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« Le soutien des PME : en France… un vrai mythe ! »

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Depuis des années, nous entendons le discours officiel louant les PME « créatrices d’emplois …» par rapport aux grands groupes « délocalisant et supprimant les jobs ».


Les PME ne suscitent pas la confiance


Si les chiffres et les faits prouvent tous les jours l’évidence de ce constat, on ne peut pas dire que ce soit grâce au support de leur environnement quotidien (services de l’État, banques…) que les PME réalisent cet « exploit ». Elles sont en France (à part de rares exceptions) suspectées en permanence de fragilité chronique et souvent même de manquer à leurs obligations de remboursement des aides. Cette suspicion rend très difficile la création de la confiance indispensable pour leur donner accès aux moyens financiers nécessaires à l’investissement, pour leur permettre de concourir à armes égales sur les marchés d’état, pour les accompagner dans la prise de risque nécessaire à l’entreprenariat (export).


Les organismes et les processus mis en place pour les aider sont toujours très lourds et très complexes, avec des temps de réaction incompatibles  avec les cycles des marchés et les attentes des clients. Beaucoup de temps et d’énergie sont dépensés pour justifier les demandes d’aides, le « montre patte blanche » est infiniment plus lourd ramené au K€ prêté ou garanti que pour les grandes entreprises. Ces dernières, « too big to fail », sont immédiatement entourées et protégées en cas de risque de défaillance. On leur donne facilement accès à des subventions pour « protéger l’emploi ». Pour redresser leur manque de compétitivité sur le marché mondial, on crée des « grands emprunts » pour financer des bureaux d’études souvent peu productifs par rapport à leurs homologues des PME. On peut, à cet égard, faire, par exemple, allusion à la dernière décision du ministère de la Défense de confier à la maison Dassault le développement d’un drone sorti de l’industrie israélienne et dont la France finira par faire la promotion alors qu’il aurait existé dans notre pays des solutions innovantes par l’intermédiaire de PME performantes !


Les PME dans l’ombre des grands groupes


Sur de tels « grands programmes RD », on laisse les grands groupes « piller » dans le portefeuille de propriété industrielle de leurs fournisseurs en imposant que le chef de file soit un « gros ». Au nom de l’efficacité on fait disparaître des bijoux de technologie, de créativité, d’innovation pour les intégrer dans de grandes entreprises où ils deviennent au mieux  un département un peu identifié mais très souvent « digéré » en quelques mois, les équipes absorbées prenant rapidement  les habitudes, les lourdeurs, les comportement parapluies, les conforts de la grande entreprise pour devenir aussi peu innovantes et créatives que celles de la société qui les a intégrées. On peut également donner l’exemple de la dernière décision du ministère de la Défense par l’intermédiaire du Secrétariat Général à l’Administration (SGA) de confier à des grands groupes, qui n’ont aucune compétence en la matière, l’externalisation de l’habillement des armées alors qu’il existe sur le marché des PME spécialisées et performantes qui ont fait leurs preuves depuis des décennies : que peut faire une PME au chiffre d’affaires de 60 M€ face à un Véolia ou Ineo … ? Malgré les « assurances » du SGA de protéger ces PME on ne donne, à terme,  pas cher de leur peau !


L’exemple allemand


[image:2,s]Face à ce constat déplorable, on voit une attitude complètement différente dans d’autres pays comme l’Allemagne, pays jouissant par ailleurs de bien plus de succès industriels sur les marchés internationaux que le nôtre (certainement aidés par le dynamisme industriel de leur réseau de PME/ETI) ; dans ces pays les PME sont encouragées, les grands groupes les prennent sous leur « aile » pour « chasser en meute » sur les marchés internationaux, sans cependant chercher à leur voler leur technologie ou leur acheter leur « âme ». Ces PME encouragées, aidées deviennent ensuite les ETI dont rêvent beaucoup de nos économistes, capable de combattre au plan international les plus « gros » et donnent à l’Allemagne la force et l’efficacité d’une flottille de guerre face à nos géants lents et lourds qui ont fait le vide autour d’eux. On peut donner l’exemple du marché des satellites Galileo gagné par une ETI allemande face à note géant Astrium… Cet exemple devrait nous faire réfléchir car il démontre d’une part le manque de compétitivité de nos « grands », habitués aux positions de monopole sur les marchés publics, et d’autre part parce qu’en France une telle ETI n’aurait pu exister, le secteur spatial étant réservé aux « grands ».


