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La lutte contre le sida, une question d’argent

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Des avancées qui nourrissent l’espoir


Les éléments de preuves se trouvent près du lac Victoria ainsi que dans plusieurs autres parties de l’Afrique subsaharienne. Ces régions ont pourtant, longtemps été l’épicentre de la pandémie provoquée par le virus. La découverte la plus remarquable provient d’un essai clinique, le HPTN 052. Financé par les États-Unis, il a prouvé qu’un traitement précoce réduisait les risques de transmission du HIV à un partenaire sain chez 96 % des cas étudiés.


Les résultats de cet essai ont été accueillis par une véritable ovation en juillet dernier, à Rome, lors de la conférence de la Société internationale sur le SIDA (IAS). Ils font partie d’une série de progrès et de découvertes qui ont été faits récemment, comme la circoncision pour prévenir l’infection ou encore des gels utilisés par les femmes pour stopper la transmission.


Mais la sombre situation économique mondiale et la récente réduction des financements pour la recherche dans le monde ont jeté un doute quant à savoir si les décideurs vont tirer avantage de ces nouvelles découvertes pour combattre le SIDA.


Les États-Unis sous le feu des projecteurs


[image:3,s]Cette collision des avancées scientifiques contre la réalité économique intervient également à un moment délicat aux États-Unis : la secrétaire d’État, Hillary Clinton a appelé récemment à « une génération sans SIDA », et les actions des États-Unis contre le virus seront sous les projecteurs pendant la prochaine conférence de la Société internationale sur le SIDA, en juillet prochain, à Washington. C’est la première fois que cette conférence se tient sur le territoire américain, en 22 ans d’existence, en raison de la décision de l’administration Obama, l’année dernière, de mettre fin aux restrictions d’entrée sur le territoire américain aux personnes atteintes du HIV. Cette conférence devrait attirer plus de 25 000 personnes à travers le monde.


Le président Obama est attendu jeudi 1er décembre, Journée mondiale du SIDA, pour s’exprimer sur les prochaines décisions de son administration concernant la lutte contre le virus, à la suite du discours d’Hillary Clinton. Ce sera son premier discours d’importance, en tant que président, sur cette question. Pour le moment, il est resté silencieux sur tous les grands enjeux de santé mondiale.


Un plan pour une « génération sans SIDA »


« Les formidables avancées de la science, ces dernières années, se heurtent à des contraintes budgétaires » déclarait Chris Collins, vice-président et directeur de la politique publique chez amfAR, une Fondation pour la recherche contre le SIDA. « Il va faire des choix. C’est un grand défi pour les décideurs du monde entier dans les deux prochaines années : comment articuler la politique ici et utiliser les ressources pour lutter contre le SIDA. Nous avons besoin d’entendre notre président nous détailler son plan pour une génération sans SIDA. »


Plusieurs sources, au sein de l’administration Obama, ont déclaré, lors d’interviews, que le discours d’Hillary Clinton à l’Institut national de la Santé a été, au moins partiellement, stimulé par la tenue de cette conférence l’année prochaine, afin de braquer les projecteurs sur l’engagement américain à combattre le virus, à la fois mondialement mais aussi localement. Les États-Unis devraient être capables, lors de cette conférence, de faire le rapport de leurs actions mondiales ainsi que des recherches, effectuées dans plusieurs villes américaines sur les moyens les plus efficaces pour dépister les cas et les soigner.


Maîtriser la trajectoire de la pandémie


[image:2,s]Au même moment, les scientifiques d’Obama essaient de faire avancer la mise en application des recherches pour le dépistage afin de prévenir la transmission du virus. Le docteur Anthony Fauci est un des plus connus. Directeur de l’Institut National de l’allergie et des maladies infectieuses, il conseille les présidents américains, depuis Ronald Reagan, sur les meilleurs moyens d’aborder la lutte contre le SIDA.


« Nous avons une convergence des approches de prévention, et la réalité valide le concept de prévention combinée. » déclarait-il lors d’une interview à Global Post au mois de novembre. « Nous pouvons mettre en œuvre certaines avancées scientifiques et avoir un impact majeur dans le redressement de la trajectoire de l’épidémie. »


Selon lui, la modélisation de la pandémie de SIDA montre que si les outils de prévention sont efficaces et si moins de personnes sont capables d’en infecter d’autres, une chute brutale des infections pourrait en découler. Puis toute l’épidémie pourrait s’écrouler. »


« Si nous pouvons diriger la trajectoire de la transmission du SIDA vers le bas, celle-ci continuera son élan seule pour réduire la pandémie. »


« C’est lorsque moins de personnes transmettent l’infection et que plus de personnes se protègent, que le bassin de personnes, capables d’en infecter d’autres, diminue. »


Le financement ne fait pas tout


Un rapport de l’ONUSIDA publié la semaine dernière concluait que l’expansion mondiale du traitement contre le virus avait établi une différence significative pour sauver des vies et prévenir les infections. Ce rapport estime que les nouvelles infections ont été réduites de 21 % depuis 1997 et les décès liés à l’infection ont diminué de 21 % depuis 2005. Il constate également que 6,6 millions de personnes étaient sous traitement afin de prolonger leur vie en 2010, soit une augmentation de 1,35 million par rapport à l’année précédente.


