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La Grande-Bretagne se retire des discussions sur la zone euro au sommet de Bruxelles

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Après dix heures de négociations au sommet de l’Union européenne à Bruxelles, les leaders des vingt-sept États membres ont décidé d’opter pour une solution à deux niveaux pour tenter d’enrayer la crise de la dette à laquelle est confrontée la zone euro.

Vers une union budgétaire, sans la Grande-Bretagne

Pour les dirigeants des dix-sept pays de la zone euro, la seule façon de corriger les défauts de l’euro est d’établir une union budgétaire qui implique un contrôle centralisé des déficits budgétaires nationaux.
Invité à y participer comme les dix autres membres de l’Union européenne qui n’ont pas l’euro comme monnaie nationale, Londres a décidé de ne pas prendre part aux négociations qui vont définir la nouvelle union fiscale. De fait, ce retrait ouvre la voie à la mise en place d’une Europe à deux vitesses. La sortie des Britanniques des négociations représente une évolution cruciale pour l’Europe, et une défaite importante pour le Premier ministre David Cameron, face aux eurosceptiques de son parti.

Cette fois, Cameron ne parvient pas à obtenir des dérogations pour la Grande-Bretagne

Dans d’autres moments de crise importants au cours du dernier quart de siècle, lors des négociations pour aboutir à une union politique et économique plus étroite, les trois grands de l’Union européenne, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont toujours trouvé une façon de mettre de côté leurs différends et leurs différences. Tous les stratagèmes ont été utilisés : en imaginant des dérogations sur mesure à la Grande-Bretagne ou en différant la prise de décision jusqu’à ce que les Britanniques soient prêts. De la même façon, pendant le sommet de Bruxelles, Cameron a songé un temps à accepter un accord avec l’Europe à condition de se voir reconnaître des exemptions spéciales pour son pays – notamment afin de préserver la City de Londres.
Mais cette fois, ça n’a pas marché. Face aux conséquences inimaginables que la chute de l’euro pourrait avoir sur l’UE et sur l’économie mondiale, ce n’était pas le moment des jeux politiques. Il n’y a pas assez de temps pour remettre les décisions. Donc, la Grande-Bretagne ne prendra pas part au processus.

[image:2,s]D’autres pays expriment leurs réserves

La question qui demeure est de savoir si cette décision conduira à une solution de la crise.
Il a été convenu que les dix-sept membres de la zone euro avec les six autres pays vont établir un nouveau traité, les liant dans une union fiscale avec des règles strictes concernant la dette. Pour y parvenir, il faudra renoncer à une partie du contrôle national sur le processus budgétaire.
À part la Grande-Bretagne, d’autres pays ont exprimé leurs réserves. La Hongrie a déclaré qu’elle veut connaître les détails avant de décider sa participation. Les leaders de Suède et République tchèque vont consulter leurs parlements respectifs avant de prendre une décision. Mais les trois pays vont être attendus pour prendre part aux négociations.
Au terme de la réunion, il y a eu des expressions de regrets. Le Président de la Commission européenne José Manuel Barroso a déclaré aux journalistes : « En voyant qu’il n’était pas possible d’obtenir l’unanimité, la meilleure solution a été de continuer les négociations avec les pays qui sont prêts à s’engager immédiatement. Nous aurions préféré prendre une décision à l’unanimité ».

Cameron : sauvegarder les intérêts britanniques…

Le Premier ministre britannique David Cameron, qui, il y a une semaine, insistait pour que l’ensemble des vingt-sept pays de l’UE soit impliqué dans les négociations pour corriger les défauts de l’euro, a expliqué sa volte-face de cette façon : « Les intérêts de la Grande-Bretagne au sein de l’UE, telles que l’ouverture des marchés, la liberté des échanges et la vente de nos biens et services avec des règles sur lesquelles nous avons un droit de regard important devaient être protégés. Toutes ces choses ne vont pas changer. »
La phrase de Cameron « la vente de nos biens et services » ne doit pas être interprétée à la lettre. La Grande-Bretagne ne produit pas beaucoup de biens à vendre actuellement. Le secteur manufacturier compte pour à peine 10 % de l’économie du pays et est en train de se rétrécir, lorsque le pays retourne vers la récession.