Le manque de souplesse des « gros »


On retrouve les mêmes attitudes dans les marchés de Défense pilotés par la DGA qui n’achètent des produits importants ou des systèmes pratiquement qu’aux « gros » (Dassault, EADS, Thalès, Safran) ; quelques sociétés de taille respectable ont pu tirer leur épingle du jeu (Zodiac) mais on les compte sur les doigts d’une main. L’ensemble des autres forme une masse à laquelle on sous-traite, ou on commande des « briques ».


La conséquence est qu’à fonctionnalité identique la DGA paye beaucoup plus cher car elle doit supporter les coûts de structure et les marges des grands groupes. Elle s’en justifie au travers de « l’assurance vie » des produits qu’apportent ,les « gros », mais ne pourrait-elle pas obtenir un résultat équivalent en protégeant correctement ses « petits » fournisseurs ? Ce faisant, la DGA accepte les cycles de vie des produits rallongés par la lourdeur des processus des grandes entreprises, lourdeurs non justifiées par des besoins de sécurité et de validation qui se traitent aujourd’hui avec des outils modernes : simulations, essais en « plan d’expérience », etc. qui donnent en outre de bien meilleurs résultats que l’entassement en couches de structures répétitives et d’équipes déresponsabilisées.


Dans ses démarches de soutien de l’innovation, la DGA recherche exclusivement des technologies auprès des PME en leur interdisant toute volonté de les intégrer dans des systèmes ou des solutions qui sont réservés aux « grands ». Cherchons dans notre pays -inventeur de l’Aéronautique -, qui a toujours été en pointe dans les sciences de l’intégration (automatismes, communications, interactions mécanique-électronique, etc.), le nombre de PME ou ETI capables de proposer une « intégration » une solution vendable directement au client final qui est l’État Major, un « petit maître d’œuvre » reconnu … Toutes les velléités dans ce domaine ont été soigneusement écrasées, laminées par les grands principes des besoins de sécurité et de sureté conduisant à préférer systématiquement des grands groupes.


Retrouver une compétitivité à l’international


La consanguinité entre le management des grands groupes et les services de l’État conduit à des règles et un langage qui excluent les plus petits. Le manque de courage (« parapluie » face à des risques de retombées politiques initiés par les puissants lobbies), le confort d’une voie bien pavée  font que les démarches innovantes ou un peu iconoclastes n’ont aucune chance d’aboutir. Ainsi des occasions de créer des filières nouvelles, de retrouver de nouvelles compétitivités à l’international, de changer le cours de notre disparition annoncée de grands marchés internationaux sont définitivement perdues…


Les technologies duales, celles que l’on peut utiliser à la fois sur les secteurs de la Défense et du Civil sont traditionnellement issues des travaux dans le domaine militaire (radar, GPS, transmissions satellites, matériaux, etc …) puis se sont démocratisées pour être utilisées dans les secteurs civils (sécurité civile, applications commerciales etc.).


Ce modèle tend de plus en plus à être dépassé par un autre qui fonctionne en sens inverse : des technologies développées dans des domaines industriels extrêmement dynamiques (télécom, informatique « personnelle », automobile ) par leur vitesse d’évolution – les cycles dans le téléphone portable et dans le PC sont inférieurs à un an – ou les volumes qui permettent des intégrations électroniques plus performantes, peuvent être réutilisées dans le domaine de la défense pour accélérer l’accès à des produits plus modernes et moins chers . Ceci exige que l’industrie de Défense s’ouvre et change de paradigmes afin d’être capable d’utiliser ce qui n’a pas forcément été développé en elle-même. Plutôt que de promouvoir de la RD pure, il vaut mieux développer des capacités d’adaptation des nouvelles technologies, de créer des ponts entre des solutions du domaine civil et les besoins du militaire ; c’est ce que peuvent amener des sociétés qui, par leur taille plus faible, leur ouverture sur les marchés, leur flexibilité et leur absence « d’arrogance technique », sauront s’adapter dans des temps plus courts et nouer les bons partenariats dans des secteurs complémentaires.


En cette période de crise, notre pays ne peut pas se permettre d’écarter des talents qui ne demandent qu’à s’épanouir. Le repli sur une attitude fonctionnarisée ne peut être que génératrice de déclin. Il y a des mentalités à changer dans tout notre appareil étatique économico-industriel : serons-nous capables d’opérer ces changements rapidement ? J’en doute car notre mentalité bureaucratique est malheureusement trop enracinée pour voir apparaître une évolution rapide.


C’est pour cette raison qu’il faut continuer à dénoncer et… peut-être d’espérer.  

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