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Référendum en Grèce : oui ou non à l’euro?

[image:1,l]Si la défection de deux parlementaires de son camp, annoncée jeudi 3 novembre au matin, ne lui permet pas d’obtenir la confiance du parlement demain, vendredi, le référendum voulu par Georges Papandréou aura-t-il bien lieu ? Tant que le Parlement ne s’est pas prononcé, il convient de rester prudent. Il pourrait obtenir ailleurs les voix nécessaires à condition de convaincre que la priorité est désormais l’organisation du référendum et qu’il sera toujours temps, après, de voir qui les Grecs souhaitent aux commandes. Retour sur la « crise du référendum ».


A priori, le Premier ministre grec n’a pas tenu sa parole. La condition sine qua non de l’accord obtenu aux forceps, lors du sommet de la zone euro à Bruxelles, au petit matin, jeudi dernier – le 27 octobre –, était l’adoption d’une série de mesures d’austérité. Représentant démocratiquement élu, Georges Papandréou s’était engagé au nom de la Grèce et au nom des Grecs. Jamais, nous dit-on, n’avait-il été question de soumettre l’accord en question à l’approbation du peuple sous quelque forme que ce soit, élections législatives anticipées ou référendum. Le Premier ministre s’était implicitement porté garant du soutien de sa majorité, ou d’une majorité, au Conseil des Grecs, le parlement national.


Très vite, acteurs et commentateurs s’interrogent : à quoi joue Papandréou ? A-t-il perdu la tête ? Alors que depuis plus de cinq mois les manifestations, parfois violentes, se multiplient à travers le pays, alors que, dans leur vie quotidienne, les Grecs ressentent profondément les effets de cette crise, le Premier ministre s’attendait-il à atterrir à Athènes sous les vivats, en sauveur de la patrie en danger ? A-t-il compris, avec les manifestations du vendredi 28 octobre, jour de la Fête nationale, que le spirale de la violence était irréversible – fût-elle encore le fait d’une minorité ? Croit-il au bon sens d’une majorité silencieuse et à sa bonne étoile politique ?


Papandréou a ses raisons que la zone euro se doit d’ignorer


Avant ce référendum, Georges Papandréou prévoit de demander ce vendredi la confiance du Parlement. Lors du dernier vote, à la fin de l’été, sa majorité sur 160 députés sur 300 s’était réduite à 153. L’aventure, c’est l’aventure…
Si tant est qu’il sauve sa tête et parvienne à mener à bien son plan, le Premier ministre envisage initialement une consultation au tout début de 2012. Il reste flou sur la question posée… C’en est trop pour les partenaires européens.
[image:2,s]Une fois de plus, Georges Papandréou saute dans un avion pour se faire tancer. Alors qu’ils pensaient disposer d’un peu de répit après l’accord de la semaine dernière et pouvoir se consacrer  aux enjeux plus globaux du sommet du G20, Nicolas Sarkozy et Angela Merkel reçoivent le Premier ministre grec à Cannes où ils se trouvent déjà, à la veille de l’ouverture du sommet. Lors d’une conférence de presse nocturne, le président français, les traits tirés, visiblement furieux, n’y va pas par quatre chemins : « Aux Grecs et à eux seuls de décider s’ils veulent continuer l’aventure avec nous ou pas. »


Fermez le ban. Que les Grecs décident vite, car, tant qu’ils n’auront pas décidé, l’Union européenne et le FMI ne verseront plus un sou à Athènes. Concrètement : prévu début novembre, le versement de la dernière tranche d’aide, une manne de 8 milliards, est suspendu… et, sans elle, c’est la faillite assurée du pays d’ici à Noël.


Oui ou non à l’euro : une question qui pourrait sauver le coup…


Georges Papandréou obtempère : il accepte d’avancer la date du référendum au 4 décembre et annonce que la question posée portera sur le maintien ou non dans la zone euro.
Il est de bon ton de prétendre que les peuples répondent rarement aux questions référendaires posées. Si l’on observe de plus près, on s’aperçoit que plus l’enjeu est clair, les conséquences du vote majeures, plus les électeurs tendent à faire preuve de sérieux – quelles que soient les arrière- pensées à l’égard de celui ou celle qui pose la question.
Demander aux Grecs s’ils sont pour ou contre le plan de sauvetage et les mesures d’austérité qu’il implique, c’est l’échec assuré. Les interroger, très précisément, sur le maintien ou non dans la zone euro laisse davantage de chance à un résultat positif. Évidemment que, dans les faits, les questions diffèrent peu, tout comme leurs conséquences. Mais, le « oui ou non à l’euro » a le mérite de la clarté. Et des sondages précédant l’annonce du référendum donnait une majorité de 70 % favorable au maintien dans la zone euro, alors que le plan de sauvetage était, lui, rejeté.


Le coup de colère des Européens, un coup de pouce à Papandréou


[image:3,s]Georges Papandréou n’a sans doute pas fait le voyage de Cannes pour rien. Alors qu’une partie de la population grecque dénonce la perte de souveraineté nationale qu’implique la résolution de la crise de la dette et accuse le Premier ministre d’aller prendre ses ordres à Bruxelles, Francfort, Washington… ou Cannes, mieux vaudrait-il sans doute que la campagne référendaire demeure une affaire greco-grecque, sans ingérence extérieure.
Dans ce contexte, le coup de colère de Cannes a le mérite de donner le ton : aux Grecs de décider mais que les choses soient claires, que l’opposition, par exemple, n’aille pas prétendre qu’il pourrait y avoir une « deuxième chance », il n’y en aura pas. Si le « non » l’emporte, la Grèce devra quitter l’euro, se créer une « nouvelle drachme », véritable roupie de Sansonnette… les conséquences seront terribles pour les Grecs et on ne peut pas écarter que certains spéculateurs, qui misent depuis plusieurs mois sur ce scénario catastrophe, s’efforcent de le reproduire ailleurs en Italie, en Espagne, voire en France. 


Un précédent dangereux


Un « oui » au référendum laissera aussi des traces. Bien sûr, sur le moment, certains ne manqueront pas de saluer le courage et l’habileté politique de Papandréou. Au prix d’un grand risque, il aura restauré sa légitimité politique en obtenant un mandat clair des Grecs et pourra, sans craindre le dérapage, mater le mécontentement minoritaire de la rue. Il promettra, à défaut de sang, des larmes et de la sueur, mais aussi, dès que possible, des lendemains qui chantent…
Dans tous les cas, ce référendum grec constitue un précédent qui pourrait susciter des envies ailleurs dans la zone euro. Après tout, si les Grecs peuvent choisir de rester dans l’euro, pourquoi les Italiens, les Portugais ou les Français ne pourraient-ils en faire de même ? Le danger, c’est une remise en cause supplémentaire de la démocratie représentative, un argument de plus pour les populistes. Le référendum permanent, comme, autrefois, sur un forum athénien, c’est illusoire – et dangereux. L’heure des choix doit rester le moment de l’élection. 

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