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Diablo III, ou comment vivre d’un jeu vidéo

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Une addiction aux jeux vidéos peu lucrative


Évidemment, c’est amusant de crier d’une étrange voix digitale sur de maléfiques dragons hyper intelligents… Le plaisir est identique avec les jeux tactiques en temps réel, semblables à une version des échecs où s’enchaînent mêlées stratégiques. Mais, pendant que vous jouez, vous ne gagnez pas d’argent, et il faut bien vivre…
Voilà l’une des seules choses qui a toujours échappé aux nerds sous-payés du monde entier, souffrant inlassablement dans leurs emplois pénibles alors qu’ils ne peuvent s’empêcher de rêver à leurs ordinateurs restés à la maison – comment vivre de son obsession des jeux vidéo ?


L’apparition de fermes digitales, gain à la clef


Dans certaines parties de l’Asie, des entrepreneurs créatifs ont trouvé la solution. Ainsi, en Chine ou au Vietnam, des entreprises, appelées « fermes d’or » par les joueurs occidentaux, emploient de plus en plus de vrais travailleurs. Ils s’assoient face à leurs ordinateurs et creusent les mines digitales du populaire Word of Warcraft (WoW pour les intimes), un jeu de rôle où les joueurs se retrouvent en ligne pour ensuite vendre la production à une majorité de joueurs occidentaux.


De l’argent réel, au virtuel


Ces transactions sont effectuées grâce à Paypal et, une fois que l’argent réel a été distribué, l’acheteur peut approcher un personnage virtuel du jeu auprès duquel il récupère l’argent factice.
Dépenser de vrais dollars pour une monnaie digitale peut sembler absurde. Néanmoins, de nombreux joueurs passionnés préfèrent payer pour de l’or virtuel plutôt que de passer des heures à en rassembler eux-mêmes, de la façon que l’avaient prévu les développeurs du jeu, en anéantissant une succession interminable d’ennemis.   


Une économie digitale aux gains importants


Pour des pays comme le Vietnam, ces économies digitales sont en train de rapporter gros. D’après le rapport d’une banque mondiale, publié en avril, la vente de biens digitaux devient si lucrative dans quelques pays en développement qu’elle pourrait financer d’importants projets d’infrastructures.
Ce troisième secteur des services de jeux, comme il est communément appelé, comptabilise près de 3 milliards de dollars de revenus à travers le monde. Des gains dont la plupart restent dans le pays où ils ont été dégagés. Pour mettre ce chiffre en perspective, la production de café dans le monde rapporte environ 70 milliards de dollars, mais seulement 5,5 milliards reviennent aux pays producteurs.
Il semblerait donc que l’or de World of Warcraft, que vous venez de payer 20 dollars, participe d’une certaine manière au commerce équitable. Et, en prime, vous jouez sans éprouver de sentiment de culpabilité.


Des créateurs initialement opposés au principe…


Les créateurs de WoW se sont toujours opposés à ces pratiques, bannissant les comptes des joueurs et fermiers y participant. Les développeurs du jeu expliquent, qu’au même titre que l’impression de billets conduit à l’inflation, ces récoltes d’or digital peut ruiner toute l’économie d’un jeu et pousser des joueurs à abandonner.
Pour un jeu qui survit grâce à un abonnement mensuel de 15 dollars, les développeurs de la société Blizzard (à qui l’on doit notamment WoW) – le Starbucks de l’industrie du divertissement – ne peuvent s’offrir le luxe de ces pratiques.


… mais séduits par la rentabilité


Désormais, plutôt que de contrôler des millions de joueurs, Blizzard s’essaie à une nouvelle stratégie qui prend en compte le marché noir digital et lui permet de tirer profit de ces échanges d’argent.
Pour la vente de leur blockbuster de 2012, la mise à jour de la très populaire série Diablo, Blizzard a prévu d’ajouter une avenue consacrée à la vente d’armes et d’équipements dans le jeux. Cette décision pourrait contribuer de manière significative à développer le marché des fermes digitales dans les pays en développement mais aussi développés. La communauté du jeu est en effervescence à l’idée de sortir de sa boîte, prête à vendre des équipements de « tueurs de démons »  à plein temps, d’où les joueurs le souhaitent.
En échange, Blizzard récupérera une commission « symbolique » à chaque vente d’objet.


Une décision controversée


Tout le monde, bien entendu, n’a pas accueilli ce changement à bras ouverts. Alors que l’étendue et la rentabilité de la place du marché de Diablo III sont encore inconnues, des groupes rassemblant quelques joueurs rusés et mécontents s’inquiètent à l’idée de voir les développeurs glisser de la création d’un jeu attachant et divertissant, à celui d’un monde rentable – tout en récoltant le butin amassé par un fermier vietnamien.
Dans une interview réalisée en août, le vice-président du développement du jeu de la société Blizzard, Rob Pardo, rassurait la communauté quant aux intentions de la société en ce qui concerne la place du marché et l’échange réel d’argent.
« La façon dont nous essayons d’organiser les transactions n’est pas un exemple flagrant de notre capacité à concevoir ou manipuler le jeu différemment afin de récupérer plus d’argent lors d’une vente aux enchères. Je veux nous protéger, ainsi que les joueurs, de telles éventualités » confiait-il.


La nouvelle face des jeux vidéos


Même s’il faut attendre pour voir si le système économique de Diablo III conduira à une demande de biens digitales similaire à celle de World of Warcraft, et, par extension, à celle du troisième secteur des services de jeux dans les pays en développement, l’incorporation de vrais dollars changera certainement la façon de jouer.
En cette période de vacances, soyez donc à l’affût des ventes d’épées « tueuses de démons »  et de « coupes enchantées ». Ce pourrait être le cadeau parfait pour un ami gamer.


GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay pour JOL Press

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