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Pour lutter contre la crise, un peu de bon sens…

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[image:1,l]L’accord inter-gouvernemental de Bruxelles, conclu dans la nuit du 8 au 9 décembre, en garantissant un meilleur contrôle des politiques budgétaires des États, apparaît comme une réponse adaptée à la crise de la dette que traverse la zone euro. C’est une réponse attendue, fidèle aux principes de stabilité rigoureuse qui accompagnent la monnaie unique depuis sa création. Pourtant, la mise en œuvre de cette solution va exiger plusieurs mois.
D’ici là, le risque réel – comme l’a d’ailleurs admis Mario Draghi lors de sa conférence de presse mensuelle du 8 décembre – est qu’à la crise financière s’ajoute une récession économique. Pour sortir de cette double crise, les solutions ne sauraient alors se cantonner aux choix traditionnels prônés par les « gardiens du temple » de la Banque centrale et de la Commission européennes. Ce qu’il faudrait sans doute, c’est « révolutionner les esprits », changer le « système » à partir d’expériences menées ailleurs et de quelques remarques de bon sens.


Libérer les États européens de l’emprise des marchés


En s’appuyant sur les banques européennes, la BCE maintient les États européens sous le joug des marchés financiers. David Cameron a beau jeu de défendre la place financière de Londres quand il sait pouvoir compter sur le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Sir Mervyn King, pour, en cas de besoin, faire fonctionner la planche à billets et injecter les liquidités nécessaires aux besoins de l’État britannique. De même, aux États-Unis, où Ben Bernanke, le président de la Fed ajoute aux gestes – le rachat massif d’obligations d’État, après la perte du triple A en août dernier –  la parole quand il reconnaît comprendre l’exaspération des manifestants d’Occupy Wall Street. Un peu too much… car, point trop n’en faut !
En Europe, au contraire, face à la crise, la BCE renforce le rôle des banques privées et préserve ainsi la spéculation financière en se réfugiant derrière des traités qu’il suffirait d’amender.


Reconnaître le caractère perpétuel de la dette


Une large proportion de l’activité des États sur les marchés obligataires consiste à refinancer leurs dettes. C’est précisément le refinancement des débiteurs qui constitue le moment crucial : la Grèce, l’Irlande et plus récemment le Portugal sont entrées dans l’œil du cyclone parce que confrontés à des taux d’intérêts prohibitifs au fil  de leurs opérations de refinancement.
La solution pourrait être de transformer les dettes publiques en obligations à durée indéterminée (ODI). Les titres d’État sensibles, au lieu d’être remboursés à échéance fixe, seront ainsi transformés en rentes perpétuelles, via un taux d’intérêt annuel raisonnable (entre 2 % et 5 %), ou même un taux plus bas assorti d’une indexation sur les prix ou d’un avantage fiscal, sachant que leurs titulaires pourront les revendre à tout moment sur le marché secondaire, de manière à récupérer leur investissement en cas de besoin.
Ces dettes restent remboursables sur décision de l’émetteur. Ainsi, dans l’hypothèse où il n’y aurait pas assez d’argent en circulation, un remboursement anticipé pourrait être envisagé.


Les vertus de l’inflation et le contre-exemple japonais


En appeler à la banque centrale, faire marcher la planche à billet, c’est s’autoriser une dose d’inflation dans des proportions vertueuses. C’est ce que font les Etats-Unis, c’est ce que fait la Grande-Bretagne. L’euro fort tue !
L’exemple du Japon est éclairant. Depuis le début des années 2000, Tokyo ne parvient pas à se dépêtrer d’une crise qui de conjoncturelle est devenue structurelle. Une des raisons ? La rigueur monétaire, le refus dogmatique de toute inflation. Pourquoi ? Parce que le Japon est un pays vieillissant et, par là-même, un peuple de rentiers – d’ailleurs, 98 % de la dette d’État japonaise est détenue par des Japonais. Les rentiers craignent, par-dessus tout, l’inflation, la dévalorisation de leurs « stocks », et, en plus, ils ne consomment pas. Un véritable « frein à main » à toute reprise de l’activité économique, surtout quand les exportations nationales, autrefois fleurissantes, doivent faire face à la concurrence sauvage des pays émergents à très bas salaires.
John Maynard Keynes avait raison : « Il faut euthanasier les rentiers ». Et, pour commencer, au moins, les faire contribuer, à travers de l’inflation.


