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Si Berlusconi partait…

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[image:1,l] lundi 7 novembre au matin, la rumeur naît, lancée par deux journalistes proches du Cavaliere, qu’il serait sur le point de présenter sa démission. Peu après, Silvio Berlusconi dément catégoriquement toute intention de démissionner – sur sa page Facebook. Il reste convaincu qu’il a toutes les cartes en main pour l’emporter une fois de plus devant la Chambre des députés : « Je vais leur demander de voter la confiance, ils devront se prononcer sur la lettre présentée à l’UE et à la BCE. J’ai hâte de voir la tête de ceux qui essaieront de me trahir », a-t-il déclaré, dans l’après-midi, au cours d’une conversation téléphonique avec la rédaction de Libero, un des quotidiens qui lui restent fidèles. Mardi 8 novembre, la Chambre des députés vote sur la loi de Stabilité financière. L’Italie s’enfonce, chaque jour davantage, dans la crise économique, et l’Union européenne lui demande de procéder à des reformes immédiates : c’est l’objet de ce texte. Berlusconi l’emporte, mais il n’a plus la majorité absolue. Dans la soirée, après une rencontre avec le président de la République Georgio Napolitano, Il Cavaliere démissionnerait, une fois adoptée la loi de Finances pour 2012.

Berlusconi consentira-t-il vraiment à démissionner ? Si c’est le cas, l’Italie se dirigera-t-elle vers des élections anticipées ou bien assistera-t-on à la mise en place d’un nouveau gouvernement avec une majorité renouvelée ? Des hypothèses sont avancées, les noms de possibles successeurs du Cavaliere commencent à circuler. État des lieux.

Scénario n° 1

Un gouvernement de techniciens dirigé par Mario Monti

[image:2,s]Un gouvernement dit « technique » de technocrates experts en leur domaine est une solution de sortie ou gestion de crise déjà éprouvée en Italie. C’est l’un de ces gouvernements, dirigé par le haut fonctionnaire Lamberto Dini, qui, déjà, avait succédé au premier cabinet Berlusconi en 1995. C’est, semble-t-il, la solution préférée de l’opposition. À sa tête, l’on retrouverait une figure à l’autorité reconnue, détachée de l’emprise des partis politiques et chargée de garantir, sur une durée probablement prédéfinie, l’adoption des mesures les plus importantes, telles que les politiques économiques exigées par l’Union européenne ou la réforme de la loi électorale.

Le favori pour prendre la tête d’une telle équipe est Mario Monti. Cet économiste lombard a été commissaire européen de 1995 à 2004, et il est actuellement président de l’université Bocconi de Milan. Il a été un des plus fervents partisans de la monnaie unique en Italie. Il jouit de l’estime de la majeure partie de ses compatriotes et son prestige se révèle indéniable sur la scène internationale.

En juillet, dans un article publié par le quotidien La Stampa, Monti s’était déclaré prêt à devenir Premier ministre dans le cas d’une éventuelle démission de Silvio Berlusconi. En septembre, il a, de nouveau, confirmé sa disponibilité, après une autre crise gouvernementale avortée. L’opposition accueillerait avec bienveillance la candidature de cet économiste. Le secrétaire du Parti démocrate, le principal parti d’opposition, Pier Luigi Bersani, a fait comprendre qu’il approuverait le choix de Monti pour guider la transition. Lundi, l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana titrait : « Recommencer avec Mario Monti ». Selon la revue, « l’ancien commissaire européen peut rassembler les forces politiques et guider un gouvernement capable de nous sortir des marécages ». Le journaliste Francesco Anfossi ajoute ironiquement que Mario Monti dispose d’un atout important qui pourrait même plaire au sulfureux Umberto Bossi et à sa Ligue du Nord : il est de Varese, en Lombardie, et donc suffisamment « nordiste ».

Scénario n° 2

Un gouvernement de centre droit « élargi », avec Gianni Letta ou Renato Schifani

[image:3,s]Un autre scénario conduirait à la mise en place d’un nouveau gouvernement de centre droit. Conscient de son incapacité à rester aux commandes, Silvio Berlusconi pourrait déjà être en train de préparer sa succession pour faire en sorte qu’un éventuel gouvernement de transition soit guidé par un de ses hommes de confiance. Il guiderait ainsi personnellement, à distance, la transition, et continuerait à exercer son influence sur le gouvernement, tout en préparant l’arrivée au pouvoir de son poulain, Angelino Alfano. L’homme de confiance appelé à remplir cette tâche : Renato Schifani ou Gianni Letta.

Renato Schifani, avocat sicilien, est président du Sénat depuis 2008. Membre de Forza Italia, le premier parti de Berlusconi, depuis sa fondation en 1994, Schifani est un fidèle parmi les fidèles du Cavaliere. Il a été le porte-parole, puis le président du groupe parlementaire du PDL au Sénat. La candidature de Schifani, ancien membre de la Démocratie Chrétienne, pourrait éventuellement bénéficier de l’appui de l’Union du Centre, le parti catholique de Pier Ferdinando Casini.

[image:4,s]Gianni Letta, journaliste et homme politique, politiquement et personnellement très proche du Cavalière, a été secrétaire d’État à la présidence du Conseil dans tous les gouvernements de Silvio Berlusconi. Le 6 novembre, après le G20 de Nice, Letta a invité Berlusconi à prendre pleinement conscience de la « situation dramatique » dans laquelle se trouve le pays. Dans la foulée, il a « présenté sa démission et fait part de sa disponibilité pour la mise en place d’un gouvernement d’urgence nationale ».

