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Le Japon aux aguets face à la nouvelle Corée du Nord

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[image:1,l]Comme le reste du monde, le Japon ne s’attendait pas à la mort de Kim Jong-Il. Ennemi héréditaire de l’État communiste, Tokyo a tout à craindre de luttes intestines qui déstabiliseraient le régime de Pyongyang ou d’un jeune Kim qui, pour affirmer son nouveau pouvoir, se montrerait plus belliqueux que son père, en paroles comme en actes. Tout cela alors même que cet automne, Tokyo avait fait part de son intention de moderniser ses capacités militaires devant la montée en puissance de la Chine.


Réunion de crise à Tokyo


[image:3,s]Dans les heures qui ont suivi l’annonce officielle de la mort de Kim Jong-Il, les dirigeants japonais ont déclaré qu’ils espéraient que la transition à la tête de la seule dynastie communiste au monde ne compliquerait pas la résolution pacifique d’urgentes questions régionales, au premier rang desquelles les ambitions nucléaires coréennes. « Le gouvernement japonais espère que ce développement inattendu n’aura pas un impact négatif sur la paix et la sécurité dans la péninsule coréenne » a indiqué le porte-parole du gouvernement, Osamu Fujimura.
Le Premier ministre, Yoshihiko Noda, a annulé ce qui devait être son premier discours depuis sa prise de fonction début septembre et réuni dans l’urgence les responsables de la sécurité nationale. Les forces chargées de la protection du territoire et les garde-côtes ont vu leur niveau d’alerte augmenter et ont intensifié leur surveillance dans les eaux séparant le Japon de la péninsule coréenne.


Concertation avec Washington, l’allié privilégié


Mais, comme c’est souvent le cas lorsque la Corée du Nord fait des siennes, par surprise, le Japon s’est gardé de sur-réagir avant de s’entretenir avec son allié le plus proche, les États-Unis. L’entretien entre la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton, et le ministre des Affaires étrangères du Japon, Koichiro Gemba, a débouché, comme cela était prévisible, à un front uni entre Tokyo et Washington, dès lundi 19 décembre.
« Nos deux pays partagent les mêmes intérêts, nous aspirons à une transition paisible et durable en Corée du Nord et tenons à garantir la paix et la stabilité dans la région, » a précisé Hillary Clinton.


Le Japon privilégie la négociation à l’affrontement 


Le Japon, qui n’entretient pas de relations diplomatiques avec le Nord, participe aux pourparlers à six sur le programme nucléaire de la Corée du Nord, et s’est associé aux sanctions internationales imposées afin de faire pression sur le régime pour qu’il abandonne ses ambitions nucléaires.
La Corée du Nord a déjà envoyé des missiles balistiques au-dessus du territoire japonais lors de tests de nouvelles technologies de lanceurs, et a joué avec les nerfs du Japon avec ses essais nucléaires en 2006 et 2009.


Un préalable : le réglement d’un vieux contentieux


La participation du Japon aux négociations a été compliquée par une requête supplémentaire, celle de régler la question de l’enlèvement de citoyens japonais, utilisés pour l’entraînement d’espions communistes, durant la Guerre froide. Kim Jong-Il a renvoyé chez eux, cinq des personnes enlevées, après une rencontre à Pyongyang avec le Premier ministre japonais, Junichiro Koizumi, en 2002. Le Japon, malgré tout, affirme que le régime a encore des explications satisfaisantes à fournir sur le devenir d’au moins une dizaine d’autres de ses concitoyens. Pyongyang affirme avec insistance que huit d’entre eux sont morts, et que les autres n’ont jamais été enlevés.
Kaoru Hasuike, un des rapatriés, a déclaré dans un communiqué suivant la mort de Kim : « J’espère que le gouvernement japonais analysera avec attention la situation en Corée du Nord et fera de son mieux pour assurer la sécurité des personnes toujours détenues là-bas. »


La question centrale reste le nucléaire


[image:4,s]Le professeur Hajime Izumi, spécialiste du nord-est de l’Asie à l’université Shizuoka, a estimé qu’il était trop tôt pour savoir si le Japon devrait s’inquiéter du nouveau régime de Pyongyang : « Nous n’avons aucune idée de la manière dont Kim Jong-Un dirigera l’État, si, oui ou non, il définira sa propre politique étrangère, a déclaré Izumi au GlobalPost.  Le Japon a clairement été choqué par la nouvelle, mais sa réponse, qui a consisté à se préparer à toutes éventualités, était correcte»
Les relations de la Corée du Nord avec le Japon, comme avec l’ensemble de la région, dépendront pour beaucoup de la question nucléaire. « Le danger le plus sérieux pour le Japon serait de voir la Corée du Nord poursuivre son programme d’armes nucléaires, continuer à fabriquer ses réacteurs nucléaires et à enrichir de l’uranium, affirme Izumi. Ils ont déjà des missiles capables d’atteindre le Japon et, dès lors, la capacité qu’ils auraient de les armer de têtes nucléaires constituerait une grave menace. »


Reprendre les pourparlers à six sans conditions ?


Autant de raisons de faire preuve d’un optimisme mesuré. Des projets de rencontre entre le Japon, les États-Unis et la Corée du Sud pourraient indiquer une volonté de relancer les pourparlers sur le nucléaire à six, qui ne se sont pas réunis depuis 2009.
Désormais, la Corée du Nord doit satisfaire aux conditions préalables pour la reprise des négociations – mettre un terme à son programme d’enrichissement nucléaire et commencer sa dénucléarisation – mais, d’après Izumi, quelques concessions ne seraient pas impossibles. « Nous devons réfléchir à la meilleure manière d’amener une Corée du Nord prudente et non agressive à reprendre les pourparlers à six, a-t-il dit. Une possibilité serait de les mettre autour de la table sans « préconditions » ».


« Si vis pacem, para bellum »


L’annonce par le Japon, mardi 20 décembre, de son intention de remplacer sa flotte vieillissante d’avions de combat de fabrication américaine F-42, est perçue comme le signe d’inquiétudes quant au devenir de la Corée du Nord. « Le contexte sécuritaire autour de l’acquisition de ces nouveaux jets est en pleine transformation, a affirmé le ministre de la Défense, Yasuo Ichikawa. Le F-35 a des qualités qui peuvent parfaitement répondre à ces changements. »


[image:2,s]Ces inquiétudes sont parfaitement fondées, selon Poornima Subramaniam, spécialiste de l’Asie-Pacifique au IHS Jane de Londres. Elle avait averti d’une possible répétition des attaques surprises de 2010 sur les îles de Cheonan et Yeonpyeong, ou des « risques d’altercations accidentelles dans la mesure où les deux armées du Sud et du Nord se trouvent simultanément en état d’alerte. » Mais, elle avait ajouté que la probabilité d’un conflit régional « apparaissait faible car la Corée du Nord semble s’être préparée pour cette succession depuis 2008, dès lors que les conditions de santé de Kim Jong-Il se sont détériorées. Le plus probable est une période de calme le temps que les militaires nord-coréens résolvent les questions que suscitent ces nouveaux rapports de pouvoir internes. » 


GlobalPost/Adaptation Franck Guillory pour JOL Press

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