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Jusqu’où pourront aller les Islamistes?

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La peur d’un Maroc islamisé a surgi chez de nombreux Marocains lorsque les islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD) sont sortis vainqueur des élections, en novembre dernier.


Ces Marocains, attachés aux valeurs de laïcité, se demandent dans quelle mesure, le nouveau gouvernement instituera des changements radicaux, pour appliquer la loi islamique.


Qu’ils se rassurent, malgré les récentes réformes constitutionnelles, le gouvernement nouvellement élu ne pourra pas prendre de grandes décisions. La plupart des pouvoirs restent entre les mains du roi.


Les islamistes sont main dans la main avec le roi


[image:2,s]Alors que les médias comparent les Islamistes du PJD à l’Ennahda des Tunisiens ou le Parti turc Justice et Développement, il semble que le parti marocain, dont la création a été encouragée par le régime dans les années quatre-vingt-dix, a toujours supporté les décisions prises par la monarchie. Le PJD avait, par exemple, refusé de rejoindre la protestation de février dernier, qui réclamait des réformes radicales pour le pays.


« La tendance actuelle, dans les sociétés arabes, est de choisir des représentants islamistes » déclare l’islamologue Mathieu Guidere. « Mais dans le cas du Maroc, c’est une transition plus contrôlée et régulée qu’en Tunisie. »


Après les premières manifestations, au Maroc, en février dernier, le chef de l’État, le roi Mohammed VI, avait immédiatement réagi en promettant plusieurs réformes. Sous ces ordres, une nouvelle constitution a été rédigée et approuvée par 95 % des électeurs lors d’un référendum en juillet dernier, comme pour prouver que le pays est sur la voie d’un véritable changement démocratique


Une victoire démocratique


[image:3,s]En novembre, le PJD gagnait une majorité de sièges au Parlement, 107 sur 395, la plus grande victoire dans l’histoire contemporaine du Maroc. Le taux de participation s’est élevé à 45 %, un record par rapport aux élections de 2007 pour lesquelles seuls 37 % des votants s’étaient déplacés.


Dans un pays où de nombreux politiciens achètent les électeurs, le PJD a réussi à mobiliser un nombre très important de votants.


Le parti a fait de grandes promesses, s’engageant pour une rupture avec le passé, par une lutte acharnée contre la corruption et l’autocratie, et dénonçant les élus qui bénéficient de contrats gouvernementaux. Inspirés par le remarquable exemple de performance économique de l’AKP, parti au pouvoir en Turquie, le parti a également promis une croissance de 7 % dans un pays qui a une croissance annuelle de 4 % depuis quelques années, ainsi qu’une hausse de 30 % du salaire minimum.


De nombreux électeurs, qui n’adhèrent pas à l’idéologie religieuse du parti, ont choisi le PJD pour sanctionner les autres partis pour leurs nombreuses années d’échecs.


Mais la victoire du PJD n’est pas une surprise dans un pays qui a été « islamisé », depuis quelques années, par le régime, afin de combattre l’opposition de gauche.


Abdelilah Benkirane, l’homme fort du gouvernement


[image:4,s]Le 30 novembre, le roi Mohammed VI, selon la nouvelle constitution, a nommé Abdelilah Benkirane, la tête du PJD, Premier ministre, et lui a demandé de former un gouvernement de coalition. Abdelilah Benkirane, homme populaire chez les Marocains pour sa franchise, son humour, sa forte personnalité et son talent d’orateur, déclarait qu’il aborderait ce sujet, directement avec le roi, sans passer par de nombreux intermédiaires.


« Je voudrais que cette réunion soit courte pour éviter que les gens pensent que je vous donne des instructions ou que j’essaie d’influencer la structure du gouvernement et le choix des ministres. Allez-y, faites votre travail, et après, les portes de mon palace vous seront ouvertes » déclarait le roi à Abdelilah Benkirane lorsqu’il l’a rencontré pour la première fois, selon le quotidien Akhbar Al Yaoum.


De nombreux Marocains, cependant, ne pensent pas qu’il y ait eu de véritables changements.


Peu de temps après les élections, Mohammed VI a nommé ses conseillers royaux, parmi eux, un de ses proches amis, Fouad Ali El Himma, l’architecte de la sphère politique marocaine de ces dernières années. Ce mouvement a été perçu par les manifestants pro-démocratie, qui défilent depuis des mois sous les bannières « El Himma dégage », comme un signal pour montrer que rien ne changera.


Le pouvoir est entre les mains du roi


Le socialiste Abderrahmane Youssoufi avait été appelé par le roi Hassan II pour diriger le gouvernement en 1998. Il a récemment admis à la presse son échec pour mener les réformes. « Nous avions le gouvernement mais le pouvoir restait entre des mains invisibles » expliquait-il. Beaucoup craignent que le PJD ne se heurte à la même situation.


Après 10 mois de protestations dans les rues, Al Adl Wal Ihssane, le banni, mais toléré, parti islamiste qui avait rejoint le mouvement du 20 février, décidait de se séparer du mouvement et d’arrêter de manifester. Dans un communiqué, les dirigeants du parti ont expliqué que ce parti était simplement un moyen pour le peuple de faire entendre sa voix. Ils ont également déclaré qu’aucune protestation ne pourrait mener à une quelconque réforme significative, particulièrement à l’idéal d’une monarchie parlementaire.


Avec l’affaiblissement du mouvement du 20 février, les Marocains vont désormais pouvoir vérifier si leur pays change véritablement, si ces Islamistes réussissent à enclencher de nouvelles réformes.


« Le gouvernement de Benkirane, et Benkirane lui-même, devront parler aux esprits et aux poches de gens durant les trois prochains mois » écrivait Taoufiq Bouaachrine, journaliste de Akhbar Al Yaoum. « Car les attentes sont grandes, la rue est en effervescence et la patience du peuple a ses limites. »


Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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