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S&P menace de baisser la note de toute la zone euro

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Les promesses n’engagent que ceux qui les prennent, aux dires des croyances populaires.
Mais, surtout, l’agence de notation, Standard and Poor’s, comme toutes les agences de notation, ne croit que ce qu’elle voit, et tant qu’elle n’a pas vu, elle n’a pas cru…
Le message à destination des dirigeants de la zone euro et, indirectement, de l’Union européenne est assez clair : les déclarations de bonnes intentions qui se succèdent, notamment de la part d’Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, ces derniers jours, ne servent à rien si elles ne sont pas suivies d’effets ; si les Européens sont désormais convaincus qu’il faut lancer une réforme des traités susceptible, une fois adoptée, de garantir une plus grande rigueur dans la gestion des finances publiques, qu’ils la lancent… mais, il n’y a plus de temps à perdre.

Résultat : à trois jours d’un Sommet européen décisif, S&P menace de dégrader la note financière de l’ensemble des pays de la zone euro, et les place sous surveillance négative.

Une menace de dégradation qui menace toute la zone

La Grèce et Chypre étaient déjà dans cette position mais, cette fois, c’est toute la zone euro, les quinze autres pays membres, qui les y rejoignent.
Toute la zone euro, y compris les six pays les mieux notés et qui perdraient le AAA : l’Autriche, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la France et… l’Allemagne.
Si la rumeur concernant une dégradation de la France enflait, c’est la première fois que l’Allemagne, première économie européenne, serait ainsi mise en danger par une agence de notation.

« Un stress systémique met la pression sur toute la zone »

Après la clôture de Wall Street, Standard & Poor’s a annoncé sa décision par un communiqué qui invoque un « stress systémique ».
Elle s’inquiète de l’accroissement des primes de marché payées par certains pays mais également de « désaccords persistants entre responsables politiques européens sur la manière de restaurer la confiance des marchés et sur la façon d’assurer à plus long terme la stabilité budgétaire ». Les déclarations d’intention de la chancelière allemande et du président français n’ont, semble-t-il, pas eu beaucoup d’écho outre-Atlantique… À moins, justement, qu’elles en aient eu et que l’agence de notation cherche à faire pression sur les autres pays membres.
Enfin, S&P s’inquiète des risques de récession qui pourraient aggraver la situation des finances publiques. Une récession qu’elle estime désormais probable à 40 %, ce qui justifie d’autant plus sa décision. Et c’est cette crainte de ralentissement économique majeur qui explique l’inattendu placement sous surveillance de l’Allemagne.
En conséquence de la dégradation de tous les pays de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) a été placé, lui aussi, sous surveillance négative, mardi 6 décembre, et risque de perdre son AAA.

Deux niveaux de menace

S&P établit une distinction entre deux catégories de pays : ceux qui pourraient voir leur note baisser d’un seul cran – c’est le cas de l’Allemagne – et ceux qui pourraient perdre deux crans directement – l’Irlande, l’Italie, le Portugal, l’Espagne… et la France !
Il y aurait donc une chance sur deux pour que la note française passe à AA+, voire AA dans les prochains mois. Pointées du doigt, des contraintes nouvelles qui pèsent sur le financement des banques françaises et qui pourraient nécessiter l’intervention de l’État. S&P s’inquiète d’un « accès plus compliqué au financement » – depuis fin août, les banques françaises empruntent plus difficilement – et fait état de besoins considérables en 2012. Du côté des banques françaises, on nuance cette analyse, jugée un peu excessive.

Verdict dans 90 jours, probablement avant

S&P se donne 90 jours – d’ici au 5 mars 2012 – pour décider d’abaisser ou non la note des pays concernés.
L’agence a déjà prévenu qu’elle n’attendrait pas aussi longtemps et comptait conclure son analyse le plus tôt possible après le Sommet européen du 8 et du 9 décembre.
Cet aveu confirme la dimension fortement politique de la démarche de Standard & Poor’s. L’agence de notation entend faire pression sur les pays européens pour qu’ils trouvent des compromis et engagent les réformes nécessaires. S&P invite aussi la BCE à intervenir.

Et si S&P rendait, d’une certaine manière, service aux États membres ?

Une fois de plus, la question de la légitimité des agences de notation se pose. Mais, en l’occurrence, il convient de noter que, derrière la désagréable nouvelle d’une mise sous surveillance négative et son coût potentiel, à court terme, sur les marchés obligataires, S&P, en ajoutant de la pression, donne peut-être un coup de pouce aux États à l’approche de l’échéance bruxelloise cruciale de cette fin de semaine… La zone euro n’aurait donc plus le choix.

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