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Silvio Berlusconi sur le départ, Mario Monti pressenti

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[image:1,l]« Primavera, primavera », scande la foule en liesse. Descendus dans les rues de Rome, en cette fraiche soirée d’automne du samedi 12 novembre, les opposants à Silvio Berlusconi veulent croire au printemps, un « printemps » façon rive sud de la Méditerranée. Après 20 ans de vie politique et neuf ans – en trois passages – à la tête du gouvernement, Berlusconi dégage.


Samedi soir, Rome est en fête


Devant le Palazzo del Quirinale, la résidence officielle du président de la République italienne où le président du conseil démissionnaire est attendu, ils sont nombreux, plusieurs milliers, à l’attendre. Un orchestre improvisé entame « Alleluia, Alleluia ! », les automobilistes répondent par des concerts de klaxons. Sur une pancarte, un message simple : « 12 nov. Festa di Liberazione ». Le ton est donné.


Un départ sous les huées


Lorsqu’arrive le cortège d’Il Cavaliere, des huées s’élèvent et les slogans deviennent franchement hostiles : « Va te faire… ! » Un départ dans la grossièreté et la vulgarité pour celui qui avait fait des lazzis et quolibets une arme politique. Un retour de bâton… que la présence de quelques supporters ne couvre pas.



Vers la formation d’un nouveau gouvernement


Silvio Berlusconi a, cette fois, tenu sa parole : celle de démissionner une fois adoptées, par les deux chambres du parlement, les mesures d’austérité, imposées par la crise de la dette et supervisées par l’Europe. Reste qu’il y a urgence. Lundi 14 novembre au matin, à l’ouverture des marchés, l’Italie se doit d’avoir un nouveau président du conseil et un gouvernement en ordre de marche.
Un dimanche de négociation pour le président de la République, Georgio Napolitano. Comme l’impose la constitution italienne, et une longue expérience de crises ministérielles, il recevra d’abord le président du sénat, Renato Schifani, puis celui de la chambre des députés, Gianfranco Fini. Après, viendront le tour de délégations de différents groupes parlementaires puis celui des anciens présidents de la République.


Mario Monti est le grand favori pour succéder à Berlusconi


Une série de consultations présidentielles qui devrait aboutir, sauf surprise, à confier à un économiste de 68 ans, Mario Monti, dix ans commissaire européen – au marché intérieur puis à la concurrence, la charge de constituer un nouveau gouvernement. Mercredi dernier, il a été nommé, par décret présidentiel « sénateur à vie », et a été accueilli par une ovation dans l’hémicycle vendredi. Sans attendre, Christine Lagarde, directrice générale du FMI, et Mario Draghi, gouverneur de la BCE, lui ont apporté leur soutien.



Du Quirinal, on aperçoit en contre-bas le Vatican – et comme pour un conclave, les négociations en cours pourraient aboutir à une surprise. Dans l’hypothèse la plus probable d’un gouvernement d’union, le nom d’un autre « sauveur » circule, celui de Giuliano Amato, 73 ans. Un homme affable pour succéder à un homme à femmes. « Docteur subtil » comme l’a surnommé la presse italienne en hommage à son habileté à créer le consensus et à son savoir-faire politique, a déjà été à deux reprises président du conseil, de 1992 à 1993 puis de 2000 à 2001. Marqué à gauche, il fut, dans les années 80, l’allié clé du président du conseil socialiste Bettino Craxi, un autre très proche de Berlusconi. Mais serait-ce bien dans l’ordre des choses si l’on se souvient que c’est Berlusconi qui, à deux reprises, lui a succédé – et non l’inverse.


Un gouvernement « technique », dimanche soir ou lundi matin


Le président du conseil investi entamera alors, à son tour, des négociations afin d’aboutir à un compromis sur la représentation des différentes forces politiques dans une nouvelle équipe qui devrait être marquée par une forte représentation des technocrates. Dimanche soir ou lundi matin, l’Italie aura un gouvernement dit « technique » comme après le premier départ de Berlusconi, en décembre 1994, et son remplacement par le haut-fonctionnaire Lamberto Dini.


Et après ?


Le terme légal du parlement n’intervient pas avant 2013 et bien des incertitudes demeurent quant aux soutiens dont bénéficiera la nouvelle équipe et au mandat qui lui sera confié. La Ligue du Nord d’Umberto Bossi, deuxième pilier de la majorité berlusconienne, ne semble pas disposée à soutenir Monti. A l’inverse, l’opposition et, à sa tête, le Parti démocrate de Pier Luigi Bersani jouera le jeu, tout comme les partis centristes.
Du côté du Peuple de la Liberté, le parti de Silvio Berlusconi, des divisions apparaissent. Si certains considèrent un gouvernement technique comme la meilleure option pour l’année à venir, permettant à la fois de faire face à la crise et de tourner la page politique d’Il Cavaliere. Mais, ils posent leurs conditions, comme la nomination de Gianni Letta à la vice-présidence du conseil. D’autres, au contraire, dans les mêmes rangs, font le pari d’élections anticipées rapides qui, grâce à l’impréparation de la gauche, verraient une victoire de la droite. Mais, à 41 ans et dans les circonstances actuelles, le « dauphin » désigné de Berlusconi, l’ancien ministre de la justice, Angelino Alfano parait encore bien tendre et gagnerait à disposer d’un délai supplémentaire s’il doit, un jour, affirmer son leadership.


Adieu Silvio ?


L’Italie en a-t-elle fini avec Silvio Berlusconi ? Au cours de l’été, en pleine tourmente judiciaire, le président du conseil a laissé entendre qu’il se préparait à l’exil. Son île de Sainte-Hélène pourrait être Antigua, dans les Caraïbes, où celui-ci possède un complexe de villas. A lui, les soirées « Bunga, bunga » sous le soleil des tropiques, lui promettront les malicieux… Mais, il lui faudra aussi surveiller les suites des procès qui le menacent toujours, malgré la bienveillance de l’administration judiciaire.


[image:2,s]Mais, Il Cavaliere est un combattant et, malgré les images frappantes de son départ, il conserve une certaine popularité dans une frange non négligeable de la population italienne. Mieux vaut ne pas se fier à la seule réaction des très métropolitains Romains… Dans un premier temps, Silvio Berlusconi pourra s’occuper, de nouveau, de ses affaires et, par exemple, de sa « danseuse », le club de football du Milan AC, auquel il est tant attaché…
Mais, à 75 ans, rêvera-t-il d’une revanche en politique ? En octobre 2013, députés et sénateurs éliront le prochain président de la République italienne, autorité morale et dernier recours, comme le montre Georgio Napolitano en ces temps perturbés. Que la droite remporte les prochaines élections, anticipées ou pas, et Berlusconi pourrait s’imaginer finir sa vie, politique ou pas, au Quirinal. Peut-être le rêve de trop… 

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