Samedi 26 novembre, une frappe aérienne de l’OTAN provoque la mort de 24 soldats pakistanais. Nombreux sont ceux qui ne croient pas à la théorie de l’accident. Bavure ou pas, le gouvernement pakistanais y voit une agression américaine. Cet épisode pourrait constituer un tournant dans la guerre des États-Unis contre le terrorisme.
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Une communication parfaitement établie
Selon des sources militaires dans la région, les forces pakistanaises et celles de l’OTAN se coordonnent si étroitement que les chances pour que l’attaque de l’OTAN qui a tué 24 Pakistanais soit un accident, sont très minces.
Le niveau de coordination, selon un officiel pakistanais non autorisé à parler à la presse, va bien au-delà de la communication de base.
Le Pakistan partage ses plans de vol avec l’OTAN pour l’ensemble de ses missions de ravitaillement prévues le long de la frontière, au moins une semaine à l’avance. Ces missions peuvent porter sur la nourriture, les médicaments, l’eau, les munitions, les armes, ou encore la rotation des troupes. Il y a généralement deux missions par semaine, parfois plus.
Les avions militaires pakistanais peuvent même voler sur le territoire afghan pendant deux à trois kilomètres, en fonction des conditions climatiques avant de faire demi-tour vers le Pakistan. « Ces deux à trois kilomètres sont couverts par l’OTAN »
OTAN, Pakistan et Afghanistan travaillent ensemble
[image:2,s]Cette coordination existe du sommet à la base. « L’OTAN, le Pakistan et l’Afghanistan se rencontrent régulièrement, au moins depuis 2008, pour coordonner leurs actions sur la frontière » déclarait Tony White, un officiel de l’OTAN à Bruxelles. L’armée pakistanaise et les officiers de liaison de l’armée travaillent aussi avec l’OTAN en Afghanistan. Il y a quatre postes de communication qui sont tenus à la fois par les Afghans, les Pakistanais et les Américains pour coordonner le contrôle des frontières.
Et depuis que plusieurs postes pakistanais sont situés à quelques centaines de mètres de la frontière, ils continuent de communiquer avec l’OTAN par radio, ajoutait l’officiel pakistanais.
Mais, le 26 novembre, cette bonne coordination et cette excellente communication n’ont pas prévu une attaque de l’OTAN sur les soldats pakistanais. Les détails exacts de cet événement demeurent incertains et l’armée pakistanaise, comme l’armée de l’air, n’étaient pas disponibles pour les commenter.
Les États-Unis sont décidés à mener une enquête
Le Pakistanais interrogé, qui a une grande connaissance des opérations militaires, expliquait que juste après minuit, les avions de l’OTAN, qui volent normalement à une altitude de 30 000 pieds ont lancé une première attaque sur un avant-poste pakistanais.
Au cours des quatre heures suivantes, des hélicoptères, pouvant voler à une altitude beaucoup plus basse, ont pénétré dans l’espace aérien pakistanais et ont tiré sur les soldats. Le Major Général Nadeem Ishfaq, directeur général des opérations militaires au Pakistan, a déclaré mercredi que l’attaque avait duré jusqu’à 2 heures du matin.
« C’est un tragique accident, qui, à cause de sa complexité, nécessite une enquête approfondie pour comprendre exactement ce qui s’est passé » ajoutait Tony White. Le Pentagone a déclaré lundi que le Commandement Central américain allait mener une enquête sur cet incident. Et jusqu’à ce que l’équipe américaine arrive en Afghanistan, le Général John Allen, commandant allié en Afghanistan, a formé une équipe d’investigation.
La théorie de l’accident n’est pas crédible
[image:3,s]Les officiels occidentaux ont affirmé que cette attaque n’était qu’un accident, possiblement causé par une mauvaise coordination ou une erreur de transmission d’informations. Un journal local pakistanais, citant un officiel américain, anonyme, explique que les Talibans ont pu avoir provoqué l’OTAN pendant l’attaque, mais n’a pas donné plus de détails.
Les États-Unis se retrouvent dans une tempête diplomatique pour apaiser les tensions avec le Pakistan, qui est un partenaire clé dans les deux guerres contre le terrorisme et contre l’Afghanistan.
Les officiels pakistanais disent ne pas croire que cette attaque ne fut qu’un accident. La personne interviewée par Global Post déclarait que l’OTAN utilisait des photographies aériennes en temps réel et des images satellites de la frontière et non des cartes. Il explique également que le poste pakistanais était installé depuis un an et demi, donc son emplacement et ses coordonnées étaient connus par l’OTAN.
« Attaquer ce poste par erreur est impossible » ajoutait-il.
Crise diplomatique entre les États-Unis et le Pakistan
Cette attaque a exaspéré le gouvernement pakistanais, qui a menacé de revoir ses relations avec l’OTAN et les États-Unis.
Le Pakistan a bloqué la route qu’ils utilisent pour rejoindre l’Afghanistan et a demandé aux Américains de quitter l’aérodrome de Shamsi, où la CIA tient une base. Les camions de l’OTAN transportent un tiers, et ceux des États-Unis 40 % de leur matériel de l’Afghanistan vers le Pakistan.
La nuit dernière, le ministre pakistanais des Affaires étrangères a annoncé qu’il boycotterait la prochaine conférence de Bonn, qui est censée rallier plus de supports à la guerre en Afghanistan de la part de la communauté internationale. La participation pakistanaise est considérée comme essentielle pour assurer une stabilité en Afghanistan.
Cependant, jusqu’à maintenant, les autorités pakistanaises n’ont pas donné d’indications concernant l’arrêt du mécanisme de coordination et de communication entre l’OTAN et les forces pakistanaises.
Global Post/Adaptation Sybille de Larocque – JOL Press