Lundi matin, lors d’une conférence de presse au Palazzo Chigi, siège du gouvernement, Letta a voulu rassurer la communauté internationale : l’Italie respectera ses engagements pris auprès de l’Union européenne, « quels que soient les événements, au nom du principe de la continuité administrative ».

Un éventuel gouvernement d’entente élargie guidé par Letta ou Schifani exigerait le soutien du Troisième pôle, une coalition composée par l’Union du centre de Pier Ferdinando Casini et les dissidents du Parti de la Liberté, conduits par Gianfranco Fini. Casini a fait savoir que, malgré l’estime qu’il porte à Gianni Letta, le Troisième pôle n’était pas disposé à soutenir un nouveau gouvernement de centre droit.

De son côté, le secrétaire du Parti démocrate, Pier Luigi Bersani, a déclaré que son parti était prêt à soutenir un gouvernement mené par une personnalité extérieure à la politique et dotée d’un réel prestige international, mais en aucun cas un gouvernement Letta ou Schifani, car cela équivaudrait à « maintenir en vie artificiellement le gouvernement de Berlusconi ».

Scénario n° 3

Un gouvernement d’union nationale : PDL + PD + Troisième pôle

[image:5,s]La troisième hypothèse est celle d’un gouvernement d’union nationale qui s’appuierait sur les trois principaux partis – le Parti de la Liberté (PdL), le Parti démocrate (PD) et le Troisième pôle – et serait dirigé par une personnalité qui se placerait au-dessus des partis.

Ce ne serait pas un gouvernement technique, mais bien politique, car il résulterait d’un accord entre les principaux partis, avec pour objectif de garantir la mise en œuvre des réformes nécessaires compte tenu de la situation du pays.

Lancée pour la première fois par Pier Fernandino Casini au cours de l’été, et alors immédiatement écartée, cette hypothèse pourrait revenir en vogue sous l’effet de la pression grandissante de l’UE, qui met l’Italie face à l’urgence de sauver son économie. L’obstacle principal à cette solution réside dans la position de la Ligue du Nord, récalcitrante à tout compromis avec l’opposition. Lundi après-midi, même le ministre du Travail, Maurizio Sacconi, s’est dit extrêmement opposé à une solution de ce genre.

Scénario n° 4

Berlusconi fait de la résistance…

La survie du gouvernement Berlusconi n’est pas une hypothèse à exclure. Ce n’est pas la première fois que ce gouvernement semble sur le point de tomber. Des surprises de dernière minute sont toujours possibles. Le Cavaliere pourrait réussir à récupérer les voix d’une partie des « mécontents » qui ont quitté le PDL au cours de ce dernier mois. On pourrait aussi assister à de surprenants « retournements de vestes » de la part de membres de l’opposition, comme ce fut le cas en décembre 2010 avec la formation d’un groupe dit des « Responsables » qui ont décidé, alors, de voter la confiance au gouvernement… pour éviter le désordre et l’instabilité gouvernementale.

Il s’agirait, néanmoins, d’un équilibre très précaire qui obligerait Berlusconi à une négociation perpétuelle pour mettre en place les réformes nécessaires à la relance de l’économie. Une voie qui apparaît impraticable dans la situation que traverse le pays, soumis aux pressions de plus en plus fortes de l’UE et du FMI.

Scénario n° 5

Le retour aux urnes

[image:6,s]La dernière, mais non improbable, alternative est celle d’élections anticipées. C’est un scénario évoqué par Berlusconi lui-même, tant il est opposé à toute hypothèse conduisant à la mise en place d’une équipe alternative. Dans ce cas-là, les élections pourraient avoir lieu dans deux mois, le temps requis pour l’ouverture officielle de la crise de la part du président de la République et la dissolution formelle des deux chambres – et probablement en tout début d’année 2012. Cette solution n’arrangerait personne. Tout d’abord, les partis de la majorité, PDL et Ligue du Nord, mal en point dans les derniers sondages, mais aussi le Parti démocrate, qui n’a pas encore choisi son leader ni dépassé les limites que génère une éventuelle coalition avec, à la gauche de la gauche, le parti Gauche et Liberté de Nichi Vendola.

Avec le vote de la loi de stabilité prévue ce mardi 8 novembre, on saura si le gouvernement dispose encore d’une majorité au Parlement. Berlusconi a déclaré vouloir solliciter la confiance du Parlement à travers un vote de confiance au Sénat sur les mesures anti-crises promises à l’UE. Ce serait le 52e vote de confiance sollicité par le gouvernement Berlusconi depuis 2008. Mais la crise pourrait s’ouvrir très vite. Les présidents des groupes à l’opposition se réuniront mardi matin pour décider de la présentation d’une éventuelle motion de censure contre le gouvernement dans le cas où Berlusconi ne présenterait pas ses démissions.

Les péripéties parlementaires de ces prochains jours seront suivies de près par les représentants de la Commission européenne chargés de suivre les progrès de Rome dans son effort de relance économique. Entre-temps, le Commissaire des Affaires économiques Olli Rehn a assuré que la mission de surveillance de l’UE sera mise en place en Italie, avec ou sans Berlusconi.

 

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