Compte tenu des conclusions de l’essai médical 052, les scientifiques et les chercheurs ont déclaré que, plus les malades seraient traités, plus l’infection pourrait être évitée. Les experts ont affirmé que le financement n’était pas le seul problème. Il faut d’abord s’assurer que la stratégie de prévention correspond au pays dans lequel se trouve la pandémie.


« Le financement n’est pas suffisant aujourd’hui et ne le sera probablement jamais », déclarait Robert Hecht, directeur général de Results for Development.


« Ce qui est important est d’obtenir de certains pays qu’ils reconnaissent que s’ils n’ont pas tout l’argent dont ils ont besoin, ils doivent cibler des programmes pour les groupes à haut risque. Si vous devez choisir entre un peu plus de dollars pour l’éducation sexuelle à l’école et plus de dépenses pour les homosexuels ou les toxicomanes, vous devez choisir ce deuxième programme. »


L’efficacité des traitements


[image:1,s]À Kisumu, la principale ville de l’ouest du Kenya, 500 000 habitants, l’essai clinique 052 a été arrêté en mai car il fonctionnait si bien que les chercheurs ont estimé qu’il n’était plus éthiquement défendable de maintenir un groupe de contrôle sur les placébos. Le docteur Lisa Mills, investigatrice principale de l’étude pour la partie ouest du Kenya et chef de la Direction de la recherche sur le VIH au KEMRI-CDC (une collaboration de longue date entre le Kenya et des chercheurs américains), a déclaré que le gouvernement kényan avait déjà commencé à traiter les cas infectés mais espérait davantage de fonds pour permettre d’élargir le champ d’investigations.


« La modélisation montre que le montant des fonds utilisés pour le traitement serait beaucoup plus faible en 2015 si on avait commencé plus tôt » déclarait Lisa Mills. « En 2020, on aurait alors fait une énorme économie. Il y a une augmentation dans les coûts de départ, mais les coûts des médicaments vont progressivement tomber avec l’évolution de l’efficacité du traitement et la réduction des nouvelles infections, y compris les infections pédiatriques, dans quelques années. »


Kayla Laserson, directrice de KEMRI-CDC pour la recherche et la collaboration en santé publique, a déclaré que la recherche sur le SIDA fait partie d’un programme de plusieurs volets de recherche en santé mondiale visant à trouver de nouveaux médicaments, vaccins et outils de diagnostic pour une foule de maladies. « Ici, nous avons l’essai clinique 052, mais nous avons aussi une piste de vaccin contre le paludisme, et un essai de vaccin contre la tuberculose […] Nous pouvons constater l’impact de nos actions sur les communautés que nous servons tout autour de nous. »


Une étape stratégique de la lutte contre le SIDA


Dans le village de Ematsayi, Peter Owiti Omotsi, 39 ans, père de cinq enfants, est l’un des milliers dans la région, désormais soigné contre le SIDA. Il a commencé son traitement en 2008. Sa femme était séronégative au moment de son diagnostic et l’est restée. Omotsi a constaté que les médicaments ainsi qu’une meilleure alimentation l’ont rendu plus sain.


« Ces médicaments agissent. Je crois que je verrai mes petits-enfants avant de mourir. Sans ces médicaments, je n’aurais jamais pu l’espérer. Mais maintenant, j’ai quelques années à vivre. »


Dans les mois et années à venir, le gouvernement américain aura besoin de prendre des décisions sur l’opportunité d’étendre le traitement contre le SIDA aux États-Unis ainsi que dans le reste du monde pour les gens qui sont infectés. Personne ne fait encore de promesses, mais personne ne doute non plus que la gamme des approches de prévention disponibles, peut créer une arme puissante pour stopper le SIDA.


« Nous avons conclu assez de progrès scientifiques afin de commencer à voir des améliorations significatives dans la trajectoire de la pandémie » déclarait Anthony Fauci, chercheur aux États-Unis depuis de longues années. « Mais tout n’arrivera pas seul. Nous allons avoir besoin de beaucoup plus d’implications des pays d’accueil. Nous allons avoir besoin d’autres donateurs et d’être plus efficaces dans ce que nous faisons avec les ressources que nous avons. Nous sommes à un moment stratégique de l’histoire de la pandémie du SIDA. »


Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press

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