Les fonctionnaires grecs soupçonnent que entre 3 et 4 milliards d’euros ont été transférés sur des comptes suisses au cours des deux dernières années.

Les nouvelles impôts pèsent lourdement sur la population

Bien sûr, tout l’argent retiré des banques grecques ne termine pas en Suisse, à Londres, ou sous les matelas.
Beaucoup de Grecs ont dû puiser dans leurs épargnes à fins de survivre. Le chômage a atteint 18,4%, selon les derniers chiffres mensuels. Et une nouvelle taxe foncière va bientôt être instaurée.
« Il semble que chaque mois il y a une nouvelle taxe», a déclaré Savvas Dimitriou, qui travaille dans le kiosque de ses parents après avoir été licencié il y a neuf mois. Dimitriou note que les clients de toute âge paient de plus en plus les articles avec des petites pièces. A l’intérieur de son kiosque à proximité d’une station de métro au nord d’Athènes, il collectionne les pièces de 1, 2 et 5 centimes dans des petits gobelets en plastique. Ils en récoltent environ 20 euros par semaine. « Je n’avais jamais vu autant de petites pièces dans les années précédentes » raconte-t-il, « Désormais, on en voit partout. »

GlobalPost / Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press

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