[image:3,s]… autrement dit : les intérêts de la City

La Grande-Bretagne a plutôt une économie de services, notamment les services financiers. La City de Londres, cœur financier de la Grande-Bretagne, est le plus grand centre mondial de services financiers, surtout à cause des réglementations souples et des taxes minimes.
Lorsqu’il s’est retiré des négociations la nuit dernière, Cameron a agi pour protéger la City.
Les partenaires continentaux de la Grande-Bretagne veulent une réglementation plus stricte du secteur bancaire. Ils veulent également imposer une « taxe Tobin » sur les transactions financières. Cameron cherchait à obtenir une dérogation pour cette règle.
Nicolas Sarkozy a déclaré aux journalistes ce matin : « Nous aurions préféré une réforme des traités à vingt-sept, mais cela n’a pas été possible à cause de la position de nos amis britanniques. » Il a ajouté : « Nous ne pouvions pas décider d’une dérogation pour le Royaume-Uni car, à notre avis, cela aurait sapé beaucoup de nos avancées concernant le secteur financier. »

Un référendum pour sortir de l’Union

Le journal eurosceptique britannique The Daily Telegraph a cité un responsable français anonyme qui aurait défini Cameron comme « un homme qui veut aller à une fête d’échangistes sans amener sa femme. »
Cette citation anonyme donne un indice de l’autre raison principale de l’inflexibilité de Cameron au sommet. Le Parti conservateur de Cameron, ainsi que les journaux qui le soutiennent comme le Daily Telegraph (aussi appelé le Torygraph) sont fondamentalement anti-Union européenne. (Certains des députés conservateurs sont fondamentalement anti-Europe, mais c’est une chose différente.)

Dans les jours qui ont précédé le sommet, certains députés ont proposé un référendum pour une sortie de la Grande-Bretagne de l’Union. Deux membres du gouvernement ont même soutenu que toute entente pour résoudre les problèmes de l’euro devrait mener à une renégociation du traité de Lisbonne de 2007, qui est essentiellement la constitution de l’UE.

[image:4,s]Les Tories et l’euroscepticisme : une histoire de longue date

L’adhésion de la Grande-Bretagne à l’UE avait constitué une source de discordes au sein du Parti conservateur à l’époque de Margaret Thatcher. Le parti était divisé entre les notables Tory pro-européen, qui approuvaient le rôle majeur joué par la Grande-Bretagne dans l’intégration de l’UE, et Madame Thatcher et ses partisans, qui ont vu l’Europe comme quelque chose d’étranger qui devait être contrôlé si ne pouvait pas être évité.
Les propos anti-européens de Margaret Thatcher sont considérés comme une des raisons principales pour lesquelles les notables de son parti l’ont renversée en 1990. Depuis, les leaders du Parti conservateur sont toujours partagés entre ces deux factions.
David Cameron n’est pas différent. Son talent de politicien est démontré par le fait que personne ne sait vraiment ce qu’il pense de l’UE. La question de savoir s’il a agi selon une croyance profondément ancrée ou plutôt pour de raisons pragmatiques est une énigme à laquelle il ne vaut pas la peine d’essayer de répondre.
Maintenant, avec la Grande-Bretagne et une poignée d’autres pays qui se retirent, les leaders européens seront-ils capables de trouver une solution aux failles de l’euro ?
La chancelière allemande Angela Merkel semble optimiste : « J’ai toujours dit que les dix-sept États de la zone euro doivent regagner de la crédibilité. Et je pense que cela peut arriver, et arrivera, avec la décision d’aujourd’hui. »

GlobalPost/Adaptation Melania Perciballi pour JOL Press

 

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