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Quatre maroquins pour l’extrême droite

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4 février 2000. Le gouvernement « noir-bleu » de Wolfgang Schüssel est intronisé à Vienne. L’Autriche est gouvernée par une coalition inédite entre l’ÖVP, du chancelier conservateur, et le FPÖ – parti autrichien de la liberté – du leader d’extrême droite Jörg Haider. Un vent de panique souffle sur le continent. Le président français, Jacques Chirac, tente d’intervenir, en vain. L’Union européenne vote des sanctions. Du jour au lendemain, quolibets et portes closes accueillent les ministres autrichiens… Six mois plus tard, l’Europe renonce.

Vendredi 11 novembre, 37 ans après la chute de la dictature des colonels, quatre représentants du parti d’extrême droite, le LAOS, font leur entrée dans le gouvernement d’union dirigé par Lucas Papademos. Pas un bruit, rares sont ceux qui s’en émeuvent.
Comme les temps ont changé en dix ans… L’extrême droite italienne a fait sa mue et Gianfranco Fini, son ancien leader, préside la chambre des députés, après avoir été plusieurs fois ministre de Berlusconi. D’autres extrêmes droites ont participé au gouvernement en Slovaquie ou au Danemark, et Jean-Marie Le Pen a figuré au second tour de la présidentielle française en 2002. Et puis, il y a la crise… justement, il y a la crise…

Quatre ministres d’extrême droite à Athènes

La Grèce connait une véritable onde de choc. Depuis la chute de la dictature des colonels (1967-1974), une junte d’extrême droite, ultra nationaliste et autoritaire, un cordon sanitaire avait été établi autour des derniers nostalgiques de cette période sombre de l’histoire de la Grèce contemporaine. Depuis 37 ans, Nouvelle démocratie et PASOK, les partis conservateurs et socialistes, se sont succédés l’un à l’autre au gré des alternances.
Le LAOS, l’extrême droite, a atténué le discours ouvertement xénophobe et raciste de ses débuts en adoptant en 2007 une charte engageant ses candidats à s’opposer « à tout phénomène de racisme, d’intolérance et d’antisémitisme ». Pourtant, c’est en surfant sur la colère des Grecs vis-à-vis de la politique d’immigration que le LAOS est parvenu en 2009 à récolter 6% des voix aux élections législatives. Il est en mesure de constituer un groupe parlementaire de 16 députés, particulièrement véhéments au Conseil des Grecs. L’extrême droite grecque avance lentement ses pions.

Georges Karatzaféris, un leader sous-estimé

C’est en 2000 que Georges Karatzaferis, le principal animateur d’une chaine de télévision lui appartenant, est exclu de Nouvelle démocratie, dans le cadre d’une opération de recentrage de la droite conservatrice, et qu’il crée le LAOS, l’Alarme populaire orthodoxe. Ce parti populiste d’extrême droite vient combler un vide dans le paysage politique grec puisqu’il n’existe alors aucune formation d’extrême droite. Il n’est pas du sérail, ses adversaires le sous-estiment.
Georges Karatzaferis se fait d’abord remarquer par ses dérapages. En 2001, il demande une enquête contre le Mossad après les attentats du 11-Septembre. En 2002, il présente quatre candidats ouvertement néo-nazis sur sa liste régionale. La même année, il obtient 13,7% des voix aux élections municipales et ses représentants font leur entrée dans de nombreuses assemblées locales. Le parti s’est d’abord opposé farouchement, au cours des dernières années, aux réformes du gouvernement Papandréou.
Mais, depuis le début de la crise grecque, fort de son groupe parlementaire charnière, Georges Karatzaferis, 64 ans, s’affiche comme un homme politique au-dessus de la mêlée, ne voulant que « œuvrer pour le bien de la Patrie ». Ainsi, à la surprise générale, a-t-il voté avec les députés socialistes le premier plan de sauvetage de la Grèce, concocté par l’Union européenne et le FMI en 2010.

Une opportunité que le LAOS ne compte pas manquer

Hétéroclite et opportuniste, l’Alarme populaire orthodoxe n’en reste pas moins figée sur un nationalisme intransigeant : en 2010, lors du débat sur l’adoption d’un projet de loi assouplissant la législation sur les immigrés, ses députés avait dénoncé haut et fort un risque d’« invasion » étrangère et défendu « l’homogénéité » du pays.
Devenu quatrième formation parlementaire du pays, derrière les socialistes du Pasok, la Nouvelle Démocratie et le Parti communiste – qui, lui, n’est pas entré dans le gouvernement d’union -, le Laos est crédité dans trois récents sondages, parus le week-end dernier – juste avant la démission de Papandréou – d’intentions de vote comprises entre 5,5 % et 5,8 %.

Jusqu’à présent, l’extrême droite ne semble donc pas avoir profité politiquement du chaos qui frappe la Grèce. En entrant au gouvernement, notamment au ministère des transports – en première ligne lors des grèves -, le parti gagne en légitimité et crédibilité. Karatzaferis fait le choix d’une stratégie de long terme plutôt que le coup sans lendemain. S’il est contraint de laisser de côté pour un temps ses réflexes populistes, nul doute qu’ils ne tarderont pas à ressurgir. L’Europe ferait bien, dans les circonstances exceptionnelles qu’elle traverse, de se méfier des leaders auxquels elle distribue des brevets tout neufs de respectabilité.    

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