Libérer du pouvoir d’achat


Ces Messieurs de Francfort et Bruxelles, de leurs voitures aux vitres fumées, n’en ont peut-être plus conscience, mais nos responsables politiques, grâce aux liens qu’ils conservent avec la population, lors de déplacements sur « le terrain » ou de visites dans leurs circonscriptions, ne peuvent l’ignorer : ce dont souffrent les Français, comme tant d’autres peuples européens, c’est d’une insuffisance de pouvoir d’achat. Et s’ils épargnent, c’est parce qu’ils ont peur.
Inutile de se voiler la face, la transition vers l’euro s’est accompagnée d’une hausse des prix considérable, qui n’a pas été compensée par une hausse des salaires. Une visite dans un supermarché suffirait à en convaincre ceux qui doutent – et se réfugient derrière des statistiques totalement décalés. 
Abreuvées de paix et de liberté, de vastes franges de la population européenne se demandent à nouveau comment se procurer du pain.


Pour une révolution fiscale européenne


La meilleure manière d’atténuer cette peur, de redonner de l’espoir, c’est d’engager une réforme fiscale sans précédent qui ait pour objectif de libérer du pouvoir d’achat et de diminuer le coût du travail. Au cours des dernières décennies, avec la financiarisation de l’économie et la désindustrialisation, le facteur capital a été outrageusement privilégié au détriment du travail. Il faut inverser cette tendance, d’urgence.
La solution passe par la convocation d’un sommet fiscal européen devant aboutir à une refonte des principes de la fiscalité – et, évidemment, une harmonisation fiscale.


Prendre exemple dans le « Fighting Spirit » américain


[image:2,l]La réaction des États-Unis à la crise est pleine d’enseignements – et d’espoir. Depuis août et l’annonce de dégradation par S&P’s de la note souveraine de l’État fédéral, deux phénomènes se sont produits : tout d’abord, en novembre, le chômage, redescendu à 8,6 %, a atteint son niveau le plus bas depuis mars 2009 ; ensuite, le Black Friday 2011, l’ouverture des soldes le lendemain de Thanksgiving, a donné lieu à un montant record de consommation – 52,5 milliards de dollars contre 45 milliards en 2010. Un exemple à suivre que celui du « Fighting spirit » outre-Atlantique.


Tourner le dos à la sinistrose


La réponse à la crise n’est pas dans la sinistrose, mal trop intimement français, mais, au contraire, dans la conviction qu’un avenir meilleur est possible. De l’angélisme ? Bien au contraire. La sortie de crise ne nous attend pas « au coin de la rue ». Il faut recréer les conditions de la croissance.  Il est une réforme qui ne saurait se contenter d’un vote au parlement ou d’une négociation nocturne à Bruxelles, c’est celle qui introduirait un changement profond des mentalités : à chacun de prendre conscience qu’il faut se relever les manches par intérêt personnel mais aussi pour le bien-être collectif.


Remettre l’humain au cœur du système


Les marchés financiers, l’économie financiarisée, leurs serviteurs et affidés, ont cru qu’il était possible de faire de l’humain, une vulgaire variable économique, marginale qui plus est. Comme ce grand capitaine d’industrie qui rêvait  autrefois d’entreprises sans usines, ils ont essayé de nous vendre, comme seule alternative, une Europe sans pouvoir d’achat et sans salariés. La crise que traverse cette Europe n’est pas anodine, tant elle pourrait conduire à un retour en arrière sans précédent avec pour principales victimes, les peuples.
Il n’y a aucune fatalité à cette tragédie : quelques réformes de bon sens et un changement de mentalité, à tous les niveaux, suffiraient sans doute à nous éviter du pire. 

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