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Montée du racisme au royaume de la tolérance?

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Quand la tradition de Noël n’échappe pas à la polémique

L’arrivée de Saint Nicolas à la fin du mois de novembre, chargé de cadeaux pour les enfants des Pays-Bas est un événement pour toutes les familles hollandaises.
Comme la tradition le veut, les hommes blancs jouent le rôle de Black Peter, le Père Noël  africain. Ils portent de la soie et assombrissent leurs visages avec du cirage noir. Mais cela a inévitablement entraîné un débat passionné sur la nature de l’événement : sympathique tradition ou affront raciste ?

Cette année, les choses ont pris un tournant plus dramatique. Des vidéos, montrant des policiers hollandais malmener des artistes natifs des Caraïbes qui portaient des T-shirts « Black Peter est raciste », ont lancé le questionnement sur la façon dont ce fameux pays libéral semble avoir rejoint le devant de la nouvelle vague d’intolérance européenne.

 

L’abandon de la position permissive des Pays-Bas

« Il est temps pour les Pays-Bas d’offrir la protection aux minorités peu importe leur religion, leur orientation politique, leur race ou leur genre » bouillonnait Sherldry Osepa, qui représente le gouvernement de l’île caribéenne de Curaçao aux Pays-Bas.

Une fois célébrés pour leur attitude décontractée sur le sexe, les drogues et l’immigration, les Pays-Bas ont été éloignés de cette position permissive depuis le début des années 2000.

Le durcissement de la position hollandaise

Les récents gouvernements ont durci les lois sur l’immigration, soumettant les nouveaux venus à des tests de langage et de culture hollandaise ; les limitations du droit au regroupement familial ont attiré les critiques des agents européens chargés de la surveillance des droits de l’homme ; les plans concernant l’interdiction du port du voile ont été dévoilés en septembre.

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Plus tôt cette année, de nouvelles restrictions ont frappé les célèbres coffee shop du pays (où la consommation du cannabis était autorisée), et le dynamisme du nettoyage a conduit à la fermeture de nombreux établissements dans le quartier rouge d’Amsterdam et dans d’autres villes.

Une hausse marquée de l’extrémisme et de l’euroscepticisme

Même le projet européen commence à froisser les sensibilités hollandaises. Bien que le vote prouve que les citoyens sont majoritairement d’enthousiastes supporters de l’intégration européenne, un mécontentement généralisé s’est fait entendre sur le support à apporter à la Grèce, au Portugal et à l’Italie dans la crise économique actuelle.

« L’euro a échoué. Maintenant, il est principalement utilisé pour envoyer de l’argent aux pays » disait un récent tweet de Geert Wilders, leader du Parti pour la Liberté, qui demande un référendum sur le retrait de la zone euro.

Le parti a gagné 15 % aux dernières élections parlementaires grâce à un programme basé sur l’anti immigration, triplant ainsi son score il est devenu le troisième plus grand parti du pays représenté au parlement avec une influence significative sur le gouvernement de centre droit.

Une population musulmane bien implantée

Sur une population de 16,6 millions aux Pays-Bas, 3,4 millions de personnes ont une origine étrangère d’après les dernières statistiques officielles. Les musulmans représentent 5 % de la population globale avec près de 850 000 représentants, principalement d’origine turque ou marocaine.

Le débat autour du rôle de l’Islam dans la société hollandaise s’est intensifié après les attaques du 11 septembre aux États-Unis et l’assassinat de Theo Van Gogh, un réalisateur tué par un hollandais-marocain après la sortie d’un de ses films s’attardant sur les violences infligées aux femmes musulmanes.

Le contrecoup d’années de tolérance

De tels événements combinés à l’assurance croissante de plus jeunes immigrés et aux tendances extérieures comme la mondialisation, l’élargissement de l’Union Européenne et une perte de l’identité hollandaise ont mené à un retour du bâton contre les étrangers et à un retour à des valeurs plus traditionnelles, disent les experts.

« C’était un pays qui sentait bon la modernité, que l’on pouvait rejoindre et gérer. Maintenant, ces choses sont moins certaines » dit le Professeur James Kennedy, spécialiste en histoire hollandaise moderne à l’Université d’Amsterdam. « Une partie de cette intolérance a à voir avec le déclin de la confiance dans la façon dont sont gérées la politique, les questions sociales ou religieuses. »

Une apparence travaillée

Des quartiers comme celui de Oude Western à Rotterdam symbolisent toute l’angoisse ressentie par les Hollandais.

Au début des années 2000, ce quartier du XIXe siècle, près de la gare centrale avec ses maisons ordonnées, était connu pour ses crimes violents et ses trafics de drogues dures. L’endroit était alors considéré comme un lieu où ne pas s’aventurer pour beaucoup d’habitants blancs de la ville.

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Le quartier vibre maintenant d’un mélange ethnique qui attire les touristes, et à la surface, tout paraît harmonieux.

« Nous avons un vrai mélange des gens ici, c’est quelque chose que vous ne trouverez nulle part ailleurs. Oude Western est un village au cœur de la ville » dit Armando Sorrentino, un Hollandais aux racines italiennes qui travaille à promouvoir le développement de commerces dans le quartier. « Alors que l’intolérance a grandi à d’autres endroits, nous avons eu la tendance inverse ici. »

L’écrasement des minorités

Le quartier a toujours des problèmes mais d’après les riverains, la communauté a travaillé à l’unisson avec les autorités de la ville afin de nettoyer la rue commerciale principale West-Kruiskade de son fouillis de coiffeurs africains, d’épiceries surinamaises, de ses centres d’acupuncture chinois, de ses boulangeries marocaines et des occasionnels coffee shop où était vendu librement de la marijuana. En dépit de cette vibration positive, les riverains restent concernés par les changements plus larges de la société. 

Des mentalités orientées « anti minorités »

« Les garçons et les filles à qui j’ai enseigné n’ont jamais eu aucun problème avec ma couleur de peau » partageait l’ancien professeur de lycée James Fitz-James, 63 ans, qui arriva aux Pays-Bas il y a maintenant 40 ans depuis la colonie hollandaise du Surinam.

« Maintenant, les politiciens essaient de leur donner une nouvelle façon de penser à propos des personnes venant des Caraïbes, d’Afrique, de Turquie ou du Maroc. Ils parlent de nous comme si l’on était un danger pour leur travail, leur mode de vie, » ajoutait James Fitz-James qui dirige désormais le magasin Kotomisi où il vend des produits surinamais parmi lesquels figurent des robes colorées et une sélection d’herbes aphrodisiaques.

Une politique sociale à redéfinir

D’après le professeur Han Entzinger, expert sur la migration à l’Université Erasmus de Rotterdam, la réputation d’une tolérance multiculturelle aux Pays-Bas cache les vies parfois très séparées des différentes communautés du pays.

« Nous permettions aux immigrants de garder leur identité du moment qu’ils ne nous dérangeaient pas, au lieu de développer un respect mutuel et un véritable entendement, plaide-t-il. Ce n’était pas vraiment une inclusion, ça ne pouvait pas durer. »   

 

GlobalPost/Adaptation Antoine Le Lay – JOL Press

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