Site icon La Revue Internationale

Quels effets aurait la perte du triple A?

aapic.jpgaapic.jpg

[image:1,l]L’accord inter-gouvernemental à « 17+ », conclu à Bruxelles au petit matin du 9 décembre, n’y change rien : les pays de la zone euro restent dans la ligne de mire des agences de notation. La plupart des économistes en sont convaincus, la France et ses partenaires perdront leur précieuse note « AAA » au début de l’année prochaine, au plus tard.
La question qui se pose est de savoir quelles pourraient être les conséquences, au-delà de la dimension symbolique, d’une telle décision : comment réagiront les marchés ?

Une course contre la montre

Les efforts de communication n’y changeront rien, l’accord inter-gouvernemental de Bruxelles ne portera ses fruits que d’ici de longs mois. Sa rédaction finale est promise pour mars, puis il faudra patienter le temps de la ratification avant la mise en œuvre des principes arrêtés. D’ici là, les marchés, habituellement si pressés, sauront-ils patienter ? Considéreront-ils qu’ils ont déjà anticipé cette dégradation par les hausses de taux de ces derniers mois, estimeront-ils les engagements pris à Bruxelles comme des garanties n’exigeant pas une plus grande cherté du crédit ou accentueront-ils encore la pression sur des États déjà pris au cou ?

Le risque de « la spirale infernale » 

Dégradation de la notation > hausse des taux > hausse de la charge d’intérêt > hausse du déficit > hausse de la dette publique  > hausse des risques > dégradation de la notation

La théorie macro-économique ne pousse pas à l’optimisme. Le risque réside dans l’augmentation des taux d’intérêt qui pourrait suivre une dégradation de la notation : si les taux augmentent, la charge de la dette augmente, le déficit également… l’État doit s’endetter davantage… les risques continuent à croître et  la notation est, à nouveau, dégradée…
Ce n’est que de la théorie et, si ce scénario est celui observé en Grèce notamment, il n’y a aucune automaticité.

Personne ne croit au scénario-catastrophe d’une vente massive de la dette française

Il est fortement improbable, dans les circonstances actuelles, que l’on assiste à une vente massive de la dette française mais les prêteurs étrangers comme la Chine pourraient avoir la tentation de se défaire d’une partie de leurs bons du trésor français.
De plus, certains gérants obligataires pourraient être contraints à céder de la dette française, car ils ont l’interdiction de détenir des titres autres que « AAA » – c’est le cas des banques suisses, allergiques au risque. ­La France ne bénéficiera plus du report technique sur les dettes restantes ayant encore cette notation. Il est évident qu’une dégradation collective est moins grave qu’une dégradation individuelle.
Toutefois, la détérioration du marché boursier est telle que les bons du trésor français devraient rester pour l’essentiel une valeur-refuge.­

L’effet domino sur les organismes « sub-souverains »

D’autre part, la dégradation d’une note dite « souveraine » entraînerait avec elle les notes de nombreuses entreprises et collectivités locales françaises et européennes : collectivités territoriales, entreprises ayant l’État à leur capital et entreprises bénéficiant de la garantie implicite de l’État. Cela renchérirait leurs coûts de financement, au détriment de leur situation financière.
Au niveau de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) perdrait aussi son triple A, mais peut-être aussi la Banque européenne de reconstruction et de développement (BERD) et la Banque européenne d’investissement (BEI), dont les émissions sont garanties par les États.   

La crainte d’un « credit crunch », une contagion aux entreprises et ménages

La plus grande menace aux yeux des économistes est celle d’un « credit crunch », une raréfaction et un renchérissement du crédit qui gripperait l’investissement des entreprises et, par ricochet, toute l’économie.
Les ménages endettés verraient le montant de leur dette augmenter. Tous les particuliers vont être contraints de moins vivre à crédit, ce qui peut aussi peser sur la consommation. Par ailleurs, ils seraient affectés par la baisse de l’activité.

Un report sur les pays émergents et les valeurs refuges

Les investisseurs pourraient se détourner vers les pays émergents, jugés plus sûrs. L’arrivée massive de capitaux étrangers en Amérique latine ou en Asie par exemple, pourrait entraîner le développement de bulles spéculatives, comme ce fut le cas en 1998.
Les investisseurs auraient plutôt tendance à se replier vers des matières premières refuges. Le cours de l’or est au plus haut. S’il venait à augmenter, cela pèserait d’autant plus sur le coût des matières premières, ce qui créerait de l’inflation.

Un pilotage à vue

Certes, ni les faits, ni la théorie ne poussent à l’optimisme. Mais, le pire n’est pas forcément le scénario le plus probable. À moyen terme, les mesures avancées par l’Accord de Bruxelles semblent en mesure de participer à un retour de la confiance dans les économies européennes.
D’ici là, certaines mesures peuvent atténuer les effets escomptés d’une dégradation de la notation et de la hausse des taux d’intérêt : si Mario Draghi, le président de la BCE, persiste à refuser un rachat massif d’obligations d’État par la banque centrale, l’annonce, jeudi 8 décembre, de prêts illimités à 1 % sur trois ans aux banques européennes peut atténuer les risques et les effets d’un « credit crunch ».

Perte du triple A ou pas, le ralentissement de l’activité devrait se poursuivre en 2012 : la question est de savoir si la zone euro sera en récession ou conservera un taux de croissance légèrement positif. Dès lors, aux turbulences financières s’ajoutera une crise de l’économie réelle face à laquelle il ne faudrait pas que la pression des agences de notation empêche de prendre les mesures de relance indispensables.  

Quitter la version mobile