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Maîtriser la mondialisation avec la force des régions

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L’Assemblée générale de l’Assemblée des Régions d’Europe (ARE), ma troisième en tant que présidente, s’est tenue le 24 et le 25 novembre à Ponta Delgada aux Açores. Alors que nous traversons une période économique bien sombre, il nous a semblé important de réfléchir à l’impact de la mondialisation sur les régions et à la façon dont nous pourrions tirer parti des opportunités qu’elle offre tout en atténuant ses effets négatifs.


La mondialisation, une chance ?


La mondialisation est sans aucun doute l’une des causes de la crise et de son ampleur. Mais elle a surtout agi comme le révélateur des inégalités et du manque de cohésion entre nos régions, des défauts de compétitivité de certaines et de l’inadaptation de nos structures économiques et sociales face aux changements économiques rapides survenus ces dernières décennies. Bien qu’on ne la regarde plus que rarement sous cet angle aujourd’hui, la mondialisation, à bien des égards, a aussi été une chance : elle a favorisé l’accroissement des échanges, de la richesse mondiale, et le développement de nouvelles technologies. Nous avons célébré l’avènement de la modernité et d’une croissance soutenue qui nous tirait en avant, mais nous avons négligé dans le même temps de traiter certains aspects négatifs de la mondialisation sur l’environnement, sur les inégalités sociales, sur la marginalisation de certains espaces, et ce sont aujourd’hui ces aspects qui nous rattrapent.


Aujourd’hui, la crise nous montre à quel point la mondialisation nous a lié les uns aux autres. À nous, maintenant, de tirer parti de cette interdépendance.


Le rôle éminent des régions dans la relance de l’économie


Et il se trouve que c’est d’abord aux régions qu’incombera la tâche de relancer durablement l’économie. Ce sont elles qui financent en majeure partie l’innovation et le soutien aux PME, alors que les États, criblés de dettes, se désengagent toujours plus. L’investissement dans les transports, dans l’énergie verte, dans les infrastructures, on le doit aussi principalement aux régions.


Mais nos régions ont souffert de la crise au même titre que les États. Comment leur demander de réaliser plus d’investissements tout en leur demandant davantage d’économies, de prendre en charge des politiques que les États ne peuvent ou ne veulent plus soutenir, et ceci sans politique régionale européenne ambitieuse ? On menace même de suspendre les fonds structurels des pays qui ne respectent pas leurs obligations en matière de déficit ! Cette dernière mesure est injuste et contreproductive : on exige des régions qu’elles endossent les erreurs des États et on les prive des moyens de relancer la croissance. Cela ne pourra qu’enfoncer davantage de pays et régions déjà durement touchés par la crise.


Mieux impliquer les régions pour une meilleure gouvernance


Pourquoi, aussi, tenir les régions à l’écart de la conception de projets et de programmes qui les concerne directement ? En termes d’efficacité, c’est incompréhensible. Les régions ne sont-elles pas les mieux placées pour connaître leur territoire et lancer des partenariats avec les acteurs locaux ? En 2007, les États en avaient convenu en signant un Agenda territorial pour une meilleure intégration des politiques européennes et une gouvernance fondée sur le partenariat et la coordination. Malheureusement, aucun changement n’a été constaté dans les faits. En France, l’État s’est contenté de se décharger sur les régions d’une bonne partie de la politique sociale et a cessé de s’intéresser au réchauffement climatique : si c’est ainsi, les régions doivent être dotées des moyens nécessaires pour prendre la relève.


C’est pourquoi l’ARE a organisé le Sommet des communes et régions de St-Pölten, afin de remettre au Commissaire Hahn un manifeste promouvant le renforcement de la prochaine politique de cohésion. Nous avions alors mis en garde contre cet excès de conditionnalité des aides et un niveau insuffisant de financement.


Les régions face aux défis de la mondialisation


Et c’est aussi la raison pour laquelle notre Assemblée générale a adopté une déclaration sur le rôle des régions face aux défis posés par la mondialisation. Car, nous sommes convaincus que c’est par le renforcement de l’intégration et de la solidarité européenne que nous pourrons relever ces défis. L’austérité budgétaire que s’imposent les États ne peut suffire à produire de la croissance. Les régions auront besoin de financements, par le biais des fonds structurels européens, pour soutenir la recherche, lancer des projets innovants et accompagner les secteurs porteurs de croissance. Il faut créer une réelle dynamique de changement pour sortir du marasme où nous nous enfonçons plus sûrement chaque jour, à coups de restrictions budgétaires.


Les régions doivent pouvoir investir, soutenir des programmes de mobilité étudiante ou professionnelle, comme le programme Eurodyssée de l’ARE, pour accroître les compétences et renforcer l’internationalisation des étudiants et travailleurs.


L’ARE entend faire entendre sa voix


Alors que se décident les futures grandes orientations des politiques européennes en prévision du nouveau budget 2014-2020, l’ARE a donc bien l’intention de peser dans le débat pour que soit adoptée une politique régionale et de cohésion ambitieuse. Il s’agit d’assurer le développement de tous, mais aussi de rassembler nos forces autour de politiques et de projets communs. Car la conception de politiques territoriales ne doit pas nous faire oublier le global : tous les échelons de gouvernance, tous les acteurs et tous les secteurs doivent être impliqués. En négligeant l’expertise d’un acteur clé, en voulant stimuler l’emploi sans réaliser l’effort inhérent de formation des professionnels, on perd beaucoup en efficacité.


La crise est donc une chance pour les régions : elle est l’occasion pour elles de prendre conscience de tout leur potentiel, de promouvoir une diversité d’activités économiques et de repenser en profondeur la manière dont leur économie est structurée, de façon à se tourner vers une croissance polyvalente et durable. Que notre interdépendance devienne une force et non une faiblesse !


Michèle Sabban


Présidente de l’Assemblée des Régions d’Europe



 

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