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Après le retrait américain, un équilibre si précaire

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Les motivations obscures de la guerre en Irak


Loin de renforcer le pouvoir et le prestige des États-Unis, cette guerre les aura, au contraire, considérablement réduits. Une guerre née d’un orgueil démesuré, de la peur et de l’esprit de revanche nés du traumatisme du 11 Septembre et, peut-être, l’histoire en décidera, d’une querelle personnelle et familiale d’un président contre un dictateur détestable, mais qui n’avait en rien, aidé ou encouragé les attaques contre les États-Unis.
[image:2,s]L’orgueil animait, indéniablement, les dirigeants américains de l’époque. Le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, ne confiait-il pas que le « choc et la crainte » viendraient à bout de n’importe laquelle des résistances irakiennes. George W. Bush, alors président des États-Unis, n’osa-t-il pas se pavaner sur un porte-avions en tenue de pilote, sous la bannière « Mission Accomplie » ?


L’entêtement de l’administration Bush


Ce fut l’orgueil qui mena l’administration de Bush à ignorer les conseils des soldats professionnels et des diplomates. L’orgueil, une fois de plus, qui la poussait à croire que le pouvoir américain était si inébranlable que des connaissances sur l’histoire, la culture et les traditions irakiennes n’étaient pas nécessaires. Elle avait gardé l’image d’une Europe de l’Est se libérant du contrôle de l’Union Soviétique et pensait qu’il suffirait d’envoyer de jeunes Américains formés aux solutions conservatrices à Bagdad, et de les charger de créer de nouveaux impôts, pour les convertir à la démocratie et au capitalisme libéral.
[image:3,s]Certes, la peur était présente. La peur qu’un « weapon of mass destruction  », une arme nucléaire irakienne puisse un jour menacer les États-Unis, Israël ou l’Europe. Le temps et les efforts prouveront qu’aucune arme de destruction massive ne se trouvait dans le pays.
Ce fut aussi perçu comme une revanche pour ceux qui périrent dans les attentats du 11 septembre, bien que l’Irak n’ait rien eu à voir avec ça : il était important d’attaquer de plus grandes terres musulmanes que l’Afghanistan pour prouver que les États-Unis avaient la solution. L’administration Bush continuera de frapper l’Irak malgré l’absence de liens avec les attentats, malgré le manque de preuves, avant ou après.


Une guerre d’idéaux


Ce fut une guerre menée par des théoriciens, des idéologues qui n’avaient encore jamais vu de combats, une guerre d’intellectuels comme Paul Wolfowitz, Richard Perle et d’autres. Distraits par leurs idéaux néo-conservateurs et les théories néo-impérialistes qui rendent légitime l’usage de la force lorsqu’il s’agit d’imposer la démocratie à des peuples accusés d’ignorance, à des esprits envahis par l’obscurité, qui n’avaient pas la chance d’être guidés par une main américaine. Avec la création d’un État démocratique dans le Monde Arabe, la démocratie et le libre-échange devaient se répandre à travers la région, pensaient-ils.
[image:4,s]Certains pensaient même qu’un Irak contrôlé par les États-Unis entretiendrait des rapports amicaux avec Israël, et ainsi modifierait la dynamique des relations israélo-arabes au Moyen-Orient. D’autres considéraient qu’il serait pratique de contrôler le pétrole irakien, de rompre l’étau de l’OPEC sur les ressources mondiales.


Une situation instable


Ce que l’invasion de l’Irak a réveillé, ce sont les rivalités autrefois disparues : Sunnites contre Chiites, et les Kurdes contre le reste. Et, en dépit de près d’une décennie d’occupation, aucun de ces problèmes n’a été résolu. Les Sunnites ont toujours les mêmes tentations hégémoniques. Les Chiites veulent consolider leur nouveau pouvoir, et les Kurdes rêvent encore d’être les maîtres de leur propre région, sans ingérence de Bagdad.
Les actuelles accusations à l’encontre du vice-président Tariq al-Hashimi sont un cas d’école. Soit, il aurait mis en place des escadrons de la mort, soit ces accusations ont été inventées afin d’intimider les Sunnites. Dans les deux cas, les arrangements fragiles du pouvoir irakien en souffrent.
Le grand gagnant reste l’Iran qui a considérablement augmenté son influence dans la région. Bien qu’il reste à voir si la vieille rupture entre arabo-persiques divisera la solidarité chiite entre Téhéran et le nouveau gouvernement chiite irakien.


Les États-Unis répètent les mêmes erreurs ?


Cette sortie d’Irak rappelle une autre guerre, il y a près de 40 ans. Une guerre qui s’acheva par le départ des derniers soldats américains de Saigon en 1973. Pour l’occasion, une brève cérémonie fut organisée durant laquelle il leur avait été remis une photo de Ho Chi Minh par un représentant du Vietnam du Nord. Comme maintenant, les querelles fondamentales n’avaient pas été résolues, mais les États-Unis espéraient avoir suffisamment soutenu le gouvernement du Vietnam du Sud pour assurer « un intervalle décent » en reprenant les mots de Henry Kissinger, entre leur départ et un effondrement quelconque.
La véritable fin n’est intervenue que deux ans plus tard lorsque je me retrouvais à grimper à bord d’un hélicoptère américain depuis l’Ambassade américaine, pendant que les tanks du Vietnam du Nord pénétraient dans Saigon.


C’est ainsi que les Soviétiques quittaient l’Afghanistan en 1989, à bord de leurs véhicules armés faisant route vers le nord, traversant la rivière Oxus, par là même où ils étaient arrivés. À la façon des Américains qui quittaient l’Irak, par la même route qu’ils avaient empruntée à leur arrivée, espérant que le régime qu’ils laissaient derrière eux tiendrait le coup. Pendant un moment, le régime que les Soviétiques avaient laissé derrière eux a tenu le coup. Près de deux fois plus longtemps que le régime laissé par les Américains après leur départ de Saigon, comme les Russes se plaisent à le rappeler.


Un pays devenu dépendant


Ce serait de la folie d’imaginer prévoir si les Irakiens viendront, ou non, à bout des forces centrifuges qui menacent de déchirer leur pays maintenant que les Américains sont partis. Folie aussi que de prévoir si les prochains mois, ou les prochaines années, ne seront qu’une transition vers un retour au chaos.
Une leçon que les Russes et les Américains ont apprise de leurs deux dernières guerres perdues : si vous voulez que les régimes que vous laissez derrière vous tiennent bon, il est bon de fournir des provisions et de l’argent. Saigon tomba après que le Congrès américain avait coupé les fonds et l’accès à l’armement. Le régime afghan, que les Soviétiques ont laissé derrière eux, est, quant à lui, tombé à la chute de l’URSS.


Des promesses, rien que des promesses


L’administration Obama a promis de maintenir l’aide américaine dans les pays ravagés que ses soldats ont quittés. Mais, qui peut dire combien de temps durera cette promesse et dans quelle quantité elle sera honorée, maintenant que le baromètre économique est à la baisse et que le monde semble avancer inexorablement vers la dépression ?


GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press


 

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