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Kim Jong-un succèdera-t-il à Kim Jong-il?

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Kim Jong-il laisse, derrière lui, un héritier presqu’officiellement désigné, son fils Kim Jong-un, âgé de seulement 29 ans. Le jeune homme s’est vu affublé de titres pompeux et prestigieux, dont celui de général, mais il a très peu d’expérience par rapport à celle qu’avait accumulée son père lors de la mort de Kim Il-sung, le fondateur du régime stalinien nord-coréen, en 1994.


Kim Jong-un, la réincarnation de Kim Il-sung, fondateur du régime


[image:2,s]Le régime tenterait de présenter Kim Jong-un comme une sorte de réincarnation de Kim Il-sung, auquel il ressemble beaucoup physiquement. Les coiffeurs lui font la même coupe que portait son grand-père lorsqu’il est arrivé au pouvoir avec l’appui des Soviétiques en 1945. Des rumeurs, circulant en Corée du sud, prétendent même que le jeune homme aurait subi des interventions de chirurgie esthétique pour accentuer encore cette ressemblance. Il porte la même « tenue populaire » – le costume Mao – que le premier des Kim, plutôt que le blouson à fermeture Éclair que préférait son père Kim Jong-il.  


Cette stratégie de marketing politique part d’un constat : Kim Jong-il n’a jamais été aussi populaire que Kim Il-sung, et il en avait pleinement conscience. Pendant plus de trois ans de deuil après le décès de son père, il s’est morfondu à Pyongyang. Il est peu probable que sa mort donne lieu à une telle mise en scène.


Jang Song Taek, oncle et régent ?


Si l’on se fie aux informations officielles selon lesquelles Kim Jong-il n’a pas été assassiné, mais est mort naturellement, toute l’attention se portera sur son beau-frère Jang Song Taek, qui lui a fait office de bras droit depuis la dégradation de sa santé.


De nombreux Coréens du sud, ainsi que des analystes étrangers ont prédit que Jang pourrait assurer une sorte de régence le temps que le jeune leader consolide son pouvoir. Jang n’a pas de fils et sa femme est la tante de Kim Jong-un.


Pour mieux cerner la personnalité de Jang, il est important de se souvenir qu’il a été particulièrement impliqué dans le commerce et les transactions financières. À tel point que Kim Jong-il l’aurait puni à une peine de « réhabilitation par le travail » lorsqu’il a été impliqué dans des affaires de corruption. Il est aussi réputé proche des militaires nord-coréens et des Chinois.


Si la carrière de Jang s’est faite essentiellement dans le secteur civil, ses frères ont été faits officiers généraux dans l’armée populaire nord-coréenne. Cette connexion, associée aux liens par alliance avec Kim Jong-il, explique, pour une large part, l’influence dont il jouit.


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[image:3,s]Pour ce qui est de sa relation avec la Chine, des informations avaient filtré, il y a quelques années, selon lesquelles Jang voulait prendre le contrôle de l’économie nord-coréenne et engager des réformes « à la chinoise ». Ce n’était pas la ligne politique qu’avait choisie Kim Jong-il : le désormais défunt dirigeant a visité la Chine à plusieurs reprises, a loué la qualité des résultats obtenus, mais il n’a jamais eu la volonté de risquer les menaces que pourrait constituer, pour son pouvoir, le fait d’autoriser son peuple à s’engager de facto dans la voie du capitalisme.


La plupart des familles nord-coréennes qui ont réussi à prospérer sous ce régime ont généralement un de leurs proches bénéficiant de marchés publics. Kim Jong-il a, sans cesse, tenté de contenir l’importance prise par ces marchés, même s’il a échoué à maintenir le système de rationnement alimentaire qui avait garanti la loyauté du peuple tout au long des années 80.


Il est encore trop tôt pour savoir si Kim Jong-un pourra s’imposer comme autocrate et gouverner seul, comme son grand-père et son père. Si Jang le soutient – ce qui n’est pas certain – et s’il n’y a pas de soulèvements d’opposants, il pourrait sauver sa position, malgré son manque d’expérience.


La propagande pour pallier le manque d’expérience


Kim Jong-un a aussi hérité de son père, les services d’un zélé propagandiste qui a, depuis quelque temps, commencé à soigner son image afin de préparer le peuple à l’accepter comme une sorte de divinité, selon la tradition Kim. Il s’appelle Choe Yong Hae et est l’ancien président de la Ligue des jeunes travailleurs socialistes de Kim Il-sung. Choe avait tenu le même rôle lorsqu’il a fallu préparer l’accession au pouvoir de Kim Jong-il. À l’époque, il avait disposé de bien plus de temps pour mettre en œuvre sa stratégie.


À la mort de Kim Il-sung en 1994, Kim Jong-il était officiellement le successeur désigné depuis 14 ans et il avait été associé à la gestion quotidienne de l’administration depuis plus longtemps encore. La préparation de Kim Jong-un venait à peine de commencer. Le régime n’a commencé à citer son nom qu’il y a trois ans environ.


Scénario alternatif : une dictature militaire et une ouverture économique


Si les informations de la télévision d’État devaient se révéler fausses et que Kim Jong-il était décédé de causes autres que naturelles, la possibilité d’un coup d’État militaire ne saurait alors être exclue. La sécurité est si serrée dans ce pays autarcique, qu’un coup d’Etat serait difficile à préparer et mener à bien, même s’il y a eu des tentatives par le passé.


Certains observateurs, notamment sud-coréens, considèrent qu’une dictature militaire anti-Kim ouvrirait la voie à une transformation économique du nord, comme ce fut le cas en Corée du sud sous le président Park Chung Hee, un général arrivé au pouvoir en 1961.


Pyongyang restera sous surveillance


Quel que soit celui qui dirige, il devra tenir compte de la Chine, de la Corée du sud, des États-Unis et du Japon. Les Chinois ont exprimé leur impatience devant l’incapacité de Kim Jong-il à réformer et ouvrir l’économie. Pourtant, ils s’inquiéteraient pour leur sécurité dans l’éventualité où les développements politiques à Pyongyang semblaient aller dans le sens d’une réunification des deux Corées ou d’un rapprochement avec les États-Unis.


Ironie du sort, la mort de Kim Jong-il intervient quelques jours avant le début de 2012, une année présentée par le régime comme celle du centenaire de la naissance de Kim Il-sung, mais aussi une échéance essentielle pour le pays dans sa longue marche vers la puissance. Il y a peu de chances pour que la Corée du nord s’affirme économiquement dans les douze prochains mois, mais le pays peut toujours célébrer  son statut de puissance nucléaire. Washington et les capitales régionales sont devenus de plus en plus pessimistes quant à leur capacité à convaincre Pyongyang de renoncer au nucléaire.


Bradley K. Martin, auteur de Under the Loving Care of the Fatherly Leader: North Korea and the Kim Dynasty, enseigne à l’université de Fairbanks en Alaska. 


GlobalPost/Adaptation JOL Press


> Vu à la télé


La télévision d’État a annoncé la disparition du président nord-coréen, Kim Jong-il. Il serait décédé, samedi 17 décembre, des suites d’une crise cardiaque. Au pouvoir depuis la mort, en 1994, de son père, Kim Il-song, le fondateur du régime dictatorial nord-coréen, Kim Jong-il était âgé de 69 ans.


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