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Risques de fraudes et craintes pour la sécurité

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Lorsque Gameela Ismail a conduit sa campagne électorale dans les petites ruelles de Boulaq, la semaine dernière, le quartier ouvrier, traditionnellement calme, explosait dans une célébration impromptue et bruyante de la démocratie.
Un vieil homme a sauté sur la scène improvisée de la candidate, en entonnant un chant patriotique. Des dizaines d’hommes assis aux terrasses des cafés à proximité l’ont rejoint et, en fixant leurs narguilés, se sont mis à applaudir sur les paroles révolutionnaires.


La campagne électorale réveil l’enthousiasme démocratique de la population


[image:2,s]Madame Ismail, une ancienne présentatrice de télévision de 45 ans, actuellement en course pour les élections parlementaires, a répondu aux questions de la foule animée, sur des sujets variés allant du chômage à l’augmentation des prix alimentaires, en passant par la sécurité.
Forcément, elle n’avait pas toutes les réponses. Mais cela n’avait pas vraiment d’importance pour les gens qui l’écoutaient. Ils étaient simplement heureux de participer à ce genre d’activité politique qui aurait été impossible sous le règne de l’ancien président Hosni Moubarak.


« L’année dernière a marqué la fin d’une ère extrêmement sombre pour nous. Nous n’avions aucune perspective », déclare Ismail, qui a également couru et perdu les élections de 2010. « Cette élection sera différente. Maintenant, il y a de l’espoir pour les Égyptiens. »


Les risques de fraudes et de corruption sont toujours présents


Mais en regardant les choses sous la surface, on aperçoit des signes inquiétants qui suggèrent que certaines des vieilles habitudes électoralistes typiques de Moubarak et de son Parti national démocrate (PND) sont bel et bien vivantes, tant chez les candidats que chez les dirigeants militaires, qui semblent de plus en plus réticents à renoncer au pouvoir.


Pendant des décennies, les élections législatives en Égypte ont été dominées par le PND, qui a remporté la plupart des élections par des victoires écrasantes, mais toujours sous l’accusation de fraudes électorales et de violence étatique dans les urnes.
Amy Hamzawy, un candidat libéral en course dans une banlieue majoritairement de classe moyenne dans le nord du Caire, dénonce que des restes du système corrompu de l’époque Moubarak demeurent.


Un « marché des votes » puissant


[image:3,s] « L’Égypte possède toujours un marché dynamique géré par des « commerçants de votes » qui peuvent acheter des blocs de votes pour chaque candidat », écrivait cette semaine un journal local.


« Le défi auquel nous sommes confrontés est de savoir comment rester à l’écart du marché électoral et de sa corruption, en étant capables, en même temps, d’atteindre les zones qui subissent ce contrôle et communiquer aux électeurs sur la base d’un projet politique, et non sur une plateforme de corruption électorale », écrivait Hamzawy dans un journal indépendant le 12 novembre dernier.


Mahmoud Salem, un jeune candidat qui a débuté sa campagne dans le même quartier du Caire, affirme également avoir aperçu les signes de ce « marché électoral ».


« Soudain, on reçoit les offres de gens prêts à vendre des milliers de votes. Ou des gens qui disent qu’ils peuvent arranger des choses pour nous. Ou encore que nous pouvons battre n’importe qui » a confié Salem au GlobalPost le mois dernier, en ajoutant qu’il préférerait renoncer que gagner grâce à la corruption.


Les islamistes offrent de la nourriture pour gagner des votes


Certains candidats ont aussi crié au scandale pour l’utilisation présumée de nourriture pour influencer les électeurs.


Au début du mois de novembre, plusieurs candidats des Frères musulmans offraient de l’agneau et du bœuf comme acte caritatif pour célébrer la fête islamique de l’Aïd al-Adha. Les Islamistes ont également vendu des légumes à moitié prix aux résidents de certains quartiers du Caire.


« Ils offrent de la viande aux gens, après ils prennent leurs numéros de téléphone et ils les appellent pour demander leur vote aux élections. Ce n’est peut-être pas illégal, mais c’est sans doute malhonnête », dénonce Ziad el Elaimy, candidat à Helwan, dans le sud du Caire.


Défense d’accès aux observateurs étrangers


[image:4,l]« Le gouvernement militaire égyptien, qui a pris le pouvoir après l’éviction de Moubarak en février, a promis maintes fois de garantir des élections « libres et équitables », première étape d’une transition vers un pouvoir civil.


Mais l’armée a interdit à la plupart des observateurs étrangers la surveillance du vote, considérée une attente à la souveraineté nationale. Seulement un groupe étranger, le Centre Carter, s’est vu accorder un accès limité pour « témoigner » le vote, mais non pas pour l’observer. Les élections tunisiennes du mois dernier, en revanche, ont eu lieu avec la présence de centaines d’observateurs électoraux étrangers, ainsi que des milliers de locaux.


L’armée réticente à quitter le pouvoir ?


Beaucoup de groupes non gouvernementaux égyptiens qui surveillent les élections ont déclaré que même eux se sont vus nier toute autorité d’intervention réelle dans le cas de fraudes.
Les Égyptiens les plus cyniques pensent que de tels mouvements montrent à quel point les militaires hésitent à remettre le pouvoir à des dirigeants démocratiquement élus qui auraient des pouvoirs de surveillance sur le budget immense, et secret, de l’armée.


Les retards de la commission électorale égyptienne dans la compilation d’une liste de candidats complète ont ultérieurement érodé la confiance du public dans le processus électoral. À un peu moins de deux semaines du vote, beaucoup de monde au Caire n’a encore aucune idée de qui participe aux élections dans leur circonscription.
« La façon dont ils ont géré ce processus électoral a surpris même tous ceux qui regardaient les élections avec optimisme », a déclaré Negad el-Bora, un avocat des droits des hommes égyptiens. « Ils ne veulent écouter personne. Nous avons essayé et réessayé et nous ne pouvons pas les forcer. »


L’alarme des juges : risques pour la sécurité


Beaucoup d’Égyptiens remettent leurs espoirs à la Justice du pays, qui enverra environ 10 000 juges et autres fonctionnaires pour administrer le processus de vote, prévu pour le 28 novembre.
Mais, même les juges ont leurs doutes. Beaucoup sont inquiets pour leur sécurité, selon Amir Adel Ramzi, l’un des juges les plus importants de Tanta, une ville du nord.
Les policiers qui ont fui leurs postes après le soulèvement de janvier dernier, en laissant la nation instable avec un vide sécuritaire dangereux, ne sont pas encore de retour.
Et le mois dernier, des milliers de policiers ont fait grève dans tout le pays pour exiger de meilleurs salaires et des avantages sociaux. Selon la presse locale, certains ont menacé de laisser les bureaux de vote sans surveillance si leurs revendications n’étaient pas satisfaites.
« Le problème principal des prochaines élections en Égypte est le manque de sécurité. Ça risque d’être dangereux. Je ne suis pas optimiste », confie Ramzy.


GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press

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