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Le Bonheur National Brut ou la quête du vivre-mieux

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[image:1,l]De mauvaises statistiques et, hop, c’est la crise ! La crise financière, la crise économique, la crise politique… Et si les statistiques se trompaient ou, plutôt, si, dans leurs mesures, elles omettaient l’essentiel : le bonheur.


Le Produit Intérieur Brut (PIB), indice-roi d’une société ultra-matérialiste


Le PIB est établi à partir de la somme de la production de biens et de services marchands – appelés aussi « richesses ». Parfait. Parfaits aussi, sur le papier, les concepts qui s’y rattachent, comme la croissance ou le développement. Mais, cet indice-roi s’inscrit dans un certain modèle de société, une société marchande où la consommation est reine. En fondant tout sur les échanges rémunérés, il néglige les conditions de la production de ces biens et services, et, ainsi, l’impact à court, moyen ou long terme des destructions sur l’environnement, dues à certains modes de production. Mais, surtout, il laisse de côté tant d’activités humaines, sources potentielles de bien-être ou de mal-être : le travail familial et domestique, tous les soins apportés aux autres, le plaisir individuel ou collectif glané par une activité ou une autre. Le PIB oublie le bonheur, le bonheur que l’on prend, le bonheur que l’on donne.


Et le bonheur dans tout ça ?


Le bonheur n’est pas dans le PIB. Pourtant, c’est sans doute de toutes les valeurs, la plus recherchée. Par vous, par moi, par nous tous, et même par les économistes, les politiques, tous ceux qui mesurent la croissance.
Bien sûr, à première vue, le bonheur est une notion, une valeur éminemment subjective. Si le bonheur des uns ne fait pas, loin de là, le malheur des autres, chacun a évidemment sa propre définition du bonheur. Mais, nul doute qu’une analyse exhaustive laisserait apparaître quelques critères indiscutables de bien-être et donc de bonheur. C’est aussi, pour une large part, un bien dont la manifestation, comme la source, est immatérielle.


Le bonheur, ça ne se décrète pas mais ça se travaille.


Bienvenue au Bhoutan, le pays du bonheur


[image:2,s]Il était une fois… un petit royaume perdu dans les montagnes himalayennes… dans ce royaume vivait un roi qui, à tout prix – y compris l’absence de démocratie – prétendait faire le bonheur de ses sujets… En 1972, Jigme Singye Wangchuck, le roi du Bhoutan, régnant sur 700 000 âmes coincées entre l’Inde et la Chine, a préconisé l’abandon du PIB au profit d’un nouvel indice le BNB (Bonheur National Brut).
Son but était de bâtir une économie qui servirait la culture de son pays fondée sur des valeurs spirituelles bouddhistes. Au-delà des objectifs moraux, il sert à guider l’établissement de plans économiques et de développement.


Le Bonheur National Brut (BNB), qu’est-ce que c’est ?


Le Bonheur National Brut est un indice qui tente de définir le niveau de vie des hommes en des termes plus psychologiques et holistiques que le Produit Intérieur Brut (PIB) ou le Produit National Brut (PNB).
Les autorités du Bhoutan ont associé à ce système les 4 piliers d’une société heureuse, auxquels elles attachent une part égale :
– Croissance et développement économique
– Conservation et promotion de la culture
– Sauvegarde de l’environnement et utilisation durable des ressources
– Bonne gouvernance responsable


Ces 4 piliers sont ensuite déclinés en 9 domaines :
– santé psychologique
– écologie
– santé
– éducation
– culture
– niveau de vie
– utilisation du temps
– vitalité des communautés
– bonne gouvernance


Au total, ce sont, 72 indicateurs pondérés censés donner pour chacun un niveau plus ou moins bon. Ainsi, le domaine psychologique inclut les notions de relaxation ou prière, sentiments de jalousie ou de générosité… Des indicateurs certes subjectifs mais la question est posée : que signifie la précision de nos indicateurs conventionnels quand ils incorporent en leur croissance des éléments aussi instables que l’obtention de profits à court terme, les dépenses de réparation des dégâts causée à l’environnement et autres indicateurs de croissance financière sans réflexion sur les conséquences à moyen et court terme…


Le BNB fait des miracles


[image:3,s]Parce qu’elle n’apparaissait sans doute pas comme un facteur de bonheur, au Bhoutan, la télévision n’est apparue qu’en 1999. Mais, l’une des décisions les plus marquantes prises dans le cadre de la promotion du BNB au Bhoutan a été l’interdiction de commercialiser du tabac. Le bonheur des uns n’est pas forcément le bonheur des autres, non plus…
Et, la décision la plus marquante de toutes est sans doute la décision prise par le roi, lui-même, de démocratiser son royaume et d’établir une monarchie parlementaire. Quand on recherche le bonheur et qu’on croit l’avoir trouvé, on tient à sa tête…


Serons-nous tous un jour des « Bhoutanais » ?


En juillet 2011, le Bhoutan a déposé une résolution devant l’Assemblée générale des Nations unies, invitant ses membres à revoir la philosophie des indicateurs économiques conventionnels et à débattre de Bonheur National Brut (BNB). Adoptée !
Dans le texte adopté, il est admis que « de par sa nature même, le produit intérieur brut n’est pas un indicateur conçu pour mesurer le bonheur et le bien-être de la population d’un pays et n’en donne pas une image exacte ». Les pays qui ont soutenu ce texte se déclarent conscients de « la nécessité d’adopter une approche de la croissance économique plus large, plus équitable et plus équilibrée, qui encourage le développement durable, contribue à l’élimination de la pauvreté et favorise le bonheur et le bien-être de tous les peuples ».


Le BNB ne fait pas que débat, c’est du sérieux !


Déjà, entre 2004 et 2008, quatre conférences internationales se sont tenues sur le BNB. Et ces derniers temps, les initiatives se sont multipliées pour chercher à dépasser ce sacro-saint PIB.
En France, depuis deux ans, avec les initiatives issues de la commission conduite par l’économiste Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001 et auteur, entre autres, du « Triomphe de la cupidité ». Ce rapport, publié en juin 2009, préconisait de prendre en compte bien d’autres facteurs que la production dans le calcul du bien-être et de la croissance.


Mais aussi à l’échelle de l’OCDE. En mai 2011, l’organisation économique a lancé son indice interactif « vivre mieux ». Cet indice permet aux citoyens de comparer leur bien-être au sein de 34 pays sur la base de 11 dimensions (logement, revenu, travail, communauté, éducation, environnement, gouvernance, santé, bien-être subjectif, sécurité, et conciliation travail et vie privée) en leur offrant la possibilité d’accorder un poids variable à chacune de ces dimensions.


Et, en novembre, le Programme des Nation unies pour le développement (PNUD) soulignait qu’il entendait s’inscrire dans l’évolution d’une « époque où l’on explore de nouvelles manières de mesurer le bien-être ».


Si nous cherchons à mesurer notre bien-être, c’est donc que nous croyons qu’il existe ou qu’il peut exister. Voilà, indéniablement, une leçon d’optimisme !

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